Sclérose en plaques: des biomarqueurs qui redessinent le diagnostic

Le diagnostic de la sclérose en plaques (SEP) repose de plus en plus sur les biomarqueurs, alors que les experts cherchent à poser le diagnostic plus tôt et à réduire les erreurs diagnostiques, ont entendu les participants au congrès annuel de la Fédération des sciences neurologiques du Canada.Le diagnostic de SEP se fonde sur les critères de McDonald, mis à jour en 2024 par un consortium d’experts internationaux (dont six issus du Canada) et publiés en octobre 2025. La nouvelle version accorde une place accrue au diagnostic fondé sur les biomarqueurs, explique le Dr Simon Thebault, neurologue à l’Institut-hôpital neurologique de Montréal (CUSM) et professeur adjoint à l’Université McGill.L’objectif est non seulement d’augmenter la sensibilité, pour poser un diagnostic plus précoce, mais aussi de maintenir une bonne spécificité afin de réduire les faux diagnostics. «Ce n’est pas un problème mineur: le taux de diagnostic erroné pourrait atteindre 20% dans les cliniques spécialisées en SEP», souligne-t-il.Les nouveaux critères intègrent donc davantage d’éléments de spécificité «pour vraiment faire la part de ce qui est la SEP et de ce qui ne l’est pas», ajoute le médecin selon qui «l’arbre décisionnel du diagnostic de SEP comporte désormais beaucoup plus de branches.»Ces examens «sont mon pain quotidien», confie le Dr Thebault, précisant qu’il les réalise chaque jour. «Cela illustre l’importance de consulter un spécialiste et un centre disposant de ces tests, ainsi qu’un radiologiste qui sait les interpréter.»Le nerf optique devient une cinquième topographie de dissémination spatialeUn diagnostic de SEP repose sur la mise en évidence d’une dissémination des lésions dans le temps et dans l’espace. Pour démontrer une dissémination spatiale, certaines localisations lésionnelles sont requises. Jusqu’ici, seules quatre régions étaient considérées comme évocatrices de la maladie. Les critères de McDonald 2024 permettent désormais d’utiliser une lésion du nerf optique comme preuve de dissémination spatiale. Celle-ci peut être détectée en IRM ou par potentiels évoqués.Le Dr Thebault rappelle que d’autres diagnostics différentiels peuvent expliquer une atteinte du nerf optique. Le caractère parfois subjectif de la mise en évidence des bandes peut mener à des erreurs diagnostiques.Les critères 2024 indiquent aussi que si des lésions sont présentes dans quatre ou cinq des topographies reconnues, le diagnostic de SEP peut être posé même en l’absence de dissémination temporelle documentée.À lire aussi: De l’ADN ancien expliquerait la prévalence de la sclérose en plaques en Europe du NordBandes oligoclonales vs chaînes légères libres kappaLa détection de bandes oligoclonales dans le liquide céphalorachidien (LCR) est un biomarqueur ancien de la SEP, mais leur identification peut être subjective, rappelle le Dr Thebault, ce qui peut entraîner des diagnostics manqués.L’indice des chaînes légères libres kappa est un autre test réalisé à partir du LCR, indicateur de synthèse d’anticorps et d’inflammation. Il est désormais considéré comme équivalent aux bandes oligoclonales en tant que biomarqueur de SEP. Plus l’indice est élevé, meilleure est la spécificité diagnostique.Selon un article paru dans Frontiers in Immunology, ce test peut être partiellement automatisé, alors que l’analyse des bandes oligoclonales requiert des laboratoires expérimentés. La production de bandes exige environ une demi-journée de travail, contre beaucoup moins pour mesurer l’indice kappa. Le test est aussi moins coûteux et moins variable selon le type de dosage utilisé. «L’essentiel est que c’est beaucoup plus simple. Cela épargne énormément de travail», affirme le Dr Thebault.L’inclusion de l’indice kappa dans les critères 2024 de McDonald est abordée dans un article publié par la revue Neurology and Therapy. Il pourrait même servir de biomarqueur pronostique.Le signe de la veine centraleDans les plaques de SEP, des vaisseaux - surtout veines et veinules - sont souvent visibles. L’espace périveineux peut être le siège d’une inflammation, créant une lésion qui entoure la veine. Grâce aux IRM à champ élevé, ces veines peuvent être mises en évidence au cœur des plaques: c’est le signe de la veine centrale (central vein sign, CVS). La présence d’au moins six lésions positives CVS peut servir de biomarqueur de SEP: c’est la règle «Select 6».Cette détection exige des séquences IRM spécifiques. La North American Imaging in Multiple Sclerosis Cooperative a publié un consensus pour l’évaluation de ce marqueur. La puissance du champ magnétique est également importante: 1,5 Tesla est la norme clinique et permet de le voir, mais des champs plus élevés sont meilleurs.Un obstacle potentiel est l’adhésion des radiologistes. «Il faut les convaincre d’ajouter une séquence supplémentaire d’environ cinq minutes, puis de les compter - ce qui prend aussi du temps», note le Dr Thebault.D’autres éléments d’imagerie permettant de démontrer la dissémination temporelle sont une lésion rehaussée au gadolinium ou une nouvelle lésion en T2 au suivi.À lire aussi: Art, bien-être et cerveau: étudier les effets de visites au muséeLésions à bordure paramagnétiqueCes lésions sont un autre marqueur spécifique de la SEP. Après l’agression initiale du système nerveux central, «le système immunitaire ne quitte pas les lieux: il s’installe», explique le Dr Thebault. Dans de nombreuses lésions, une «bordure qui couve» persiste, révélant une inflammation active visible avec les mêmes séquences IRM que pour le CVS. Bien que moins fréquentes, elles sont très spécifiques lorsqu’elles sont présentes.Inclusion du syndrome radiologiquement isoléAutre changement majeur des critères 2024: l’élargissement de la définition de la SEP. Auparavant, la SEP infraclinique détectée uniquement à l’IRM était classée comme syndrome radiologiquement isolé (RIS). Les critères permettent désormais de diagnostiquer une SEP, même en l’absence de symptômes, si:des lésions démyélinisantes de la substance blanche en T2 sont présentes dans deux des cinq topographies de dissémination spatiale,et un biomarqueur d’imagerie ou biologique est détecté.Cette approche permet d’amorcer rapidement un traitement, sans attendre l’apparition des symptômes. «C’est une excellente chose, car on sait qu’environ 30% de ces personnes développeront une SEP en dix ans», indique le Dr Thebault. Certaines ont peut-être déjà la maladie au moment de l’imagerie.Vers des biomarqueurs pronostiquesUn biomarqueur permettant d’anticiper l’évolution de la maladie serait utile pour les patients et les cliniciens. Plusieurs candidats sont étudiés.Chaîne légère de neurofilamentLa chaîne légère de neurofilament (NfL, pour Neurofilament light chain) est un biomarqueur non spécifique du dommage axonal-neuronal. Désormais, des plateformes ultrasensibles permettent de la mesurer dans le sang (sNfL), alors qu’elle était auparavant dosée presque exclusivement dans le LCR.Ces mesures sont intégrées dans les essais cliniques pour suivre la réponse thérapeutique. Certaines données suggèrent son potentiel pronostique. En 2022, le Dr Thebault et des collègues ont publié une étude montrant qu’un taux plus élevé de sNfL était associé à un risque accru de rechute ultérieure chez 58 patients canadiens et italiens. Une revue sur l’application clinique des neurofilaments a été publiée dans Nature Reviews Neurology en 2024.Une limite importante: la sNfL n’est pas spécifique. D’autres comorbidités, l’âge ou même l’IMC peuvent l’influencer, ce qui exige des ajustements. «On dispose désormais de grandes bases de données pour mieux interpréter ces valeurs, mais l’interprétation clinique reste loin d’être parfaite», note le médecin. Des différences de mesure peuvent aussi exister entre les plateformes. «C’est un chantier en cours.»À lire aussi: Des chercheurs canadiens font une grande avancée dans la recherche contre la SLALa protéine acide fibrillaire glialeLa protéine acide fibrillaire gliale (GFAP, pour Glial Fibrillary Acidic Protein) reflète des dommages astrocytaires et pourrait être un marqueur d’évolution. Par exemple, une étude de 2015 a montré qu’un taux élevé de GFAP dans le LCR était associé à un déclin plus rapide selon l’échelle EDSS.Une vaste étude publiée en 2024 a comparé la sNfL et la GFAP comme prédicteurs de progression. Les deux étaient utiles, mais «la vraie magie survient quand on les combine», souligne le Dr Thebault. D’autres équipes étudient la GFAP pour détecter une progression infraclinique.Les révisions 2024 des critères de McDonald ont été publiées en octobre 2025 dans The Lancet Neurology. Le Dr Thebault a présenté ces avancées au congrès annuel de la Fédération des sciences neurologiques du Canada, en juin à Ottawa.

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