Santé publique: entrevue avec Luc Boileau

En termes de santé publique, impossible de cibler un, voire deux dossiers prioritaires pour l’année 2024. Le Dr Luc Boileau est sur tous les fronts, de son propre aveu. Si les maladies infectieuses et respiratoires occupent évidemment le devant de la scène en cette période hivernale, d'autres préoccupations sanitaires et sociales sont dans le viseur de la Santé publique, comme «le vieillissement de la population du Québec», rappelle le Directeur national de la Santé publique et sous-ministre adjoint au MSSS. «Nous devons agir pour que les gens puissent vieillir en bonne santé. Mais il faut aussi surveiller l’impact sur la santé des modifications environnementales, et d’autres phénomènes comme la recrudescence des jeux d’argent ou la consommation de substances.» Tel un écho à l’allocution du ministre de la Santé Christian Dubé lors du Sommet sur la santé durable, Luc Boileau insiste sur l’enjeu crucial de la prévention. «Les actions de prévention sur le mode de vie ont une influence, affirme-t-il. Mobilité active, interpellation intellectuelle, protection contre des chaleurs extrêmes… Ce sont des sujets qui nous concernent et sur lesquels nous travaillons, mais pas seuls, autour d'approches de prévention, de protection et de promotion avec de bons systèmes de surveillance.» À lire aussi: Des médecins demandent une stratégie nationale pour un air purLa vaccination est l'un des étendards de cette politique de prévention, plus ciblée qu'en période pandémique. «On se concentre sur les personnes les plus à risque: les aînés, les malades chroniques, les jeunes enfants et les femmes enceintes, notamment. On devra leur faire plusieurs rappels pour les inciter à compléter leur schéma vaccinal. Il faut que les gens prennent conscience des risques et des bénéfices des vaccins.»«Nous sommes préoccupés» par les pénuries actuellesSi la situation dans les urgences du Québec s’améliore, le système est toujours en proie à des pénuries de personnels et de médicaments, au sujet desquelles le Directeur national de la Santé publique se veut rassurant. «Nous sommes préoccupés et nous contribuons aux efforts attendus pour régulariser les zones de fragilité, qu’il s’agisse d’accès aux médicaments ou aux services, déclare-t-il. Certaines choses peuvent être faites pour éviter des trajectoires de services qui vont mener à l’hospitalisation, par exemple la vaccination. Concernant les médicaments, nous avons l’appui de l’INESSS lorsque nous sommes confrontés à des risques de ruptures.» Qu’en est-il des personnels et des moyens mobilisés pendant la pandémie, ainsi que des postes créés dans plusieurs établissements de soins? «La santé publique a connu une croissance importante pendant la période pandémique, avec beaucoup d’interpellations qui ont en effet nécessité de récupérer un grand nombre de personnels», reconnaît le sous-ministre délégué. Mais il n'y aura «pas de coupures».«Plus de 70 millions de dollars sont injectés sur une base récurrente au système de santé et de services sociaux», un budget qui ne devrait pas être revu à la baisse cette année assure Luc Boileau. Il concède tout de même que des ajustements seront nécessaires pour distribuer les capacités supplémentaires de façon optimale. «Par exemple, le Ministère manque parfois de ressources pour répondre aux demandes, alors que certaines régions ne les utilisent pas.» Une transformation du système «pas aboutie» cette annéeUn programme chargé auquel vient s’ajouter l'incontournable réforme de Christian Dubé. «La transformation annoncée du système de santé et de services sociaux ne sera pas aboutie en 2024, ça va prendre plusieurs années pour tout réajuster.»L'objectif est donc d'«optimiser l’organisation de la santé publique en harmonie avec les attentes et les objectifs de l’implantation de Santé Québec», explique Luc Boileau. D’autant plus que la Loi 15 propose selon lui des changements certes importants, mais partiels. «Le gouvernement n’a pas cru bon de modifier les repères clés de la santé publique, concernant les responsabilités nationale et régionale. Nous allons donc devoir trouver des mécanismes pour nous adapter à cette nouvelle organisation. Certaines responsabilités que la DGSP assumait dans le ministère pourront maintenant l'être au sein de Santé Québec, comme l’opération de la vaccination.» À lire aussi: Moins de 8% des employés du ministère veulent transférer à Santé QuébecCertains regroupements pourraient être effectués pour rendre le réseau de la santé et des services sociaux plus efficace. «Ce travail s’entame en ce moment avec les directeurs de santé publique et l’ensemble des équipes de gestion. Il est essentiel de garder un esprit ouvert à des choses qui peuvent améliorer nos manières de fonctionner.»Deux grands chantiers auront ainsi lieu cette année: le travail sur la réédition du Programme national de santé publique et de la Politique gouvernementale de prévention en santé prévue pour 2025, puisque tous deux arrivent à échéance. «Nous devons être en position de leadership sur le renouveau de ces deux programmes», soutient Luc Boileau.

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