Santé mentale: un premier guide démystifie le trouble d’accumulation compulsive

Savez-vous exactement ce qu’est le trouble d’accumulation compulsive? Alors qu’il concerne 2,6% de la population générale et 6% des personnes âgées au Canada, il est souvent confondu, à tort, avec le syndrome de Diogène, ou perçu comme un simple trouble du comportement. Mais le trouble d’accumulation compulsive (TAC) est un véritable trouble de la santé mentale, qui n’a été défini que très récemment dans le DSM-5, rappelle la psychologue Natalia Koszegi, coordonnatrice clinique au Centre d’étude clinique sur le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM) et membre du Comité d’action pour le trouble d’accumulation compulsive (CATAC). «C’est banalisé, et les soignants ont tendance à penser qu’on ne peut rien y faire, alors qu’il s’agit d’un trouble complexe que l’on peut traiter pour améliorer l’état de la personne.»Pour démystifier le TAC et améliorer sa prise en charge, le CATAC a donc publié, le 17 mai dernier, le premier guide francophone sur le sujet, intitulé Surmonter le trouble d'accumulation compulsive (TAC). S'aider soi-même, Soutenir, Intervenir, Garder l'espoir. S’il s’adresse aux personnes aux prises avec le TAC et à leurs familles, il donne aussi des clés de compréhension et d’intervention aux personnels de santé et aux gestionnaires. Un trouble chronique et souvent héréditaireCar la stigmatisation dont souffrent les personnes atteintes de TAC au sein de la population vient aussi de la méconnaissance des professionnels de la santé. «On considère le TAC comme étant de l’accumulation, alors qu’il s’agit de la difficulté à se départir des objets», précise le Dr Pierre Rondeau, médecin omnipraticien en santé mentale à la retraite et co-coordonnateur du CATAC.Ce trouble chronique et souvent héréditaire prend généralement racine dans l’enfance – 82% des personnes qui ont un TAC ont un parent du 1er degré qui accumule aussi, souligne Natalia Koszegi – et empire avec le temps; c’est pour cela que les patients finissent par demander de l’aide autour de 50 ans, lorsque les symptômes deviennent incapacitants ou que la situation dégénère. Le TAC peut en effet avoir des conséquences socio-économiques dramatiques, tant sur le plan personnel que professionnel. «Certaines personnes vont vivre des conséquences dramatiques, comme subir un divorce, être séparées de leur enfant par le Directeur de la protection de la jeunesse…», énumère Natalia Koszegi. «La détresse des personnes qui en sont atteintes est majeure, abonde le Dr Pierre Rondeau, coéditeur de ce guide élaboré bénévolement. La moitié d’entre elles ne sont pas fonctionnelles dans leur vie courante, et 22% des personnes en itinérance souffrent de TAC.» Une souffrance bien souvent dissimulée, car non seulement les patients, stigmatisés, ne consultent pas ou le plus tard possible, mais les professionnels de la santé ne leur posent pas la question, affirme le médecin. À lire aussi: On peut soulager des problèmes de santé mentale à l'aide d'interventions numériquesCe qui aura des conséquences sur le système de santé lui-même, puisque les personnes vivant avec un TAC non diagnostiqué consultent leur médecin cinq fois plus que la population générale, souvent pour d’autres motifs, comme une demande de diagnostic de TDAH dans 75% des cas, mais aussi pour une dépression, un trouble anxieux, de la fibromyalgie ou un syndrome de fatigue chronique, explique le Dr Pierre Rondeau, qui ajoute que «90% des personnes atteintes de TAC présentent des troubles comorbides, et la moitié souffre de dépression majeure.» Avancer au rythme du patientPourtant, plusieurs choses peuvent être faites pour mieux appréhender et prendre en charge le TAC, assurent les deux experts, comme la déstigmatisation de cette condition afin de pousser les personnes à demander de l’aide. Aussi, «ce qu’on préconise dans ce guide est l’organisation intersectorielle, qui n’existe pas actuellement. La prise en charge du TAC ne passe pas que par une consultation médicale. On doit évaluer l’accumulation et comment la personne se comporte dans son environnement, ce qu’elle est prête à faire. Ça prend beaucoup de gens pour faire ce travail», explique le Dr Pierre Rondeau, en confiant que le ministère de la santé est en réflexion au sujet de cette organisation. Par ailleurs, certaines questions peuvent être posées - ou certains détails notés - par les professionnels de la santé dans le but de détecter un TAC: Est-ce que vous avez des objets chez vous, qui encombrent votre milieu?Est-ce que vous avez de la difficulté à vous en départir? Comment ça se passe avec les autres personnes, pouvez-vous recevoir votre famille chez vous? Est-ce que vous souhaiteriez pouvoir le faire? Si la personne confie qu’elle a «des collections», ou des conflits avec son conjoint, son propriétaire, sa famille, si elle fait état d’un isolement, par exemple.«Toutes ces interrogations peuvent faire leur chemin dans la tête du patient, mais il faut y aller petit à petit, ça peut prendre des années. Tous les troubles de la santé mentale prennent du temps à s’apaiser ou guérir», observe Natalia Koszegi. La pire chose à faire serait d’aller trop vite, selon elle. «Les professionnels ne doivent pas avoir des attentes ou des objectifs qui ne correspondent pas à ceux du patient en souffrance. Il faut être très à l’écoute, entendre ce qu’il souhaite faire. On peut viser 15 minutes de désencombrement par jour, ce qui va amener à des espaces de vie plus fonctionnels dans quelques années. Si on est trop brutal, on risque de créer des traumas» et de précipiter la rechute. Aujourd’hui, les deux spécialistes appellent à une sensibilisation générale de la population et des professionnels de la santé au TAC, à inclure ce trouble dans les études de médecine et les programmes de formation des associations professionnelles notamment, et à davantage de recherches scientifiques sur le sujet. Le guide Surmonter le trouble d'accumulation compulsive (TAC). S'aider soi-même, Soutenir, Intervenir, Garder l'espoir est disponible à la vente sur le site du CATAC en format numérique seulement (35$ + taxes).

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