Sanction minorée pour des messages à connotation sexuelle envoyés à un patient

Erratum: le médecin concerné se prénomme Sébastien Paquin, et non pas Stéphane, comme nous l'avions écrit initialement. Mars 2018: le Dr Sébastien Paquin plaide coupable devant le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ) qui lui impose une amende de 2500$ ainsi qu’une radiation de douze mois pour des messages déplacés, à connotation sexuelle, envoyés à un patient via Facebook Messenger. Octobre 2024: le médecin de famille est rejugé par ses pairs, pour les mêmes faits, et sa période de radiation est ramenée à neuf mois.Entretemps, le clinicien a fait appel de sa première condamnation. Il ne contestait pas le montant de son amende, mais considérait que sa radiation de douze mois était «arbitraire et punitive». Selon lui, une sanction juste et convenable serait plutôt une radiation «d’au maximum deux mois». Pour justifier son appel, le Dr Paquin plaidait que le Conseil de discipline avait commis une erreur de droit en appliquant de manière rétroactive les nouvelles dispositions de l’article 156 du Code des professions, entrées en vigueur le 8 juin 2017, alors que les faits qui lui sont reprochés remontent au 4 janvier de la même année.La nouvelle mouture de cet article 156 vise à punir plus sévèrement les professionnels coupables d’inconduites sexuelles.Dans une décision rendue en mai 2021, le Tribunal des professions a débouté le Dr Paquin de son appel, estimant que le «régime de sanctions instauré en vertu de l’article 156 du Code des professions s’applique à la présente affaire puisqu’il était d’application immédiate». Le médecin de famille en a alors référé à la Cour supérieure du Québec qui, en novembre 2021, a rejeté sa demande de pourvoi en contrôle judiciaire en statuant qu’elle «ne doit pas reprendre l’exercice auquel s’est astreint le Tribunal des professions». Déterminé, le médecin de famille a porté sa cause devant la Cour d’appel qui lui a finalement donné raison, en septembre 2023. Elle a infirmé le jugement de la Cour supérieure et a «retourné le dossier à une autre division du Conseil de discipline du CMQ afin qu’elle prononce la sanction», et ce sans appliquer les modifications apportées à l’article 156 du Code des professions en juin 2017.Pour ce faire, le Conseil de discipline a jugé «important de revenir sur les faits» reprochés au Dr Paquin. À l’époque, le médecin de famille exerce à l’urgence de l’hôpital Saint-François d’Assise, à Québec. De garde dans la nuit du 30 au 31 décembre 2016, le trentenaire examine un patient âgé de 19 ans qui se plaint de douleurs abdominales. Après l’avoir revu en début de matinée, il lui donne son congé. Aucun suivi particulier n’est prévu.De retour à son domicile et après avoir dormi, le Dr Paquin consulte sa page Facebook. Le réseau social lui suggère le profil du patient comme ami potentiel. Il lui écrit alors un message via Facebook Messenger: «Si jamais ca feel pas hesites pas a m’ecrire! Ca va me faire plaisir» (sic). Il lui transmet ensuite une demande d’amitié sur Facebook que le jeune homme accepte.Invitation à un «plan à trois»Les cinq jours suivants, la discussion entre les deux se poursuit, toujours via Messenger. Elle porte essentiellement sur leurs activités durant le temps des Fêtes. Le 4 janvier 2017, les échanges (reproduits dans la décision du Conseil) prennent une tournure différente:- Dr Paquin: J irai pas me faire masser la entk - Patient: Ahahahaha - Dr Paquin: Toi celib? - Patient: Ouais mais j’irai pas là non plus lol - Dr Paquin: Hahaha - Dr Paquin: Correct ca - Dr Paquin: Quoiqu avoir un massage avec happy ending ca tjrs ete un fantasme - Patient: Jme suis déjà fait offert des trip à trois mais chu pas trop à l’aise avec un autre gars ahaha - Patient: Mais ca me traumstise pas - Dr Paquin: Ha bouh - Dr Paquin: C est vrmt cool pourtant - Dr Paquin: Faut ouvrir ses horizons - Patient: Ouais je serais peut être game avec quelqu’un que je connais depuis longtemps - Dr Paquin: Hahaha va falloir se connaitre ☺ - Patient: Que veux tu dire - Dr Paquin: Bah j dirais pas non a un trip ou t es la! Après ce dernier message, le patient ne répond plus. Le médecin le relance en se disant «inquiet» et en espérant qu’il ne l’a pas vexé. Le jeune homme finit par lui répondre: «À mon avis cette conversation nest pas approprié pour un médecin avec son patient». La discussion s’achève ainsi. Et le patient finit par bloquer le Dr Paquin sur Facebook. Lors de son plaidoyer de culpabilité initial, le médecin de famille a admis que «son geste a été spontané, impulsif et sans préméditation» et qu’il relevait «d’une méconnaissance du Code de déontologie des médecins». Il a indiqué que «la spontanéité de Facebook est un piège» auquel il n’a pas prêté attention, croyant que chez lui, il ne portait plus «son armure de médecin». Le Dr Paquin a aussi dit que sa rencontre avec le plaignant l’a bouleversé et qu’avec Facebook, il n’a pas vu l’aspect patient chez le jeune homme. Quoi qu’il en soit, le clinicien a commis «un manquement grave, en lien avec la profession, puisque c’est à titre de médecin (qu’il) contacte initialement le patient sur Messenger», observent ses pairs. Ils soulignent dans la foulée que c’est son patient qui le ramène à l’ordre en lui indiquant qu’il vient de franchir les frontières de la relation professionnelle. «Or, il ne revient pas à un patient de signaler au professionnel concerné les frontières d’une telle relation. Il appartient (au Dr Paquin) de les connaître en tout temps et de ne jamais les franchir. En invitant un patient à une activité sexuelle avec lui, (il) transgresse ces frontières et mine à jamais le lien de confiance avec le patient» qui était en situation de vulnérabilité. De plus, «en oubliant, comme il en témoigne lui-même, son “armure de médecin” lorsqu’il contacte le patient, (le Dr Paquin) mine la confiance du public et porte ainsi ombrage à l’ensemble de la profession», ajoute le Conseil de discipline.Lire aussi: Inconduites sexuelles: acquittement confirmé pour un médecin de famille«Un hôpital ne doit aucunement devenir une plateforme de rencontre»Pour déterminer la sanction adéquate, ce dernier a retenu comme facteur aggravant les six ans d’expérience professionnelle du médecin de famille à l’époque des faits. Il «aurait dû reconnaître que, dans le confort de son foyer, il transgresse les frontières de la relation professionnelle qu’il vient tout juste d’établir avec le patient. Le fait d’être médecin d’urgence et ne pas être appelé à poursuivre le suivi du patient ne change rien à la relation professionnelle qui s’est alors établie», poursuivent ses pairs en signalant qu’«un hôpital, pas plus qu’un cabinet de médecin, ne doit aucunement devenir une plateforme de rencontre à l’instar de certaines applications de rencontre ou de réseaux sociaux».Parmi les facteurs atténuants, le Conseil a pris en compte le plaidoyer de culpabilité du Dr Paquin, ses remords, son absence d’antécédents disciplinaires, les formations qu’il a suivies sur la relation médecin-patient et l’usage des médias sociaux ainsi que la psychothérapie qu’il a entreprise aussitôt après le dépôt de la plainte et l’a menée à réaliser une introspection profonde. Au final, le Conseil considère donc que son risque de récidive est faible, contrairement au syndic qui l’estime toujours présent.En conséquence, ce dernier suggérait une période de radiation de douze mois. Le médecin de famille penchait plutôt pour une radiation de deux mois. Ses pairs ont tranché. Selon eux, «une période de radiation de neuf mois constitue la sanction appropriée dans les circonstances», sachant que l’intéressé a déjà purgé trois mois et vingt-trois jours de radiation.Le Dr Paquin demandait que sa sanction soit exécutoire dès l’expiration des délais d’appel. Mais comme il n’est plus inscrit au tableau de l’Ordre depuis le 27 octobre 2023 à la suite de sa démission, le Conseil de discipline en a décidé autrement. Il explique que «pour être efficace et utile, une période de radiation temporaire doit être exécutoire lorsque le professionnel sanctionné est membre de son ordre professionnel». Comme ce n’est pas le cas du médecin de famille «la décision deviendra exécutoire au moment de sa réinscription au tableau de l’Ordre, le cas échéant».Addendum: Le Dr Sébastien Paquin a été arrêté en septembre 2023 par l’Escouade intégrée de lutte contre le proxénétisme (EILP) de la Sûreté du Québec en lien avec des infractions à caractère sexuel commises sur au moins cinq personnes âgées de 16 et 17 ans avec qu’il est entré en contact via les réseaux sociaux. Le médecin fait face à plusieurs chefs d’accusation, dont «avoir rendu accessible du matériel sexuellement explicite, obtention de services sexuels moyennant rétribution d’une personne âgée de moins de 18 ans, communication par un moyen de télécommunication avec une personne âgée de moins de 18 ans en vue de faciliter la perpétration d’une infraction à son égard et actions indécentes.» Les infractions se sont produites dans les secteurs de Donnacona, en Beauce et à Québec et les enquêteurs estiment que le Dr Paquin pourrait avoir fait d’autres victimes. Après une première comparution au palais de justice de Québec dans la foulée de son arrestation, le Dr Paquin a été libéré pour la durée des procédures judiciaires, qui sont toujours en cours, avec de sévères conditions à respecter.

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