Radié trois mois pour deux accès illicites au DSQ

Une radiation de trois mois, à purger immédiatement. C’est la sanction imposée au Dr Martin Aguilar, jeune cardiologue de l’Institut de cardiologie de Montréal, inscrit au tableau de l’Ordre depuis 2020. Le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ) lui reproche d’avoir accédé à deux reprises, en 2023, au DSQ (Dossier Santé Québec) d’une personne qui n’est pas sa patiente. Le médecin a reconnu les faits d’emblée et plaidé coupable, en se disant «profondément désolé» d’avoir utilisé son accès au DSQ à des fins personnelles.Ses accès illicites ont eu lieu les 1er juin et 17 novembre 2023. Dans les deux cas, le Dr Aguilar a consulté le DSQ de cette femme, qui n’est pas identifiée ni identifiable, sans aucune justification clinique, uniquement parce qu’il la connaît dans sa vie personnelle. Ces incursions dans le secret médical constituent, rappelle le Conseil, une atteinte directe à la confidentialité, infraction «intrinsèquement sérieuse». Le cardiologue a expliqué avoir agi sous le coup de préoccupations personnelles. Mais même motivé par l’inquiétude ou la curiosité, un médecin ne peut utiliser son accès au DSQ «que dans le cours de l’exercice de la profession», insistent ses pairs.Pour atténuer la sanction, l'avocat du Dr Aguilar, Me Renaud Lévesque, a évoqué le contexte personnel du clinicien au moment des faits. Le cardiologue vivait «une situation difficile». Il était alors en instance de divorce avec la mère de ses enfants mineurs. «L’affaire est judiciarisée, litigieuse, complexe et coûteuse. Il doit réorganiser sa vie personnelle et travailler sans relâche» pour subvenir aux besoins de sa famille et défendre ses droits, relate l’avocat. Une période «chargée émotionnellement», convient le Conseil, qui retient la sincérité de ses remords et sa pleine collaboration dès les premiers échanges avec le syndic. Sans antécédents disciplinaires et sa carrière étant encore jeune, le clinicien ne présente pas, selon ses pairs, de risque important de récidive.La gravité d’un simple accèsLe Conseil insiste: consulter le DSQ par simple curiosité, «même une seule fois», constitue une entorse «majeure» aux obligations déontologiques. Il s'agit d'une atteinte immédiate au secret médical, qui ne nécessite «ni divulgation ni utilisation subséquente des données» pour être sanctionnée. Une telle conduite «peut compromettre la confiance du public» envers la protection des renseignements de santé par les médecins. Le caractère confidentiel de ces informations n’est pas une nuance juridique; c’est le cœur du contrat de confiance entre soignants et patients.À lire aussi: Le Dr Malouf échoue à écarter la présidente du Conseil de disciplineLe Dr Aguilar souhaitait que la période de trois mois ne débute que le 2 janvier 2026, estimant qu’un tel calendrier limiterait les conséquences négatives pour ses collègues et pour les patients suivis à l’Institut de cardiologie de Montréal. Le syndic ne s’est pas opposé formellement à cette demande, mais a indiqué qu’il «s’en remet à la décision du Conseil». Ce dernier a toutefois refusé de déroger à la règle générale, qui veut qu’une sanction disciplinaire soit exécutoire à l’expiration des délais d’appel. Les arguments avancés par le cardiologue restent formulés de manière trop abstraite et ne permettent pas de conclure que ses patients ou son équipe subiraient un préjudice particulier. «Les répercussions mises de l’avant s’appliquent généralement à tous les médecins faisant l’objet d’une période de radiation temporaire», note le Conseil, qui juge que le Dr Aguilar disposera, d’ici l’entrée en vigueur de la décision, d’un délai suffisant pour réorganiser sa pratique.La sanction découle d’une recommandation conjointe du syndic et du médecin, que le Conseil entérine après avoir rappelé à gros traits qu’un accès illicite au DSQ, même isolé, porte atteinte aux obligations fondamentales liées à la confidentialité des soins. Sans cet accord entre les parties, souligne le Conseil, une radiation plus longue aurait pu être envisagée, compte tenu de la gravité intrinsèque du geste. L’objectif demeure le même: protéger la confidentialité des renseignements de santé et rappeler à tous les cliniciens la frontière à ne jamais franchir. Les regrets du médecin, son contexte personnel difficile et l’absence de risque de récidive ont pesé dans la balance. Mais la décision est sans équivoque. L’excellence du parcours et la bonne foi invoquée ne sauraient, à elles seules, neutraliser la gravité d’un acte qui met en cause le secret médical.

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