À quoi ça sert, un pharmacien?

Aujourd’hui, je pose une question bien simple à mes collègues: Pourquoi êtes-vous devenus pharmaciens? Certains semblent souffrir d’une aversion pour la prise de décision. Or, dans une science remplie de zones grises, il faut s’habituer à pratiquer dans l’incertitude. Je le sais bien, la nature même de l’exercice de la pharmacie mène à une dynamique de confrontation. Il faut appeler le prescripteur pour l’informer qu’il s’est trompé de dose, il faut le contacter pour avoir l’information sur l’indication, il faut changer de traitement car la patiente est enceinte, etc. C’est sûr, et je vous entends quand vous dites que vous n’aimez pas jouer à la police du médicament. À vrai dire, les interventions du pharmacien mènent à une possibilité d’offenser le prescripteur, une possibilité de le rendre mal à l’aise et de recevoir ensuite un appel de sa part. J’ai remarqué que les pharmaciens n’aiment pas ça. Alors ils préfèrent envoyer des fax, demander au prescripteur ce que lui veut faire alors qu’ils savent très bien quel est le choix optimal, lui préparer un document tout beau et bien fait avec 1-2-3 options à cocher, tout cuit dans le bec. En opposition à cela, on reçoit des réponses de prescripteurs du genre «Svp ne pas encombrer le traitement» ou bien «Je sais ce que je prescris». Ironiquement, pétrifiés par la peur d’agir et de prendre des responsabilités, on se laisse dépasser par d’autres professions qui nous dérobent sans gêne les actes au cœur même de notre savoir-faire. Une profession n’existe et ne s’épanouit que parce qu’elle est utile, parce qu’elle occupe un rôle bien défini qui lui est exclusif. Or, on commence déjà à voir notre indispensabilité s’effriter face aux nutritionnistes qui ajustent des antidiabétiques et aux infirmières, qui modifient la médication. Pire encore, alors qu’on tente de changer notre image commerçante contre celle de vrais praticiens qui ajustent des traitements, on se permet le luxe de déléguer les décisions pharmacothérapeutiques aux prescripteurs en ayant peur de se mouiller, peur de prendre une décision. Pour preuve, malgré notre rigoureuse formation universitaire et nos compétences avérées, la pharmacie d’aujourd’hui n’a pour réalité, la majeure partie du temps, que de se contenter de vérifier que c’est la bonne couleur de Synthroid dans le bon pot. Ne vous surprenez pas si Amazon prend ensuite votre place. Je pense que ça ne ferait pas de tort que les pharmaciens aient un peu plus de guts. Vous avez l’antibiogramme, vous avez l’indication, votre patient tolère mal l’antibiotique, changez le maudit antibiotique. De grâce, ne renvoyez pas votre patient à l’urgence accumuler de la poussière pendant des heures dans la salle d’attente. Vous n’êtes pas en train de faire votre travail. La compétence avérée des pharmaciens est en contraste frappant avec leur niveau d’aisance à exercer leurs activités professionnelles. Comble de l’ironie, l’expert du médicament autoproclamé envoie malgré tout un fax au médecin pour changer la forme du comprimé à une version croquable! C’est à s’y méprendre. Cette peur de prendre une décision, il va falloir que ça cesse. En tant que pharmaciens, on ne peut plus se contenter de vérifier des paniers et donner un conseil de trente secondes sur le bout du comptoir. Il faut se rendre indispensables, et cela passe par la tenue d’actes cliniques avancés. Le patient doit sentir qu’on le prend en charge. Faute de quoi, notre profession se fracassera au mur du pragmatisme, le vide créée par la peur de s’assumer et de prendre des décisions se verra occupé par d’autres qui n’auront guère de peine à le faire à notre place. Alors, chers collègues, je vous repose la question: Pourquoi êtes-vous devenus pharmaciens? Aimez-vous vérifier les paniers et la bonne couleur de Synthroid à longueur de journée? Prenons nos responsabilités, et la place qui nous revient.

À quoi ça sert, un pharmacien?

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Derrière ce blogue:

Wassim Mekideche

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