Quelle est la part réelle de la discrimination perçue?

Personne ne peut dire le contraire: la discrimination existe partout. Souvent, lorsqu'un pays ou une société prétend en être exempt, ils ne font que dissimuler le problème, comme de la paille qui cache de l'eau, invisible mais dans laquelle il est facile de glisser. Cela suggère que la discrimination est souvent cachée sous des affirmations de justice brumeuse. Lorsque les gens se sentent lésés ou diminués, quelle qu’en soit la raison, ou que quelque chose les fait se sentir comme une minorité ou différents des autres, ils peuvent commencer à interpréter tout ce qu'ils détestent comme une possible discrimination, voyant des préjugés même dans des choses qu'ils ne comprennent pas tout à fait. Leurs interlocuteurs peuvent alors avoir l'impression de marcher sur des œufs, craignant constamment de créer involontairement des malentendus ou que leurs propos soient mal interprétés.Le problème peut dégénérer à tel point que des personnes sont fréquemment accusées d'être racistes sans fondement. Pour certains incriminateurs, ces accusations sont devenues une ligne de vie – un outil de menace, de vengeance ou un moyen de se dédouaner.Formulaire DTCUn de mes patients, qui était par ailleurs en parfaite santé et ne souffrait d'aucune pathologie, m'a demandé de remplir pour lui un formulaire de crédit d'impôt pour personnes handicapées (DTC). Je l'ai informé que j'aurais besoin de documenter toute affection réelle dont il pourrait souffrir afin de justifier une déclaration de handicap. Il m'a répondu: «Vous pouvez bien me trouver quelque chose». Je lui ai expliqué que mon rôle n'était pas de «trouver» quelque chose, mais plutôt de signaler avec précision tout problème médical existant – et que, compte tenu de son état de santé actuel, il n'y avait rien à documenter.Visiblement frustré, il m'a demandé pourquoi j'avais rempli un formulaire similaire pour un autre de mes patients. À lire aussi: Des professionnels discriminés dans leur milieu ou par des patientsJe lui ai conseillé de discuter directement avec cet autre patient, s'ils étaient proches, afin qu'il puisse mieux comprendre quelles conditions médicales légitimes justifiaient cette déclaration. Il a répondu que l'autre patient était en fait en meilleure santé que lui et a laissé entendre que je l'avais fait parce que nous avions les mêmes antécédents. Il a ensuite ajouté: «C'est de la discrimination et je vais vous dénoncer». J'ai répondu calmement en disant: «Je vous en prie, faites-le».Une étude sur les cicatricesUne étude que j'ai lue récemment a exploré cette dynamique en demandant à des femmes d’arborer des cicatrices artificielles lors d'entretiens d'embauche afin d'examiner la discrimination fondée sur l'apparence. Les participantes ont d'abord vu les cicatrices posées sur leur visage avant de passer l’entretien. Juste avant qu'elles ne se présentent face aux recruteurs, les chercheurs ont prétendu ajuster leurs fausses cicatrices avant de les retirer entièrement à leur insu. Croyant qu'elles avaient encore des cicatrices, les femmes ont par la suite fait état d'une discrimination évidente, citant comme preuve les réactions perçues et les commentaires spécifiques des enquêteurs, bien qu’aucune cicatrice n’ait en fait été visible.Lorsque j'ai commencé à réduire la taille de mon cabinet et que j'ai informé mes patients (choisis au hasard) de la fin de notre relation médicale, j'ai rencontré de nombreuses difficultés, dont certaines étonnamment graves:Un patient arabe m'a demandé: «Vous me rejetez parce que je suis Arabe?». Un patient non arabe a demandé: «M'auriez-vous renvoyé si j'étais Arabe?». Un patient africain a déclaré: «Bien sûr que vous alliez opter pour quelqu'un à la peau foncée».Et ainsi de suite.Interprétations irrationnellesL'époque de la simplicité, de l'honnêteté et du réalisme semble révolue, remplacée par la peur des interprétations irrationnelles. Aujourd'hui, nous disons souvent ce que nous ne pensons pas et nous pensons ce que nous ne pouvons pas dire, cachant nos opinions pour éviter de subir des accusations ou des jugements parfois sans fondement, mais aisément crédibles.La vie est devenue plus complexe que nous ne l'aurions jamais imaginé. Au lieu de nous efforcer de créer le bonheur ou la facilité pour les autres, nous sommes de plus en plus souvent amenés à interpréter des mots ou des actions comme une insulte ou une discrimination.À lire aussi: Huit façons de créer un environnement sécuritaire pour vos patientsNous sommes contraints de taire nos opinions pour éviter qu'elles soient mal interprétées ou prises hors contexte, ce qui peut entraîner un rejet social, voire des conséquences juridiques. Il semble impossible de corriger quelqu'un sans être considéré comme offensant, et si cette personne fait partie d'un groupe minoritaire, cela est immédiatement qualifié de discrimination.Nous marchons sur des œufs, ne sachant pas quand un commentaire mal compris, un lapsus ou une opinion impopulaire pourrait avoir des conséquences imprévues.Je m'interroge…Quelle proportion de ce qui est perçu comme de la discrimination est vraiment réelle?Le Dr Jabir Jassam est médecin de famille à Ottawa.

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