Quel rôle pour le privé?

La pandémie de COVID-19 braque les projecteurs sur les failles et les vulnérabilités déjà connues du réseau public de la santé et des services sociaux. Elle a notamment mis en lumière le nombre élevé de patients orphelins et le retard dans certaines interventions chirurgicales. Parmi les différentes solutions qu’il propose dans son plan de réorganisation de la santé, le ministre Christian Dubé a évoqué un recours accru aux services des centres médicaux spécialisés (CMS) pour combler le retard dans les chirurgies. De manière plus large, le ministre veut aussi faire une place plus grande au privé et au communautaire «dans le respect de l’universalité, de l’accessibilité et de la gratuité du système public». Il ne précise toutefois pas comment il entend y parvenir. Les Québécois réclament depuis longtemps des solutions plus tangibles à l’accès déficient aux soins de première ligne ainsi qu’aux longues listes d’attente. Et l’idée d’augmenter le recours au privé pour régler ces problèmes obtient aujourd’hui le soutien d’une majorité d’entre eux. Selon un sondage récent réalisé par la firme Léger1, 60 % des répondants sont en faveur d’un rôle plus grand du privé, tandis que 24 % y sont opposés et que 16 % refusent de se prononcer. Un sondage mené en 2021 par Ipsos pour le compte de l’Institut économique de Montréal – une organisation ouvertement libertarienne – allait dans le même sens. Un recours plus grand au privé en santé recevait l’appui de près des deux tiers des répondants québécois2. Or, est-ce un réel appui au secteur privé qui ressort de ces sondages ou plutôt le reflet de la résignation des Québécois, lassés de se livrer à un parcours du combattant pour obtenir les services essentiels dont ils ont besoin? D’autant que, sans définition précise de ce qu’on entend par «privé», comment les participants à ces sondages ont-ils pu juger si c’est réellement un remède valable aux maux de notre réseau public? En réalité, le système de santé québécois repose sur une cohabitation entre le public et le privé depuis le début des années 1970. Elle est d’ailleurs si profondément implantée qu’il est aujourd’hui impossible d’en faire fi. Reste donc à voir comment on peut l’améliorer. C’est ce que nous tentons de faire dans le dossier de couverture de ce numéro de Profession Santé. Comment permettre aux régimes public et privé de cohabiter en respectant le principe d’universalité, afin d’offrir un accès optimal aux soins et aux services de santé aux Québécois(e)s? Au fil des ans, cette cohabitation a entraîné toutes sortes de compromis qui n’ont pas toujours été à l’avantage des patients et des contribuables. Les agences privées de placement en soins infirmiers représentent un exemple de ces compromis : elles permettent au réseau public de garder la tête hors de l’eau, mais elles coûtent cher et contribuent à la désertion de ses employés… Si les CMS prennent de l’ampleur, le même phénomène de défection dans le réseau public pourrait se poursuivre. D’un autre côté, qui peut remettre en question le rôle qu’ont joué les pharmaciens communautaires durant la pandémie grâce aux campagnes de vaccination contre l’influenza et la COVID-19? Ou encore les activités professionnelles qu’ils offrent et qui sont maintenant couvertes par l’assurance maladie? Bref, la cohabitation peut être fructueuse si elle est bien balisée et que tout le monde poursuit le même objectif : offrir un meilleur accès, et donc de meilleurs soins aux patients. Il est cependant décevant de voir que le gouvernement néglige de mentionner, dans son plan, les centres locaux de services communautaires (CLSC). Ce modèle de dispensation des services en santé et en services sociaux interprofessionnels réellement public et qui aurait pu être si prometteur s’il n’avait pas été progressivement laissé à l’abandon. Il est encore temps de faire preuve d’audace et de redonner ses lettres de noblesse aux solutions publiques. 1. Le sondage Web mené par Léger a été réalisé du 14 au 17 avril 2022 auprès de 1020 Québécois de plus de 18 ans. 2. Le sondage a été mené sur le Web auprès de 1168 Canadiens de plus de 18 ans, du 22 au 25 novembre 2021.

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Derrière ce blogue:

Christian Leduc

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