Que nous réserve l’avenir en pharmacie communautaire?

Mercredi, le vice-président exécutif et directeur général de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), Jean Bourcier, a parlé de ce qu’il entrevoit en pharmacie communautaire devant des centaines de membres réunis virtuellement dans le cadre du congrès de l’AQPP. Pour comprendre ce que le futur nous réserve, l’exemple de CVS Health, propriétaire de 10 000 pharmacies aux États-Unis, peut être éclairant, croit-il. La semaine dernière, l’importante chaîne américaine de pharmacies a annoncé la fermeture de 900 pharmacies sur une période de trois ans. Pourquoi? L’entreprise veut se concentrer sur les activités en ligne et la création de hubs santé. Ces nouvelles pharmacies intégreront d’autres professionnels de la santé et permettront aux patients d’être suivis, notamment en oncologie, santé mentale et cardiologie. Rien n’indique que plusieurs pharmacies fermeront leurs portes au Québec dans les prochaines années, mais nous savons une chose: le nombre de pharmacies croît très peu. Depuis cinq ans, la province compte seulement 15 pharmacies de plus. La turbulence économique, les retraites et la consolidation dans l’industrie expliqueraient cette situation. À lire aussi: La pharmacie communautaire de demain Peu importe si les pharmacies québécoises épouseront le modèle de CVS Health ou pas, elles devront à tout de moins utiliser davantage les données des patients pour assurer un meilleur suivi des traitements et s’approprier le marché des médicaments de spécialité. «Les médicaments biologiques vont faire partie de l’arsenal courant des thérapies en pharmacie communautaire et les pharmaciens vont faire une prise en charge des patients qui utilisent ces médicaments», a-t-il affirmé. Actuellement, ces médicaments représentent 0,6% des prescriptions, mais valent pour 25% des coûts de tous les médicaments vendus. Encore plus d’actes cliniques Sans surprise, la vaccination et les autres actes cliniques continueront d’occuper une place importante. Devant la menace d’Amazon Pharmacy, ces actes représentent une arme importante. «L’avenir de notre profession réside dans la valeur ajoutée que l’on accorde à nos patients. Cela passe par plus de service clinique, une prise en charge des sorties d’hôpital, le traitement du zona, la prévention antivirale, la prise en charge de maladies chroniques et j’en passe», explique le président de l’AQPP, Benoit Morin. Cette année, les pharmaciens ont effectué 4,5 millions d’activités cliniques par rapport à 1,9 million l’année précédente. L’abolition de la franchise et de la coassurance l’hiver dernier est, en grande partie, responsable de cette hausse. À lire aussi: Amazon Pharmacy arrive! Serez-vous prêt? Si ces actes représentent une plus-value importante, l’approche humaine en est une autre, poursuit Benoit Morin. «On ne pourra pas remplacer notre approche empathique, notre écoute, notre compréhension globale de la santé du patient. L’approche humaine ne peut pas être remplacée par Amazon ou les robots de ce monde. Se rapprocher de nos patients est donc primordial parce que c’est là que notre profession prend tout son sens. Il faut connaître son patient et prendre du temps avec lui». Attirer la main-d’œuvre Toutefois, le temps est une denrée rare pour plusieurs pharmaciens propriétaires qui doivent jongler avec un manque de main-d’œuvre important. Ceux-ci doivent donc, plus que jamais, exercer un pouvoir d’attraction et de rétention auprès des employés. Comment? En leur offrant de la flexibilité dans leurs horaires, leur endroit de travail et leurs conditions de travail, avance Jean Bourcier. De plus, une tendance se dessine: les employés veulent que les critères d’évaluation de leur productivité soient revus. Par exemple, les gestionnaires ne doivent pas prendre seulement en considération le nombre de prescriptions. Ils doivent aussi évaluer le nombre d’activités cliniques et le temps passé avec les patients. Les possibilités d’avancement et de développement, le sentiment d’appartenance et la valorisation par le gestionnaire sont aussi des critères recherchés par les employés, souligne le directeur-général de l’AQPP. «Ces critères doivent être présents pour qu’une personne demeure en emploi dans une entreprise et ne pense pas à aller voir ailleurs». Devenir vert En plus des tendances en pharmacie et dans le secteur des ressources humaines, les pharmaciens propriétaires doivent, plus largement, rester vigilants aux tendances économiques. D’abord, les pharmaciens ont tout intérêt à devenir écoresponsables, affirme Jean Bourcier. «La reprise économique va être verte et les organisations vont devoir réduire leur empreinte écologique». Autre tendance forte: le commerce en ligne. La pandémie a créé de nouvelles habitudes de consommation chez plusieurs personnes qui continueront à se faire livrer des médicaments. Au final, les pharmaciens propriétaires qui s’adapteront le mieux seront ceux qui trouveront un équilibre entre l’humain et la robotisation, qui aplaniront les structures hiérarchiques et qui seront authentiques. En restant à l’affût des tendances et en s’adaptant, ces gens d’affaires sauront mieux saisir les opportunités. «Il va y avoir des opportunités comme il n’y en a jamais eu. Notre travail sera de les saisir. Cette capacité de le faire va modeler la pharmacie communautaire de demain», indique le directeur général. Ce dernier a terminé son allocution sur cette phrase, qui traduit bien la réalité des pharmaciens depuis la pandémie: «Rappelez-vous: la seule constante, c’est le changement».

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