PSP: JAMP Pharma accuse Johnson & Johnson de pratique anticoncurrentielle

Le géant américain Johnson & Johnson, via sa filiale Janssen, aurait abusé de son programme de soutien aux patients pour influencer médecins et patients à continuer d’utiliser son médicament StelaraMD au détriment de biosimilaires. Ces accusations, soumises le 26 juillet au Tribunal de la Concurrence par la société québécoise JAMP Pharma, concernent le médicament destiné aux personnes souffrant de maladies auto-immunes, notamment le psoriasis et la maladie de Crohn. C’est le 3e produit pharmaceutique le plus vendu au Canada, avec 821 millions de dollars de ventes en 2022, en augmentation de 19,5% par rapport à l’année précédente, selon les données de Santé Canada.En mars 2024, JAMP a lancé une version biosimilaire du médicament, baptisée JamtekiMC. «Les ventes ont été bien inférieures aux niveaux escomptés», souligne David Rosner, avocat conseil de JAMP dans ce dossier. Après avoir mené ses propres investigations, la société québécoise conclut que «Johnson and Johnson a pris des mesures illégales pour bloquer les ventes de Jamteki», poursuit l’avocat.Les «marques de combat», une pratique illégaleLe géant américain aurait découragé les prescripteurs et les patients de délaisser le Stelara au profit de sa version biosimilaire via son programme de soutien aux patients (PSP), BioAdvance. «Nous avons la preuve que Janssen a contacté directement les patients par l'intermédiaire de leur PSP pour leur dire qu’ils n’avaient pas besoin de passer au biosimilaire», indique David Rosner.Dans un courriel adressé à ProfessionSanté.ca, Johnson & Johnson précise que «le coordinateur BioAdvance (BAC) du patient agit comme un point de contact unique», notamment pour aider le patient à «identifier les options de remboursement privées ou publiques disponibles» et en «assurant la liaison entre le prestataire de soins de santé et l’équipe de traitement» afin d’effectuer un suivi. «BioAdvanceMD fournit des soins et un soutien personnalisés aux patients recevant certaines marques de J&J ainsi que des options biosimilaires ayant fait l'objet d'un contrat avec Johnson & Johnson.»Côté praticiens, la firme américaine aurait informé les professionnels de la santé qu'un nouveau produit biosimilaire, une version hors marque de Stelara, serait disponible par l'intermédiaire de BioAdvance, sans en préciser le nom. «Ils leur ont donné des informations délibérément confuses», dénonce David Rosner. «Ils ont affirmé qu’un autre produit de Johnson & Johnson, moins cher, serait fourni. Mais ce type de produits, appelés «marques de combat» est illégal.» Cette pratique anticoncurrentielle est en effet mentionnée par le gouvernement dans ses Lignes directrices sur l’abus de position dominante. À lire aussi: Médicaments dits «de spécialité»: attention aux amalgamesDistribué au Canada par Janssen sous le nom FinliusMD à partir du mois de juillet 2024, soit quelques mois après le lancement de Jamteki, ce nouveau médicament n’a qu’un seul objectif, selon JAMP: évincer les rivaux du marché. «Si Johnson & Johnson avait souhaité vendre un produit moins cher, il aurait pu soit baisser le prix de Stelara il y a des années, ce qu'il n'a jamais fait, soit lancer Finlius il y a des années, ce qu'il n'a jamais fait», affirme David Rosner. Johnson & Johnson affirme pour sa part «maintenir notre engagement en faveur d'une concurrence loyale et du respect du code de déontologie rigoureux de notre secteur.» L’entreprise se dit convaincue «que les décisions thérapeutiques doivent être fondées sur ce que le médecin juge être dans le meilleur intérêt de chaque patient.»Jamteki, 40% moins cher qu’une dose de StelaraAu-delà de la pratique anticoncurrentielle, JAMP pointe les conséquences de ces agissements supposés sur les patients et l’économie canadienne. «Les politiques provinciales encouragent le recours aux biosimilaires. Pour chaque patient qui continue d’utiliser Stelara, le régime provincial d’assurance maladie va payer des milliers de dollars supplémentaires pour une dose», plaide David Rosner. Ce dernier estime à 4000$ le prix d’une dose de Stelara, quand le Jamteki coûterait 40% moins cher. «Cela signifie qu'en fin de compte, les contribuables paient Stelara beaucoup plus cher que les versions biosimilaires», poursuit l’avocat conseil de JAMP. Parmi les demandes formulées par JAMP Pharma auprès du Tribunal de la Concurrence, l’interdiction à la vente de la marque de combat Finlius, ou de toute autre marque de combat; une surveillance pendant plusieurs années des pratiques de Johnson & Johnson concernant les médicaments biologiques; ainsi qu’une amende d’au moins un milliard de dollars. «Nous voulions qu’il y ait une sanction pécuniaire correspondant au bénéfice que Johnson et Johnson a tiré de cette conduite, multiplié par trois. JAMP ne recevra pas un dollar de cette sanction, tout ira au gouvernement», précise David Rosner. Le Tribunal de la concurrence devrait décider, d’ici deux mois, si l’affaire mérite un procès.

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