Projet de loi 96: le CMQ ne veut pas devenir la police de la langue

«La perception du public et des membres étaient que nous étions souvent la police. Cette perception, j’ai beaucoup travaillé à la changer. Ce n’est pas vrai qu’on va redevenir la police de l’usage de la langue française!» s’exclame le président du CMQ, le Dr Mauril Gaudreault. Il fait cette sortie cette semaine, au moment où se déroule l’étude en auditions publiques du projet de loi 96 qui porte le titre de Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. «Même si on souhaitait vérifier que tous les médecins ont un usage adéquat du français, l’ordre professionnel n’a tout simplement pas les ressources matérielles, humaines et financières pour le faire», affirme le Dr Gaudreault. Ce dernier reconnait que parmi les 3500 médecins anglophones inscrits au tableau de l’Ordre, certains ne maîtrisent pas le français, souvent parce qu’ils travaillent dans des milieux anglophones et qu'ils n’ont à peu près pas de patients francophones. Selon le président, plus de 90% des médecins sont capables de s’exprimer en français à l’Hôpital général juif de Montréal et au Centre universitaire de santé McGill. À lire aussi: Virage 2023: De nouvelles orientations stratégiques pour le Collège des médecins «Lorsqu’on donne un permis de pratique aux médecins, on s’assure qu’ils ont un usage approprié de la langue française. Mais, 10, 15 ou 20 ans plus tard, on ne sait pas s’ils ont encore une maîtrise du français. Nous n’avons pas les ressources pour le vérifier», explique le président du CMQ. Selon lui, c’est «une ressource» du gouvernement qui devrait être chargée d’évaluer la connaissance du français des médecins et de leur proposer des outils adaptés, en fonction de leur niveau. Le Collège estime que ceux-ci ne devraient pas faire l’objet de mesures disciplinaires ni être visés par un stage de perfectionnement imposé par l’ordre, si des lacunes au niveau de la maîtrise de la langue sont constatées. Acte dérogatoire Le CMQ critique également un autre aspect de cette réforme de la Charte de la langue française. Selon celle-ci, le fait de ne pas maîtriser le français est un «acte dérogatoire à la dignité de la profession» au même titre qu’une personne qui commet, par exemple, un acte impliquant de la collusion, de la corruption ou de l’abus de confiance. «On trouve que ça va trop loin. Ce n’est pas vrai que l’usage inadéquat de la langue française va être mis sur le même pied d’égalité qu’un médecin impliqué dans de la corruption ou qui a posé des gestes à caractère sexuel», lance le Dr Gaudreault. L’ajout de cette infraction risque d’alourdir le travail du Bureau du syndic du Collège, qui pourrait recevoir un grand nombre de signalement et devoir y donner suite, écrit le Collège dans son mémoire sur le projet de loi 96 déposé cette semaine. «À l’heure actuelle, le Bureau du syndic ne reçoit qu’un petit nombre de demandes à ce sujet. La création d’une infraction d’une telle gravité, de l’avis du Collège, entraînerait une augmentation des dénonciations à l’égard d’une situation qui, actuellement, ne cause que peu d’insatisfaction», indique le mémoire. S’il est en désaccord avec cette infraction, le Dr Mauril Gaudreault estime tout de même que tous les patients devraient être servis dans leur langue, partout au Québec. «On est d’accord que le médecin doit maîtriser la langue française durant toute sa carrière». En français seulement Par ailleurs, l’ordre professionnel est en désaccord avec le fait d’utiliser uniquement le français dans les communications écrites et orales avec ses membres, comme cela est prévu dans le projet de loi. «Une portée trop grande de l’obligation de communiquer uniquement en français avec les membres pourrait entraîner des répercussions sur les relations que nous entretenons avec une partie d’entre eux», lit-on dans le mémoire. De plus, le Collège avance que des médecins anglophones pourraient être moins enclins à communiquer avec les services-conseils de l’ordre, par crainte de dévoiler leur niveau de maîtrise du français.

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