Projet de loi 83: l’heure de la contestation n’a pas (encore) sonné

Trois semaines après l’adoption du projet de loi 83, les fédérations de médecins sont toujours en mode consultation et réflexion. Après avoir brandi la menace d’une contestation juridique de cette nouvelle loi qui circonscrit étroitement la pratique de la médecine dans le secteur privé, elles évaluent actuellement leurs moyens de pourvoi.Atteinte à la liberté de consulter le clinicien de son choix, entorse à l’autonomie professionnelle des praticiens, restriction à la liberté de travailler où bon leur semble, discrimination fondée sur l’âge... La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) «analyse ses options. La décision n’est pas encore prise», informe le conseiller aux affaires publiques de la Fédération, Stéphane Gosselin. Son homologue chez les médecins spécialistes, Pâris Psychogyios, indique pour sa part que «l’analyse et la consultation de nos conseillers juridiques se poursuivent».Parce que le projet de loi 83 les oblige à pratiquer au moins cinq ans dans le réseau public à l’issue de leurs études, sous peine de sanctions financières, les actuels résidents en médecine seront les premiers impactés. Sans dévoiler la stratégie juridique de la Fédération des médecins résidents du Québec (FRMQ), son président, le Dr Ghassen Soufi, déclare à Profession Santé que «(leurs) procureurs surveillent maintenant de près ce qui constitue la plus dommageable des mesures de la nouvelle loi: l’obligation éventuelle de pratiquer au Québec après la formation médicale.» Les résidents à l’affûtLa particularité de cette disposition est qu’elle est en vigueur, mais qu’elle «n’est pas encore “effective” tant que les apprenants n'ont pas signé de contrats comportant une telle obligation», souligne le Dr Soufi. «Nous surveillons donc comment le gouvernement va se positionner à ce sujet et si des partenaires de la fédération, dont le Collège des médecins du Québec et les facultés de médecine, pourraient malheureusement participer, malgré eux ou de plein gré, à ce qui constituerait des violations claires aux droits fondamentaux des apprenants, notamment à leur droit constitutionnel de "libre circulation et d'établissement".» Le président de la FMRQ pense notamment à des contrats comprenant de telles clauses «illégales et inconstitutionnelles» comme condition d’entrée en médecine ou en résidence. «Ce n’est heureusement pas le cas pour le moment, donc la suite pourra dicter nos stratégies juridiques dans ce dossier, et ce, sans écarter la possibilité de contestation judiciaire à plus court terme, la FMRQ seule ou avec d’autres groupes», prévient le Dr Soufi.Lire aussi: PL83: «une restriction délétère pour les jeunes médecins»S’agissant des médecins œuvrant déjà au privé, qui pouvaient jusque-là effectuer librement jusqu’à neuf allers-retours par an dans le réseau public, c’est essentiellement l’autorisation à obtenir de Santé Québec pour se désaffilier de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) qui ne passe pas. Cette mesure a de plus un effet rétroactif au 1er avril 2025, date du dépôt des amendements en question.À la toute jeune Fédération des médecins de pratique privée du Québec (FMPPQ), qui revendique désormais 400 membres, on évalue ainsi les moyens légaux de contester ces dispositions qui semblent porter atteinte à la liberté professionnelle des praticiens. Quant à l’Association des médecins privés du Québec (AMPQ), elle se dit prête à «soutenir une éventuelle contestation» de la loi.Des partenaires plus que des opposantsLa FMPPQ reste cependant engagée «dans la voie de la diplomatie», signale son vice-président, le Dr Jean-Paul Brutus. Le chirurgien plasticien mentionne que des représentants de la Fédération ont récemment rencontré les cabinets du premier ministre François Legault et du ministre de la Santé Christian Dubé. «C’était un premier contact et j’ai l’impression que nous avons été entendus. On veut devenir des partenaires dans l’élaboration de solutions et qu’on reconnaisse le rôle que nous jouons», explique le spécialiste de la main qui prône un système de santé mixte dans lequel «le privé et le public collaborent pour offrir des soins à la population.»En parallèle, le Dr Brutus a également lancé une pétition sur Change.org il y a environ trois semaines. Intitulée «Protégeons l’accès aux soins médicaux privés au Québec – en tant que patients», elle comptait 5260 signataires en date du 14 mai. «L’objectif est de donner une voix à tous ces patients silencieux, à ces messieurs et madame Tout-le-Monde qui choisissent le privé pour obtenir les soins dont ils ont besoin. Ils ne doivent pas être privés de cette liberté», affirme le clinicien.

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