Préexternat en région: le bonheur est dans la proximité, et l’exposition clinique

«Mission accomplie», clame l’Université Laval (UL). Sur le papier, le projet Aventure médecine semble en effet avoir atteint ses premiers objectifs. Cette initiative a été lancée en 2022 en partenariat avec l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et les centres de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent et de Chaudière-Appalaches. Elle visait à «sortir la pratique médicale des grands centres urbains pour exposer les étudiants à l’exercice en région où la pratique des spécialistes et des omnipraticiens est plus généraliste et plus interdisciplinaire», résume la Dre Gabrielle Gagnon, vice-doyenne du campus de médecine décentralisé de l’UL à Rimouski. La finalité étant de convaincre ces futurs médecins d’aller ensuite s’installer en dehors de Montréal, Québec et Sherbrooke.Il y a trois ans, la première cohorte d’Aventure médecine comptait 35 étudiants: 17 à Rimouski et 18 à Lévis, où deux nouveaux pavillons d’enseignement ont été construits. À l’issue de leur préexternat, 21 accompliront leur externat en région. «Ces résultats montrent la pertinence du projet», affirme l’UL dans un communiqué.À lire aussi: Les mesures pour attirer les nouveaux médecins de famille en région fonctionnentSur les 17 qui ont étudié à Rimouski, «11 vont rester au Bas-Saint-Laurent, 4 vont faire leur externat longitudinal à Joliette et 2 vont retourner à Québec faire un externat verticalisé», détaille la Dre Gagnon en précisant qu’en fin de compte, 15 étudiants ont choisi de poursuivre leur cursus dans un hôpital communautaire et/ou en région. Rien ne dit que ces cliniciens en devenir s’y installeront une fois leur permis d’exercice en poche, convient l’hémato-oncologue. «Encore faut-il qu’il y ait des PREM en médecine de famille et des PEM en spécialité, puis qu’ils les obtiennent. Mais au moins, on leur a donné le virus de la pratique en région», espère-t-elle en se réjouissant que la majorité des étudiants du campus de Rimouski, «de l’ordre de 60%», envisagent de s’orienter en médecine familiale. «Ils se sont rendu compte qu’ici, les omnipraticiens ont beaucoup plus de latitude et que leur pratique est beaucoup plus large qu’en ville. Ils font aussi beaucoup de deuxième ligne et interagissent davantage avec les spécialistes.» Des réalités à même de séduire la relève, selon la Dre Gagnon.Choix par défautAvec un peu de recul, Karen Dev dit ne rien regretter des trois années qu’il vient de passer à Rimouski. Faire son préexternat au Bas-Saint-Laurent n’était pourtant pas dans ses plans. «C’était un choix par défaut», reconnaît le trentenaire qui, après plusieurs échecs à l’admission en faculté de médecine, s’était orienté en physiothérapie. Soutien de famille, ce fils d’immigrés d’origine indienne avait monté à Montréal son entreprise de soins à domicile. «Pour poursuivre mon rêve d’enfance, j’ai réappliqué en médecine sur le contingent “marché du travail”. Je me suis retrouvé en première position sur la liste d’attente. La personne qui s’est désistée avait choisi Rimouski, alors c’est la place que m’a offerte l’UL», explique le jeune homme qui, l’an prochain, suivra le cursus de l’externat à Joliette pour se rapprocher un peu de ses parents et de sa femme qui ne peut pas déménager de la métropole.De Rimouski, Karen Dev savait juste que Sidney Crosby y avait joué avec l’équipe de hockey junior majeur de l’Océanic. Après une période d’adaptation les premiers mois, il a vite trouvé ses aises. «On était en contact direct avec la vice-doyenne, les médecins, l’administration. Tout était facile d’accès. Ça m’a enlevé un gros stress.» Sur le plan de l’enseignement, il considère avoir eu beaucoup plus d’expositions cliniques qu’à Québec ou Montréal. «On avait juste à taper à la porte des services qui nous intéressaient. C’était vraiment facile. Franchement, je recommande (le campus de Rimouski) à 200%. On (y) a des privilèges assez incroyables», insiste l’étudiant.Sur le plan humain, Karen Dev mentionne qu’il a rencontré des médecins et des professionnels de la santé «plus sympas, plus accueillants, plus chaleureux et surtout moins speed». Et il sait de quoi il parle. «Je travaille depuis sept ans en santé à Montréal. Bien sûr qu’il y a aussi des gens sympathiques à Montréal. Mais l’environnement de travail y est plus dur, on est toujours en rush, on prend moins le temps de se parler.»À lire aussi: Formés à la «médecine de brousse», sur la Côte-NordChoix délibéré À l’inverse de Karen, Marjorie Coulombe a sciemment choisi de faire son préexternat à Lévis. Elle est née à l’Hôtel-Dieu, sa mère y exerce comme orthophoniste, elle-même y a travaillé comme agente d’administration durant ses études pré-médecine et sa sœur y accomplit ses stages d’infirmière. «C’était un choix logique, délibéré et qui faisait du sens à mes yeux», observe la jeune femme qui s’apprête à fêter ses 24 ans.De ses trois années de préexternat, Marjorie Coulombe retient en premier lieu la proximité. «On était une toute petite cohorte et on était très proches les uns des autres. On se soutenait et on s’entraidait. On était aussi très proches de l’équipe pédagogique qui connaissait nos prénoms et qu’on pouvait facilement questionner.» À consulter: «Le gouvernement oublie parfois que les résidents sont aussi des apprenants» - Dr Ghassen SoufiLe nouveau pavillon d’enseignement est aussi très proche de l’hôpital, ce qui procure certains avantages. Durant la première session, Marjorie Coulombe se souvient notamment du cours de démarche clinique au cours duquel les étudiants apprennent à mener un examen physique en cardiologie et pneumologie. «Notre prof était un cardiologue proche de la retraite. Il nous expliquait comment détecter un souffle cardiaque au stéthoscope. Plutôt qu’on ausculte nos cœurs normaux, il nous a amenés voir ses patients pour écouter leurs souffles. On a eu la chance de voir du concret», considère l’étudiante qui estime avoir eu plus d’expositions cliniques qu’à Québec.C’est d’ailleurs ce constat qui l’a conduite à postuler à l’Hôpital de Montmagny pour y effectuer son externat longitudinal à partir de la rentrée. «C’est un petit hôpital communautaire où il n’y a pas toutes les spécialités. On y sera juste deux étudiants, donc on aura une belle exposition», anticipe Marjorie Coulombe qui note que la médecine de famille y est plus polyvalente et plus valorisée. Les omnipraticiens y ont aussi plus d’autonomie», signale-t-elle en témoignant de l’intérêt également pour la neurologie et l’obstétrique. Gagnant-gagnantCes deux retours d’expérience doivent sans doute sonner comme de la douce musique aux oreilles de la Dre Gabrielle Gagnon. Si cette dernière convient que l’accueil à Rimouski de la première cohorte d’Aventure Médecine a comporté son lot de défis, notamment sur le plan organisationnel, elle rapporte que les moniteurs de cours ont «adoré leur expérience. La plupart veulent redonner des cours. Ça les énergise. Les étudiants sont tellement généreux. Ils posent beaucoup de questions et ils aiment les anecdotes de pratique. Dans un contexte où on peut facilement devenir cynique, on se revoit à leur âge et ça nous rappelle pourquoi on a choisi ce métier. Ça rallume la flamme. C’est vraiment merveilleux.»

Préexternat en région: le bonheur est dans la proximité, et l’exposition clinique

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