Pourquoi tant d’«incels» ne peuvent ou ne veulent pas trouver d’emploi?

Une étude récente menée par des chercheurs du département de sociologie de l’Université McGill s’est penchée sur le lien entre le mouvement incel et le chômage des jeunes hommes qui s’en revendiquent. Elle a révélé que certains incels ont une motivation idéologique pour refuser de trouver un emploi. Cette étude intitulée «Don't Work for Soyciety»: Involuntary Celibacy and Unemployment (Ne travaillez pas pour la société: célibat involontaire et chômage) a été publiée dans la revue Gender, Work & Organization plus tôt cette année. Elle analyse pas moins de 1258 commentaires provenant de 171 fils de discussion d’un site web incel populaire, publiés entre le 12 octobre et le 3 décembre 2022. Elle visait à identifier d’éventuels liens entre le mouvement incel et le fait d’être un «NEET».À lire aussi: Québec lance un site web regroupant des applications validées en santé mentale«NEET» est un acronyme (pour not in employment, education or training) qui désigne les personnes socialement désengagées qui ne sont ni étudiantes, ni employées, ni stagiaires. Ces idéaux de désengagement social ont imprégné les «célibataires involontaires». Ces «incels» (mot-valise formé à partir de involuntary et celibates) forment des communautés en ligne dont les membres se définissent comme incapables de trouver une partenaire amoureuse ou sexuelle. Ces hommes, majoritairement cisgenres et hétérosexuels, blâment les femmes et leur libération sexuelle, sociale et économique pour leur absence de relation.«Ces espaces virtuels peuvent renforcer des idées néfastes et dissuader leurs membres de demander de l’aide ou de changer leur situation. Il est donc essentiel de comprendre comment ces croyances se forment pour trouver des moyens de soutenir ces jeunes hommes marginalisés et d’établir un dialogue avec eux», déclare dans un communiqué de presse le coauteur de l’étude, le sociologue à McGill Eran Shor.Deux questions étaient au cœur de l’étude: quel est le lien entre le chômage et l’idéologie incel, et quelles barrières non idéologiques les incels invoquent-ils pour justifier leur absence d’emploi ou d’éducation?Les chercheurs ont constaté que la plupart des messages publiés sur le forum affirmaient que le fait d’être NEET devait être loué et encouragé, car cela représentait «une forme de rébellion des incels contre la société ». Ceux qui parlaient d’essayer d’améliorer leur situation en travaillant ou en faisant des études étaient régulièrement qualifiés de faux incels, ou «fakecels». Ces messages représentant toutefois une minorité des commentaires.«Ils considèrent le statut de chômeur comme un gage de la détermination de leurs pairs à préserver une identité incel et encouragent souvent les autres membres du groupe à opter pour le chômage et l’isolement. Beaucoup partagent également la conviction que sans compagne, le travail est inutile», explique Eran Shor.Intimidation, harcèlement et autismeLa perception d’une discrimination sur le marché du travail était le thème le plus fréquemment abordé dans l’échantillon. Il apparaît dans 30% des messages analysés. De nombreux utilisateurs du forum ont dénoncé une «discrimination à l’emploi à l’encontre des hommes peu attirants». Ils blâmaient également la place croissante des femmes dans le marché du travail.Les contributeurs du forum ont également exprimé leur frustration face aux expériences d’intimidation, d’aliénation et de marginalisation dans le monde du travail. Environ 15% des messages analysés rapportaient des expériences de harcèlement à l’école ou au travail. De nombreux utilisateurs ont également fait référence à l’autisme et au fait que «personne ne veut embaucher un autiste», ce qui correspond aux conclusions d’études précédentes qui ont montré qu’une proportion disproportionnée de membres de la communauté incel sont autistes.À consulter: Autisme: une étude évoque une perturbation du transport du calcium dans le cerveauLes chercheurs affirment que des études comme la leur sont importantes pour mieux comprendre comment les membres de la communauté incel et les jeunes hommes aux croyances similaires sont susceptibles de se désengager socialement. Ils affirment qu’il est nécessaire d’améliorer l’éducation, la formation professionnelle et les programmes de santé mentale, mais que des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour explorer les interventions permettant d’empêcher les jeunes hommes de s’engager dans cette voie.«Un changement à long terme nécessitera de remettre en question les discours dangereux sur la masculinité, les relations et la réussite. Plutôt que de punir les incels ou d’interdire purement et simplement leurs communautés, il serait plus efficace de les aider à se réinsérer dans la société», affirme Eran Shor. RéférenceBeckett-Herbert, A. and Shor, E. (2025), «Don't Work for Soyciety»: Involuntary Celibacy and Unemployment. Gender Work Organ, 32: 1556-1566. https://doi.org/10.1111/gwao.13248

Pourquoi tant d’«incels» ne peuvent ou ne veulent pas trouver d’emploi?

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes