Pour une meilleure prise en charge de la sécheresse oculaire en pharmacie

Un patient renouvelle son ordonnance de quétiapine IR 25 mg po qhs et de paroxétine 20 mg po par jour. Vous remarquez qu'il a également deux flacons de gouttes ophtalmiques lubrifiantes dans la main. Lors d'un examen complet des médicaments, vous constatez qu'un patient utilise plusieurs lubrifiants ophtalmiques pour une sécheresse oculaire persistante, avec un bénéfice minime. De telles situations doivent alerter le personnel de la pharmacie sur la possibilité que les patients souffrent de sécheresse oculaire. La sécheresse oculaire touche un nombre important de personnes dans le monde entier1. Environ 21% des Canadiens en souffrent, avec une prévalence accrue chez les femmes et les adultes plus âgés2. La sécheresse oculaire se caractérise par une production et/ou une qualité insuffisante de larmes, ainsi que par une inflammation de la surface oculaire. Elle entraîne une gêne, une rougeur, une irritation, une douleur et une vision fluctuante1,3. Elle peut aussi affecter de manière significative la qualité de vie en limitant les activités, telles que la conduite et la lecture, et avoir un impact négatif sur la productivité au travail1,4. La sécheresse oculaire peut être problématique pour les patients, mais peut être prise en charge efficacement avec l'aide des professionnels de la santé, y compris des pharmaciens3. Pourtant, une étude menée dans une pharmacie communautaire a montré que seulement 42% du personnel de la pharmacie a correctement identifié la sécheresse oculaire lors d'une interaction avec un patient «mystère» simulant ce problème, et seulement 10% ont donné des conseils sur l'administration et la posologie des traitements5. Facteurs de risque Un certain nombre de conditions de santé sont associées à la sécheresse oculaire, notamment le diabète, l'anxiété, la dépression et un mode de vie sédentaire1,3. Toute condition ou exposition entraînant une inflammation de la surface oculaire peut provoquer une sécheresse oculaire, notamment les infections, les affections inflammatoires à médiation immunitaire (arthrite rhumatoïde, syndrome de Sjögren) et les expositions environnementales (vent). En outre, toute condition (par exemple, la maladie de Parkinson) ou activité (par exemple, le visionnage d'un écran) qui réduit la fréquence des clignements d'yeux accroît la vulnérabilité à la sécheresse oculaire. Signes et symptômes Les patients présentent souvent une douleur oculaire, qui peut s'accompagner d'une sensibilité à la lumière, d'une sensation de corps étranger, d'une sécheresse, d'une irritation et d'une vision fluctuante ou floue1. Les symptômes sont généralement exacerbés par l'exposition au vent, à la lumière et à des températures extrêmes1. Traitement Les recommandations de traitement formulées par un groupe d'experts internationaux sont résumées dans le tableau 16. Dépistage/évaluation – Un algorithme est disponible pour guider l'évaluation initiale des patients présentant un risque de sécheresse oculaire, y compris le moment où il faut les orienter vers un ophtalmologiste7. L'utilisation du Dry Eye Questionnaire-5 (DEQ-5) ou de l'Ocular Surface Disease Index (OSDI) est recommandée pour dépister les symptômes de sécheresse oculaire6,8,9. Le DEQ-5 et l'OSDI peuvent tous deux être administrés en pharmacie. Examen et gestion des médicaments – Plusieurs médicaments peuvent exacerber la sécheresse oculaire (tableau 2)1,7,10. Lorsque les patients se présentent avec des problèmes de sécheresse oculaire, il est essentiel d'effectuer une revue de la médication afin d'identifier les traitements qui peuvent contribuer à la sécheresse oculaire ou l'exacerber1. Si un coupable est identifié, il faut collaborer avec le professionnel de la santé qui l'a prescrit afin d'envisager un autre médicament ou un ajustement de la posologie pour soulager les symptômes de la sécheresse oculaire. Éducation et sensibilisation – Les pharmaciens sont bien placés pour informer les patients sur les symptômes, les facteurs de risque et les différents traitements de la sécheresse oculaire. Ils sont en mesure d’aider les patients à gérer eux-mêmes cette affection, notamment en choisissant un traitement approprié et en identifiant des modifications à apporter à leurs habitudes de vie1,6,7. Recommandations de médicaments en vente libre – L'objectif principal du traitement est d'établir et de maintenir l'homéostasie du film lacrymal3. Les pharmaciens peuvent guider les patients dans le choix de lubrifiants ophtalmiques appropriés en fonction de facteurs individuels, tels que l’importance des symptômes. Les traitements de première intention sont les lubrifiants ophtalmiques (par exemple, gouttes, sprays), qui soulagent les symptômes3,6,7. Les formulations sans conservateur (par exemple, Systane Complete, Thealoz Duo, HydraSense) sont préférables car elles réduisent la probabilité de provoquer une conjonctivite toxique, qui peut imiter et/ou exacerber la sécheresse oculaire3,7. Si un collyre contenant un conservateur est utilisé, il ne faut pas l'utiliser plus de quatre à six fois par jour afin de minimiser le risque de conjonctivite toxique3. Les produits contenant un vasoconstricteur (par exemple, la tétrahydrozoline) doivent être évités car une vasodilatation de rebond peut accroître la rougeur3. Les formulations contenant de l'huile, qui visent à remplacer la composante lipidique du film lacrymal, doivent être envisagées pour les patients présentant une vision floue intermittente qui s'améliore lorsqu'ils clignent des yeux3. Il est important de s'assurer que les patients connaissent la technique d’utilisation appropriée des produits ophtalmiques. Des données d'observation suggèrent qu’une technique sous-optimale d'application des gouttes ophtalmiques est répandue dans la pratique clinique réelle11. Traitements sur ordonnance – Lorsque les remèdes en vente libre ne donnent pas suffisamment de résultats, les pharmaciens peuvent collaborer avec les ophtalmologistes pour aider les patients à comprendre les options de traitement sur ordonnance (par exemple, corticostéroïdes, cyclosporine)6,7. Les pharmaciens peuvent faire des suggestions en fonction de la couverture et du coût des médicaments, étant donné que plusieurs traitements sur ordonnance ne sont pas couverts par les régimes d'assurance médicaments provinciaux ou privés7. Ils peuvent également aider les patients en assurant un suivi pour évaluer l'efficacité et l'innocuité du traitement choisi1,3. Modifications au mode de vie – Les pharmaciens peuvent fournir des conseils précieux sur les modifications du mode de vie pour aider à soulager la sécheresse oculaire. Cela comprend notamment l'hygiène quotidienne des paupières avec de l'eau chaude ou des lingettes commerciales pour paupières, des compresses chaudes sur les yeux, d'un sommeil adéquat, une hydratation optimale, le respect de la règle des 20-20-20 (faire une pause d’écran de 20 secondes toutes les 20 minutes, pour regarder un objet situé à au moins 20 pieds), l'optimisation des niveaux d'humidité et la gestion de l'exposition aux agents irritants1,3,7,12. Examen de cas Les patients évoqués dans cet article présentent tous deux des signaux d'alerte qui devraient inciter les pharmaciens à dépister la sécheresse oculaire et à leur fournir des conseils sur la prise en charge appropriée. Cela comprendrait la sélection et l'administration optimales des produits ophtalmiques, ainsi que la collaboration avec d'autres professionnels de la santé pour discuter des changements possibles aux traitements systémiques potentiellement contributifs (c.-à-d. la paroxétine et la quétiapine).

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