Pour la FMOQ, «le ministre de la Santé fait fausse route»

Si le ministre de la Santé Christian Dubé a affirmé ne pas être là «pour se faire aimer», il pourrait bien être pris au pied de la lettre. En effet, ses propos tenus face au journaliste Patrice Roy lundi au Téléjournal lui attirent les foudres de la FMOQ. Soumis aux questions du public concernant des thématiques aussi variées que le manque d’accès à un médecin de famille, les rendez-vous payants sur Clic-Santé, le remboursement des chirurgies réalisées au privé ou encore l’attente à l’urgence, le ministre de la Santé a plusieurs fois fait référence aux négociations en cours avec les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes, et a réitéré qu’il se montrerait «ferme» avec leurs fédérations respectives pour obtenir autant de «flexibilité et de mobilité» qu’avec la FIQ. «Les médecins travaillent plus qu’à temps plein»«Si on avait tous nos médecins à temps plein, je n’aurais pas de problème», a asséné Christian Dubé, interrogé sur la capacité des omnipraticiens à prendre en charge les 1500 patients souhaités par le gouvernement. «Je respecte les gens qui ne veulent pas travailler cinq jours par semaine, mais je ne peux pas les considérer comme à temps plein», a ajouté le ministre. Des propos qui ont immédiatement fait réagir la FMOQ, principale intéressée. «Les médecins de famille travaillent tous plus qu’à temps plein, mais on ne reconnaît pas ce travail», a riposté son président le Dr Marc-André Amyot auprès de ProfessionSanté.ca.«De toute évidence, le ministre de la Santé du Québec a encore une très mauvaise compréhension des données réelles, et en fait une mauvaise utilisation», peut-on lire dans un communiqué publié par la FMOQ ce mardi 12 novembre. Selon la Fédération, plusieurs raisons expliquent que certains médecins de famille travaillent moins de 175 jours par an, selon les données de la RAMQ 2022-2023 colligées dans un portrait de la médecine de famille au Québec rendu public courant septembre. À lire aussi: Première offre de Québec aux omnipraticiens: la FMOQ note un changement de tonLa FMOQ rappelle ainsi que:• 482 médecins ont été en congé de maladie 45 jours ou plus; • 478 médecins ont été en congé de maternité; • 448 médecins de 60 ans et plus ont choisi de réduire la cadence plutôt que de prendre leur retraite; • 418 médecins ont quitté la profession en cours d’année (donc n’ont pas travaillé toute l’année); • 404 médecins ont entamé leur pratique en cours d’année, donc n’ont pas « travaillé » toute l’année, car ils étaient encore en résidence auparavant. Les résidents offrent tout de même eux aussi des services à la population. Un manque de personnel davantage que des problèmes d’horaires«C’est dommage, car on se détourne des vraies problématiques. C’est le mauvais traitement au mauvais diagnostic», poursuit le Dr Amyot. Selon lui, le vrai problème n’est pas l’horaire des médecins, mais bien la pénurie de personnel – il manque toujours plus de 1500 médecins de famille au Québec. «Une lecture adéquate et rigoureuse de la situation devrait permettre [au ministre] de conclure qu’à la base, le véritable problème, c’est la pénurie de médecins de famille, et que ce n’est pas en la niant que cette pénurie se résorbera», souligne le président de la FMOQ.Un problème qui devrait se résoudre dans les prochains mois promet Christian Dubé, grâce au plus grand nombre de médecins formés chaque année. «Nous sommes passés de 800 médecins par an à notre arrivée, à 1165 aujourd’hui. Mais ça prend six ans de formation», a-t-il rappelé lors de son entrevue à Radio-Canada. Un argument qui ne tient pas, au vu de la désaffection des étudiants pour la médecine de famille, soutient le Dr Amyot, arguant que plus de 600 postes disponibles n’ont pas été pourvus sur la dernière année. Les honoraires, un faux débatLa question des honoraires des médecins omnipraticiens a aussi été largement évoquée. Selon Christian Dubé, revoir la rémunération devrait inciter les médecins et les GMF à voir davantage leurs patients et pour plus d’un problème à la fois et à prendre davantage en charge les conditions mineures afin de contribuer à désengorger les urgences. «Si ça affecte les honoraires des médecins dans les négociations, ça va se régler», a-t-il assuré. «Si les médecins de famille du Québec avaient des conditions de pratique si intéressantes que ça, si notre rémunération était si intéressante, comment expliquer qu’il y en ait 2300 qui sont partis travailler en Ontario?», lui rétorque le Dr Amyot. Selon lui, les médecins souffrent d’un manque de temps davantage que de volonté pour voir plus de patients et traiter plus d’une condition par consultation. «Tous les médecins de famille aimeraient passer plus d’une heure avec leurs patients. Je ne milite pas en faveur d’un rendez-vous/un problème de santé, mais il y a une contrainte de temps et de manque.»Évoquant les 800 000 patients en attente d’un rendez-vous pour voir un médecin spécialiste, le ministre de la Santé a accusé la FMOQ et la FMSQ de «se renvoyer la balle» sur le dossier du CRDS. Une expression qui a surpris le chef de file des omnipraticiens. «Je ne pense pas que les médecins de famille demandent des consultations non pertinentes. C’est soit parce qu’on a besoin d’une expertise, soit parce que le patient a besoin d’un examen particulier.» Selon lui, les délais pour voir un médecin spécialiste ont des conséquences directes sur les médecins de famille, que les patients retournent voir en attendant.L'austérité, le vrai enjeuEnfin, Christian Dubé a également souligné qu’il demandait aux médecins et aux GMF de garder une part de rendez-vous non prévus dans leurs agendas, afin de fournir un accès adapté aux patients même en région, et de mettre fin aux rendez-vous accessibles moyennant des frais mensuels sur Clic Santé, estimés à 10% du total. «Nos meilleures cliniques et GMF ont 20 à 30% de leurs rendez-vous laissés libres dans les deux premières journées de la semaine», a observé le ministre. Sur ce point, le Dr Amyot lève un drapeau rouge: certains GMF ne recrutent pas assez de professionnels de santé pour assurer l’interdisciplinarité, et manquent à leurs obligations selon lui. «Tout ne peut pas être mis sur le dos des médecins.»À lire aussi: La fausse pénurie de médecins?Alors que les voix n’ont jamais semblé aussi dissonantes, quelles solutions amener sur la table pour mettre tout le monde d’accord? «On ne parle pas d’enlever des médecins de famille à des patients en bonne santé, rassure d’emblée le Dr Amyot. Le tableau dressé par Christian Dubé est donc on ne peut plus incomplet et trompeur, regrette le président de la FMOQ. «Si la solution à tous les problèmes est que les médecins travaillent à temps plein, c’est pauvre», commente-t-il. Si le Dr Amyot explique attendre de la collaboration de la part de son ministre, il l’appelle surtout à cesser de dénigrer les médecins de famille. «On a l’impression que le gouvernement essaie de détourner l’attention de l’austérité et des coupures dans le réseau de la santé.»

Pour la FMOQ, «le ministre de la Santé fait fausse route»

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