«Pompier pyromane»: début du procès hors norme d’un médecin français

Le procès de Frédéric Péchier s’est ouvert lundi devant la Cour d’assises du Doubs, dans l’Est de la France. Le médecin, âgé de 53 ans, est accusé d’avoir sciemment empoisonné 30 patients – âgés de 4 à 89 ans –, dont 12 n’ont pas survécu. Les faits se seraient produits entre 2008 et 2017 dans deux cliniques privées de la ville de Besançon, où l’anesthésiste jouissait d’une belle réputation.L’affaire a émergé à la suite d’une série d’arrêts cardiaques inexpliqués survenus lors de chirurgies plus ou moins banales. Celui qui a déclenché la poursuite criminelle intentée contre le clinicien remonte à janvier 2017: une patiente de 36 ans qui subissait une opération du dos a fait une crise cardiaque après l’injection d’une perfusion contenant du potassium dont la concentration était cent fois trop élevée. Selon les enquêteurs, le Dr Péchier se trouvait à proximité immédiate de plusieurs autres événements indésirables graves – des «EIG» dans le jargon médical français. D’autres cas impliqueraient l’administration inadéquate de produits comme la lidocaïne ou des curares.À consulter: Code de déontologie des syndics: un dossier au point mortAu total, 69 dossiers médicaux suspects ont été examinés et 30 ont finalement été retenus pour le procès. Tous ont en commun la présence ou l’intervention rapide du Dr Péchier, souvent appelé en urgence pour réanimer les patients. Pour l’accusation, cette récurrence traduit un schéma criminel: provoquer des arrêts cardiaques pour ensuite se mettre en scène comme le sauveur.Le procureur de la République de Besançon parle d’un «dossier vertigineux» reposant sur «un faisceau d’éléments concordants». D’après lui, «chaque fois que des complications surviennent, un nom revient: celui du Dr Péchier.» L’accusation avance que l’anesthésiste disposait de l’accès, du savoir-faire et des opportunités nécessaires pour manipuler les poches de perfusion. Le mobile supposé? Se poser en pompier après avoir allumé l’incendie: «Il aimait être celui qui maîtrisait les complications et apparaissait comme le héros.». En conséquence, le procureur requiert que la Cour d’assises retienne la préméditation et la dangerosité extrême d’un praticien qui aurait trahi la confiance absolue que suppose son métier. Ce dernier encourt la réclusion criminelle à perpétuité, la peine maximale en France.À lire aussi: Enjeux médicaux-légaux: ce que révèle le dernier rapport de l’ACPMCabale judiciaireLe Dr Péchier nie catégoriquement les faits qui lui sont reprochés. Sur les ondes de la radio RTL, il a répété lundi matin qu'«il n’y a aucune preuve qu’il y a eu un empoisonnement» dans les dossiers retenus. Il a aussi souligné que bien d’autres EIG ont été constatés après son départ en mars 2017, mais qu’ils n’ont pas été intégrés à la poursuite: «Pourquoi on ne les a pas retenus? Parce que dedans, il n’y avait pas Péchier», affirme le médecin.Ses avocats dénoncent une accusation biaisée. «On a voulu à tout prix trouver un coupable et on a bâti un dossier autour de lui», plaide Me Jean-Yves Le Borgne. Pour Me Randall Schwerdorffer, un autre de ses conseils, «il n’y a pas de preuve matérielle, uniquement des suspicions et une mécanique intellectuelle». Les deux avocats entendent démonter un à un les arguments de l’accusation, en pointant les failles des expertises médicales et l’absence de lien direct entre les produits incriminés et les arrêts cardiaques.Ce procès, qui doit se tenir jusqu’à la fin novembre, s’annonce hors norme par son ampleur: 30 cas passés au crible, plus d’une centaine de témoins et experts appelés à la barre, et des familles de victimes qui attendent depuis huit ans de comprendre ce qui est arrivé à leurs proches.Dans les médias français, l’affaire suscite fascination et effroi. Comment un anesthésiste «star», longtemps considéré comme un «pompier du bloc», aurait-il pu devenir le pyromane? Pour les jurés de la Cour d’assises comme pour les observateurs, cette bascule troublante sera au cœur des débats.

«Pompier pyromane»: début du procès hors norme d’un médecin français

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes