Polyarthrite rhumatoïde: l'abatacept pourrait retarder l’apparition des symptômes

L’abatacept, un médicament antirhumatismal biologique modificateur de la maladie (ARMM) normalement utilisé pour traiter les symptômes de la polyarthrite rhumatoïde (PR), s'avère prometteur pour prévenir ou retarder l'apparition de la maladie clinique.Les résultats de l'étude randomisée et contrôlée APPIPRA (prévention de l'arthrite dans la phase pré-clinique de la PR avec l’abatacept) ont montré que seuls 6% des patients à haut risque ayant reçu l'abatacept ont développé des symptômes de la PR, contre 29% dans le groupe placebo.«Les résultats de cette étude de phase 2B indiquent que le traitement par abatacept d'adultes présentant un risque élevé de développer une polyarthrite rhumatoïde réduit la progression vers une arthrite cliniquement apparente au cours de la phase de traitement», ont déclaré les chercheurs britanniques à l’origine de l’étude parue dans le Lancet.L'abatacept module de manière sélective les signaux de co-stimulation nécessaires à l'activation des lymphocytes T. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) l’a approuvé en 2005.À lire aussi: Lignes directrices évolutives sur la polyarthrite rhumatoïde: première mise à jourLes chercheurs ont choisi l'abatacept pour deux raisons. D’une part, le médicament a prouvé son efficacité dans le traitement de la PR active lorsqu'il est utilisé en monothérapie ou en association avec des ARMM conventionnels chez des patients n’ayant pas bien répondu aux autres traitements conventionnels. D’autre part, l’abatacept a montré une fréquence de réaction accrue chez les patients atteints de PR qui présentaient des concentrations élevées d'anticorps anti-protéines citrullinées (anti-CCP), un marqueur qui peut apparaître chez les patients à haut risque préclinique.Les personnes présentant un risque élevé de développer des symptômes de PR peuvent être identifiées par la détection d'anti-CCP en plus des symptômes tels que les douleurs articulaires inflammatoires, explique l'étude. «Bien que la présence d'auto-anticorps puisse précéder l'apparition de la maladie d'une décennie ou plus, la combinaison d’anti-CCP avec des symptômes et des preuves de synovite subclinique par imagerie a augmenté le pouvoir prédictif de l'identification des individus les plus susceptibles d'évoluer vers une polyarthrite rhumatoïde dans les deux ans», indique l'étude.À lire aussi: Prévention de la polyarthrite rhumatoïde: les fibres pourraient être la cléAPIPPRA est un essai clinique randomisé, en double aveugle, parallèle et contrôlé par placebo, mené dans 28 centres hospitaliers de traitement précoce de l'arthrite au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Les participants à l'essai étaient âgés de 18 ans et plus et avaient été identifiés comme présentant un risque de PR. Ils ont été testés positifs aux anti-CCP et au facteur rhumatoïde, et présentaient des douleurs articulaires inflammatoires. Ils ont été recrutés de la mi-décembre 2014 à la mi-janvier 2019. L'essai comptait 213 participants. Parmi eux, 110 ont été assignés au hasard à des injections sous-cutanées de 125 mg d'abatacept par semaine pendant 12 mois, avec un suivi de 12 mois, et 103 à un placebo. Leur âge moyen était de 48,5 ans; 165 (77%) étaient des femmes et 48 (23%) des hommes.Les sujets ont appris à s'auto-injecter leur traitement par voie sous-cutanée à l'aide de seringues pré-remplies à dose unique. Ils recevaient des visites cliniques tous les trois mois. Le principal critère d'évaluation était le temps écoulé avant l'apparition d'une synovite clinique dans au moins trois articulations ou d'une PR telle que définie par les critères 2010 du Collège américain de rhumatologie et de la Ligue de l’Union européenne contre le rhumatisme. Au cours de la période de traitement, sept (6%) participants du groupe abatacept et 30 (29%) du groupe placebo ont atteint le principal critère d'évaluation. Dans l'ensemble, l'adhésion au protocole de traitement a été similaire entre le groupe traité par le médicament actif et le groupe placebo, soit près de 75%.Au bout de 24 mois, après l'arrêt du traitement, 27 personnes (25%) du groupe abatacept ont évolué vers la PR, contre 38 personnes (37%) du groupe placebo. L’étude estime que 92,8% des participants du groupe abatacept et 69,2% de ceux du groupe placebo ne souffraient plus d’arthrite à 12 mois. À lire aussi: Polyarthrite rhumatoïde: pas de prise de poids importante ni d’hypertension artérielle avec la prise de stéroïdes à faible dosePar ailleurs, les chercheurs ont noté que les effets du traitement avaient disparu à 24 mois, et qu’ils se sont atténués avec le temps une fois le traitement arrêté. Sept événements indésirables graves ont été signalés dans le groupe abatacept et 11 dans le groupe placebo, dont un décès non lié au traitement dans chaque groupe.Ce n'est pas la première fois qu'un ARMM est utilisé dans le but de retarder la progression des symptômes de la PR, selon le Dr Jean-Philip Deslauriers, professeur de médecine clinique à l'Université de Sherbrooke (il n'a pas participé à l'étude). «Mais c’est la première fois que j’entends parler de l’utilisation d’un produit biologique. Parfois, on le fait avec un ARMM conventionnel comme l'HCQ (hydroxychloroquine)», a-t-il indiqué au Medical Post. Une approche qui pourrait s’avérer moins accessible au Canada, où les couvertures santé concernant les traitements coûteux contre la PR varient selon les provinces. Par exemple, «au Nouveau-Brunswick (où j'exerce), je ne pourrais pas obtenir de remboursement et le patient devrait payer de sa poche. Ce n'est donc pas vraiment réaliste», regrette le Dr Deslauriers.

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