Plus de médecins américains réfléchissent à franchir la frontière

Le Canada n’intéresse pas seulement le président Donald Trump qui ambitionne d’en faire le 51e État des États-Unis. Depuis sa réélection à la Maison-Blanche, de plus en plus de médecins américains se renseignent ou manifestent leur intention de venir pratiquer au pays. Inquiets des politiques de santé de la nouvelle administration et/ou de la réduction du financement de la recherche médicale, certains ont déjà entrepris des démarches d’immigration.Le Collège des médecins du Québec (CMQ) dit avoir «constaté une augmentation du nombre de médecins américains qui demandent un permis d’exercice au Québec», indique sa porte-parole, Leslie Labranche, qui n’est pas en mesure de quantifier cette hausse. Elle signale que cette augmentation concerne également des cliniciens qui ont quitté la province dans le passé pour exercer aux États-Unis et qui veulent y revenir. «Certains ont mentionné leur souhait d’obtenir un permis au Québec spécifiquement en raison de l’actuelle administration présidentielle», ajoute la porte-parole du CMQ.À ce jour, le Collège n’a pas encore délivré en 2025 de permis d’exercice à des médecins diplômés aux États-Unis. L’an dernier, il en a délivré trois en tout et pour tout.À lire aussi: Mises à pied massives dans les agences de santé publique américainesPour sa part, le Conseil médical du Canada (CMC), qui évalue et valide les titres de compétences des médecins étrangers, rapporte qu’au cours des six derniers mois, environ 120 diplômés en médecine aux États-Unis par mois ont ouvert un compte en ligne sur son site web. Cette démarche constitue le point de départ pour les cliniciens qui désirent exercer la médecine au pays. À la même période en 2023-2024, ce chiffre était de 10 par mois.«La création d’un compte sur inscriptionmed.ca indique un intérêt pour la poursuite de l’autorisation d’exercer la médecine au Canada et donne accès aux divers services que nous offrons, tels que la possibilité de s’inscrire aux examens du CMC et de faire vérifier ses qualifications médicales, a déclaré la directrice des relations extérieures et de la communication du CMC, Kathryn Keyes, dans un courriel adressé au Medical Post, la publication sœur de Profession Santé ailleurs au Canada.En outre, Kathryn Keyes indique que le CMC a constaté une légère augmentation du nombre de demandes de renseignements émanant d’Américains diplômés en médecine. «Au cours des deux derniers mois, nos agents ont reçu environ 100 appels par mois provenant des États-Unis, ce qui marque une augmentation de 33% par rapport à la période de septembre à octobre 2024», précise-t-elle.Consultante en recrutement pour CanAm Physician Recruiter, la Dre Rohini Patel rapporte que son cabinet a ajouté 347 nouveaux médecins américains à son réseau au cours de la dernière année, dont 141 rien qu’au cours des trois derniers mois, soit environ le double qu’à la même période l’an dernier. Elle affirme que les médecins avec qui elle s’est entretenue ne se contentent pas de se renseigner, mais souhaitent activement déménager, ajoutant qu’ils ne sont pas «difficiles» quant à la province où ils pourraient exercer.La Dre Joss Reimer, présidente de l’Association médicale canadienne, explique pour sa part que cet intérêt croissant est lié à la frustration des médecins américains envers les assureurs privés et au mécontentement des obstétriciens et des médecins de famille qui craignent une «ingérence politique» dans leur pratique. Selon la Dre Reimer, l’augmentation du nombre de médecins américains s’installant au Canada pourrait faire partie de la solution pour combler la pénurie d’environ 23 000 médecins de famille au pays, telle qu’estimée par Santé Canada.Opération séduction de plusieurs provincesDepuis l’élection et l’investiture de Donald Trump, des provinces canadiennes redoublent d’efforts pour séduire et recruter des cliniciens de l’autre côté de la frontière. Directrice du recrutement pour Santé Nouvelle-Écosse, Katrina Philopoulos a indiqué à La Presse canadienne que 27 médecins américains sont en négociations sérieuses pour déménager, ce qui a permis jusqu’à présent d’en embaucher un et d’amener un second à s’installer dans la province l’année prochaine. La directrice a signalé que le message que son agence adresse aux médecins américains n’était pas ouvertement politique et vise toute personne «prête à venir s’installer» après la victoire de Donald Trump. Selon elle, c’est l’occasion de faire des États-Unis une priorité du recrutement en santé, Katrina Philopoulos mentionnant que la province avait régulièrement intensifié celui-ci ces dernières années.Lire aussi: L’Ontario agrée des médecins étrangers «in English only»De son côté, la ministre de la Santé du Manitoba, Uzoma Asagwara, a signifié que les recruteurs de la province discutaient avec une dizaine de médecins américains et avaient organisé des webinaires pour une cinquantaine d’infirmières. La province des Prairies, qui compte l’un des plus faibles nombres de médecins par habitant au pays, compte intensifier ses efforts de recrutement aux États-Unis au cours des prochaines semaines, a ajouté la ministre Asagwara. En parallèle, Doctors Manitoba a dernièrement diffusé des publicités dans plusieurs États américains. Elles encouragent les médecins à s’installer dans la province en leur promettant «zéro interférence politique» dans leur travail. Plus à l’ouest, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé le mois dernier de nouvelles mesures visant à recruter activement des médecins et des infirmières aux États-Unis. Il a lancé des campagnes de marketing dans les États de Washington, de l’Oregon et de la Californie, en collaborant également avec le College of Physicians of Surgeons of BC pour accélérer l’obtention de l’autorisation d’exercer.Le Québec ne fait pas sa pub À Québec, de telles campagnes de promotion de la province auprès des médecins américains ne sont «pas actuellement dans les cartons», indique une source gouvernementale qui veut rester anonyme.Lire aussi: Le mirage du recrutement d'infirmières qualifiées à l'étrangerLe CMQ précise que les médecins de famille formés et certifiés aux États-Unis n’ont aucun autre examen à passer. En revanche, les autres cliniciens doivent réussir l’examen du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada dans leur spécialité avant d’obtenir leur permis d’exercice au Québec. Une fois leur examen réussi, ils peuvent obtenir leur permis dans un délai de 24 à 48 heures si leur dossier est complet.Les omnipraticiens comme les médecins spécialistes américains doivent également répondre aux critères de la Charte de la langue française, c’est-à-dire «avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à l’exercice de leur profession», indique le Collège sur son site web. En attendant que cette connaissance soit attestée, le Collège peut délivrer un permis temporaire valable pour une période d’un an, qui peut être renouvelé à certaines conditions.

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