PL106: l’AMOM alerte sur «un désengagement massif» des médecins

Les omnipraticiens de Montréal ajoutent leur voix à celle de nombreux médecins critiques du projet de loi 106 porté par le ministre Christian Dubé. Après avoir constaté «une multiplication des signaux préoccupants» ces dernières semaines, autant sur le terrain que dans les réseaux sociaux et les médias, l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal (AMOM) a en effet voulu prendre le pouls de ses membres concernant le Projet de loi 106 – Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l’imputabilité des médecins quant à l’amélioration de l’accès aux services médicaux –, et les résultats sont pour le moins préoccupants. Dans une lettre adressée au président du Collège des médecins du Québec (CMQ), le Dr Mauril Gaudreault, son homologue de l’AMOM, le Dr Samer Daher, partage ses vives inquiétudes au regard des informations tirées du sondage. «Nous sommes à un point de bascule», affirme-t-il.À lire aussi: Projet de loi 106: les médecins confrontent Dubé en commission parlementaireCette enquête, envoyée aux quelques 2300 membres de l'AMOM et à laquelle 638 (28%) ont répondu, dresse un constat sans appel: «un désengagement massif est anticipé si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, ce qui aura des conséquences directes sur l’accessibilité et la continuité des soins pour la population montréalaise», écrit le Dr Daher.40% des médecins répondants considèreraient une pratique au privéEn effet, plus de 80% des médecins répondants ont exprimé deux intentions ou plus quant à des changements à leur pratique advenant l’adoption du PL106. «Ces modifications potentielles, souvent majeures, laissent malheureusement présager un impact direct sur les services offerts à la population — des services déjà en état de fragilité chronique, faute d’un nombre suffisant de médecins et d’une relève adéquate dans la métropole», commente le président de l’AMOM. Chez les omnipraticiens plus âgés, la tentation d’une retraite anticipée est grande. En effet, chez les 65 ans et plus, un sur trois indique qu’il partirait à la retraite, alors que 20% des médecins âgés entre 55 et 64 ans la devanceraient.Parmi les médecins ne désirant pas quitter la pratique si le PL106 était adopté en l’état, deux médecins sur cinq (40%) choisiraient de réduire leur charge de travail ou cesseraient certaines activités cliniques – hospitalière, urgence, enseignement. Les médecins âgés de 55 à 64 ans réduiraient leurs activités dans une proportion de plus de 50%. En outre, près de 40% des médecins considéreraient une pratique hors RAMQ, et donc au privé.Vers un «effondrement» de l’offre de soins dans la métropoleLe sondage de l’AMOM souligne aussi un réel pessimisme concernant l’avenir du système de santé et la pratique médicale en elle-même. Ainsi, plus de 80% des médecins répondants se sont dits inquiets pour la qualité des soins offerts aux patients, leurs collègues et la relève médicale, en plus d’être complètement démotivés par ce projet de loi.Consultez: Des cliniques disant vouloir informer leurs patients sur le PL106 créent le malaiseEnfin, plusieurs répondants soulignent l’impact disproportionné du PL106 sur les femmes médecins, notamment en lien avec la flexibilité des horaires.«Dans tous les groupes d’âge, une frustration importante est exprimée, liée à la perte de sens, à l’alourdissement des tâches administratives et au ton accusateur des discours politiques», ajoute le Dr Daher dans son courrier au président du CMQ. Ces intentions de départ ou de désengagement dans la profession «pourraient rapidement provoquer une rupture de services dans plusieurs secteurs déjà fragilisés», voire un «effondrement de l’offre de soins» prévient-il, ajoutant que, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre particulièrement criante à Montréal, les effets sur la population seraient immédiats.D’après lui, le PL106 ne répond pas aux enjeux actuels auxquels est confrontée la profession, ni à l’amélioration de l’accès aux soins voulue par le gouvernement. Dans sa forme actuelle, le texte risque au contraire «d’aggraver la situation»; un appel à l’aide auquel le CMQ doit réagir, selon lui, «en urgence».

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