Pharmacies: inquiétudes face aux nouveaux frais annoncés par Express Scripts Canada

Nombreux sont ceux qui s'inquiètent de ces nouveaux frais. «Les pharmaciens sont à juste titre mécontents et exigent des réponses», affirme Justin Bates, directeur général de l'Association des pharmaciens de l'Ontario (APO). Selon lui, les coûts seront importants pour la pharmacie moyenne, et pourraient s'élever à un total de 25 millions de dollars à l’échelle du pays. Les frais devraient être calculés selon une échelle mobile: les pharmacies qui ont 40 demandes de remboursement ou moins par cycle de facturation paieront 25$, puis le coût augmentera graduellement, à raison de 25$ toutes les 10 demandes supplémentaires jusqu'à un maximum de 200$ pour plus de 100 demandes. Les frais sont réduits de 10% lorsqu’ils sont payés par débit préautorisé.Express Scripts Canada affirme que ces frais serviront à créer un nouveau portail pour les fournisseurs et à accélérer les délais d'exécution des demandes administratives, ce qui profitera aux pharmaciens. «Nous soutenons les pharmacies et sommes impatients de pouvoir les faire bénéficier de ces améliorations. Nous construisons un écosystème qui leur permettra de se développer, d'améliorer leur efficacité et d'établir une base solide pour l'avenir de la pharmacie», s'est félicité Express Scripts Canada dans un communiqué. À lire aussi: MedActuel | L'entente de pratique avancée en partenariat avec les pharmaciens: un outil précieux pour les GMFExpress Scripts Canada a également expliqué que les fournisseurs de services pharmaceutiques avaient formulé des demandes d'ordre commercial et technologique, telles que l'amélioration de l'efficacité des contrôles, auxquelles ce changement répondra. Les pharmaciens auront également accès à de meilleurs rapports d'audit, communications et processus, ainsi qu'à une meilleure équipe de services aux fournisseurs. Mais la mise en œuvre de ces changements coûtera des millions.«Les prestataires de services pharmaceutiques bénéficient déjà d'avantages significatifs grâce à nos services PBM (gestionnaires de prestations pharmaceutiques, ndlr). Depuis de nombreuses années, nous fournissons aux pharmacies les moyens de réduire leurs besoins en fonds de roulement en leur offrant un financement hebdomadaire. Notre principal concurrent [Telus Health] facture aux pharmacies 0,10 ou 0,20$ par demande de remboursement pour un paiement rapide, et ce, depuis des décennies. ESC offre gratuitement des délais de paiement de 4,5 jours en moyenne.» L'APO s’est déclarée «fermement opposée» à ces nouveaux frais: «la décision d'ESC impose des frais injustifiables qui n'offrent pas de retour sur investissement dans la prestation de soins aux patients, alors que les pharmacies n’ont pas le droit de répercuter ces coûts supplémentaires.» L'association a l'intention de travailler avec ses partenaires nationaux et provinciaux pour s'opposer à ces frais en utilisant «tous les mécanismes à (sa) disposition».L'Association des pharmaciens du Canada (APhC) a également signifié sa ferme opposition dans une lettre adressée à Express Scripts. «Nous bénéficions tous de délais d’arbitrage plus rapides qui ne nécessitent pas de traitement manuel, et nous savons que la facturation électronique contribue grandement au respect des traitements par les patients, écrit son président, Dorian Lo. Malheureusement, l'approche actuelle, qui consiste à modifier systématiquement les accords des prestataires au risque de perdre le droit de facturer électroniquement, menace l'ensemble du système. Nous vous demandons instamment de reconsidérer la mise en œuvre de ces nouveaux frais de service ou, au moins, de prévoir une clause d'acceptation ou de refus, comme d'autres l'ont fait».À lire aussi: De plus en plus de services cliniques rendus en pharmacieDans sa déclaration, l'APO indique que ces frais «s'inscrivent dans une tendance de pratiques commerciales préoccupantes qui utilisent le remboursement pour diriger les patients vers des pharmacies spécifiques, dans certains cas la pharmacie appartenant à ESC. Ces pratiques commerciales peuvent également empêcher les pharmacies de répercuter les coûts sur les consommateurs, et donc de fixer leurs propres prix.»Selon Justin Bates, ces pratiques sont le reflet d'une évolution vers «des opérations de type PBM américain sur le marché canadien».Les gestionnaires de prestations pharmaceutiques opèrent depuis des décennies aux États-Unis. À l'origine, ces derniers ont permis aux pharmacies américaines d'éviter que le patient paie la totalité de la facture en officine, puis la soumette lui-même à son assurance, mais aussi de disposer du ticket modérateur en temps réel. Mais ils semblent être devenus trop puissants. Aux États-Unis, les PBM facturent des frais de rémunération direct et indirect (RDI), et peuvent par exemple décider, pour des raisons de performance et de gestion de la thérapie médicamenteuse, de ne pas rembourser aux pharmacies le montant total annoncé.À lire aussi: Pharmacie: bien planifier les effectifs pour le temps des FêtesAux États-Unis, les PBM possèdent également de nombreuses pharmacies, en particulier des pharmacies de vente par correspondance et des pharmacies spécialisées, et elles dirigent souvent les patients vers ces officines. La priorité absolue de l’Association nationale des pharmaciens communautaires (NCPA) est de faire pression pour que des restrictions soient imposées aux PBM, martèle son directeur général Douglas Hoey. La Commission fédérale du commerce, le Congrès et certains États ont également fait pression en ce sens. «L'effet des PBM sur les pharmacies aux États-Unis a été dévastateur: ils ont fait disparaître des milliers de pharmacies indépendantes. Ils sont comme un prédateur qui envahit les pharmacies communautaires.»Justin Bates craint désormais que des mesures similaires ne soient prises au Canada. «Les assureurs et les prestataires de services pharmaceutiques commencent à s'intégrer verticalement et à rendre plus attrayante la fréquentation de leurs pharmacies par leurs membres», confie-t-il. Selon lui, cela limite la liberté des patients de pouvoir obtenir tous leurs médicaments dans la pharmacie de leur choix, et peut nuire in fine à la continuité des soins. L'APO fait aujourd'hui pression pour que les PBM soient réglementés. «Il n'y a qu'une seule partie de ce secteur qui n'est pas réglementée, et c'est celle des gestionnaires de prestations pharmaceutiques. En gros, ils peuvent faire ce qu'ils veulent et ils interdisent aux pharmacies de répercuter les coûts; ils ajoutent ces coûts avec peu ou pas d'avantages pour la pharmacie, mais celle-ci doit les absorber», dénonce Justin Bates. «Nous devons prendre position contre ce type de pratique, car je pense que nous allons en voir de plus en plus sur le marché canadien. Ce n’est que le début, pas la fin.»

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