Peur de l’échec: comment passer outre?

Le texte a été modifié le 31/05/2024 à 9h33 pour mieux refléter les propos de la personne citée.Les traitements évoluent, les patients sont tous différents, et constituent parfois des cas complexes ou rares. Quelles que soient leur expérience et leurs compétences, les professionnels de la santé peuvent tous être en proie au doute et à la peur d’échouer. Les pharmaciennes Héléna Bureau et Caroline Pichette ont donné une conférence sur le sujet, intitulée L’incertitude face à l’échec, lors du Colloque pour les pharmaciens en GMF. Faire face à une nouvelle situation requiert de sortir de sa zone de confort. «Si on veut [s’améliorer], on n’a pas le choix de sortir de cette zone», rappelle Héléna Bureau.En octobre 2016, les GMF de la province ont commencé à accueillir des pharmaciens au sein de leurs équipes – un gros changement dans le quotidien des pharmaciens nouvellement intégrés et dans celui des autres professionnels déjà présents. «C’était beaucoup de pression, parce qu’on espérait que tout ce travail pourrait prouver à quel point [le pharmacien] est un acteur important au sein du GMF», confie Caroline Pichette, qui exerce en pharmacie communautaire et en GMF.Culture de performanceLa pression est plus grande en GMF, selon son expérience. En communautaire, la pénurie de pharmaciens est telle qu’il est facile de se trouver un emploi. Les postes en GMF, eux, se comblent rapidement, alors les pharmaciens ont davantage «besoin de se prouver», explique-t-elle.Prouver sa compétence dans une équipe déjà bien huilée augmente la pression. «Cette culture de performance, ça crée un esprit de compétition, selon Caroline Pichette. On va avoir tendance à se comparer – on est tous des performants à la base, des perfectionnistes.» Le besoin de performer dans le milieu de la santé ne date pas d’hier. En 1985, une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) montrait que les médecins ont généralement un sens exagéré de la responsabilité, couplé avec un «sentiment chronique de ne pas faire assez». Ces sentiments sont partagés par nombre de pharmaciens et autres professionnels de la santé. À l’extrême, ce besoin de performer peut donner l’impression d’être le seul capable de régler certains cas ou de soulager les douleurs de tous les patients – autrement dit, les résultats de tout traitement doivent être impeccables.À lire aussi: Les médecins souffrent-ils de «surconfiance» lorsqu'ils prennent des décisions dans l'incertitude?Le fait de se concentrer sur les résultats peut amener à croire que l’excellence ne tolère aucune erreur et aucun écart, explique Héléna Bureau. Les erreurs sont pourtant inévitables. Selon elle, il est nécessaire d’avoir des attentes réalistes afin d’éviter de se décevoir soi-même, ou de décevoir ses collègues et le patient.Par ailleurs, plusieurs facteurs hors du contrôle des pharmaciens peuvent contribuer à l’échec d’un traitement: un mauvais diagnostic, une dépression de l’efficacité des médicaments, une douleur chronique, ou même les habitudes de vie du patient. Il est important de garder cela en tête, recommandent les deux pharmaciennes.À la suite d’un échec, il est commun de cultiver un certain discours mental négatif. Celui-ci peut amener le professionnel à réduire son offre de services en raison d’une perte de confiance ou à déresponsabiliser le patient en le surveillant de façon exagérée, par exemple. Tel un effet domino, ces réactions peuvent pousser le professionnel à perdre plaisir au travail, à se sentir dévalorisé et en proie au syndrome de l’imposteur, explique Héléna Bureau. À lire aussi: Syndrome de l’imposteur: comment en venir à bout «Les personnes qui nourrissent [un discours mental négatif] vont être moins enclines à relever des défis» et s’en tiendront à des tâches qu’elles savent pouvoir compléter aisément», précise Caroline Pichette. Comment reprendre le contrôle?«La première étape, c’est de se rendre compte qu’on a un discours interne qui est axé sur la réussite et non sur l’apprentissage», ajoute-t-elle.Pour un pharmacien récemment engagé dans un GMF, il peut être difficile d’outrepasser la pression qu’il met sur lui-même, alors qu’il possède déjà les connaissances requises pour exceller dans ses tâches, note Caroline Pichette. «Ce n’est pas parce qu’on a déjà jonglé avec des agents biologiques et des interactions [chez un patient] que ça va être pareil pour un autre individu», explique-t-elle. «Selon la décision que je vais prendre, il peut y avoir des conséquences vraiment graves.» Il arrive aussi que, dans certains cas, il n’y ait simplement pas de meilleure solution. Il s’agit alors de faire confiance en son expertise et de collaborer avec les autres cliniciens du GMF afin de trouver une solution fonctionnelle pour le patient.«Il faut faire confiance [à son expertise] et être capable de dire quand on n’est pas à l’aise.» «Ce n’est jamais facile dire: "Je ne suis pas capable"», admet-elle cependant. Les deux pharmaciennes invitent donc tous les pharmaciens, médecins, infirmiers et collègues à promouvoir la sécurité psychologique pour justement permettre à chacun de dire à voix haute s’il n’est pas à l’aise avec un cas ou un traitement – «se dire les vraies choses sans crainte de représailles», précise Héléna Bureau. Cela enlève de la pression et favorise aussi la collaboration pour le bénéfice du patient.La sécurité psychologique se cultive de plusieurs façons, ajoute Caroline Pichette. Par exemple, «quand on se détache un peu de ce qu’on fait et qu’on se concentre sur qui on est». Il est notamment question de considérer l’humain dans chacun de ses collègues et de reconnaître que tout le monde a des forces et des faiblesses. En mettant l’étiquette de pharmacienne de côté pour se focaliser sur sa personne, c’est plus facile de parler de ses peurs et de ses incertitudes, croit-elle.

Peur de l’échec: comment passer outre?

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes