Pénurie de personnel en pharmacie: Dénicher (et garder) la perle rare

Comme tous les milieux de travail, les pharmacies communautaires sont touchées par la pénurie de main-d’œuvre. Comment recruter des pharmaciens et des assistants techniques en pharmacie dans ce contexte, et surtout, les retenir? Les difficultés de recrutement déjà rencontrées depuis quelques années n’ont fait que s’accentuer avec la pandémie, alors que les pharmaciens sont de plus en plus mis à contribution pour soutenir le système de santé. Si les candidats devaient autrefois savoir se démarquer pour obtenir un poste, c’est aux employeurs, désormais, de jouer la carte de séduction. «On a dépassé le stade où l’on fait un affichage et que l’on doit gérer un grand nombre de candidatures», constate la directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec, Manon Poirier. Face à ce changement de paradigme, les pharmacies communautaires n’ont d’autre choix que de se «réinventer». Attirer les candidats Si les traditionnels sites d’emplois sont encore utilisés pour afficher les postes à pourvoir, les organisations doivent miser sur d’autres canaux : utilisation des médias sociaux et de plateformes non traditionnelles, bouche-à-oreille, embauche d’une firme externe pour démarcher des candidats qui ne sont pas en recherche active, présence dans les lieux de formation, implication communautaire. «Il faut aller où se trouvent les personnes que l’on cherche», résume Mme Poirier. Le référencement à l’interne demeure une façon efficace de recruter, et certains offrent même des primes au référencement. «Les employés et les partenaires connaissent l’organisation de l’intérieur et peuvent bien en parler», ajoute-t-elle. Lorsqu’arrive l’entrevue, l’employeur est en mode séduction : «on doit présenter qui on est comme organisation, nos valeurs, ce à quoi on croit», note Mme Poirier. «Je pense aussi qu’il faut donner l’heure juste lors de l’entrevue. Oui, il va y avoir du travail en soirée et les fins de semaine, mais on peut avoir une souplesse», suggère Diane Lamarre, pharmacienne et propriétaire d’une pharmacie indépendante à Saint-Lambert. Pour attirer de bonnes candidatures, les pharmacies doivent se démarquer : «La culture de l’organisation, c’est très important, surtout depuis la pandémie», insiste Manon Poirier. Les employeurs doivent avoir une «marque employeur» forte, et afficher des valeurs qui les distinguent : confiance, autonomie, bienveillance, conditions de travail, opportunité de développement. «Le pitch de vente doit être appuyé par les employés à l’interne; trop d’organisations investissent dans une image qui ne correspond pas à la réalité sur le terrain», précise Mme Poirier. «Quand nos employés sont heureux, ce sont nos premiers ambassadeurs», appuie Annie Brisson, directrice principale et leader des ressources humaines au Groupe Jean Coutu. L’entreprise travaille justement sur sa marque employeur. «On revoit constamment les conditions de travail pour qu’elles soient les plus attirantes possible», soutient Annie Brisson. Programmes d’assurances collectives, rémunération compétitive, accès à la télémédecine, formations, développement du leadership pour tous les employés, la bannière joue du coude pour se distinguer et offre plusieurs outils à ses pharmaciens franchisés, qui ont toute la latitude pour l’embauche et la gestion de leur personnel. Dur à concurrencer pour les plus petits joueurs, mais ces derniers ont l’avantage d’être très proches du terrain et de leurs employés. Un argument de taille pour certains candidats. Retenir ses employés Avant d’accepter une offre d’embauche, les candidats se demanderont comment l’organisation contribuera à leur évolution et à l’élargissement de leurs compétences. Plusieurs l’ont bien compris, et mise sur la formation pour se démarquer. «Le Groupe Jean Coutu a fait beaucoup de partenariats pour accélérer la formation. On a introduit les formations virtuelles pour être plus agiles et efficaces», explique Mme Brisson. Avec l’évolution constante du rôle des pharmaciens ces dernières années, les employeurs doivent veiller à les soutenir et les accompagner. Bien sûr, toutes ces stratégies d’attraction constituent aussi des stratégies de rétention. «La stabilité dans les équipes est un critère important, pour les patients comme pour la pharmacie. Former un nouveau pharmacien, c’est exigeant, et ça peut prendre plusieurs mois», souligne Diane Lamarre. Une bonne rémunération et de bonnes conditions contribuent à cette stabilité. D’autres pratiques à mettre en œuvre? «Il faut être à l’écoute», croit Mme Lamarre. Rester proche du terrain permet de reconnaître le travail des employés : «Les gens se sentent reconnus et appréciés. C’est important dans un contexte où il y a beaucoup de changements», ajoute-t-elle. Le Groupe Jean Coutu offre quant à lui une foule de programmes de reconnaissance, pour souligner l’ancienneté, le leadership, la qualité du service à la clientèle, etc Faire preuve de flexibilité et de créativité De plus en plus d’initiatives originales, impensables il y quelques années, sont mises en place. «Les organisations craignent souvent de personnifier pour chacun des employés, mais le one size fits all ne fonctionne plus», rappelle Mme Poirier. Si l’on veut attirer un employé semi-retraité, peut-on lui permettre de partir quelques mois en hiver, par exemple? Pour rendre les heures de soir ou de week-end attrayantes, peut-on offrir une rémunération variable selon la case horaire? Et bien qu’il soit difficile d’offrir le télétravail en pharmacie, peut-on morceler la pratique et permettre d’effectuer certaines tâches à distance? «La crise a été une occasion de voir comment faire autrement. C’est intéressant de voir les possibilités», croit Mme Poirier. Annie Brisson remarque d’ailleurs qu’effectuer certaines tâches, comme les consultations et les suivis, en télétravail permet de désengorger les lignes téléphoniques des pharmacies. Si les pharmacies franchisées ont accès à de nombreuses ressources externes pour les appuyer dans leur démarche et leur gestion, les indépendants peuvent néanmoins se démarquer autrement. Pour rendre les postes attrayants, la pharmacienne Diane Lamarre fait preuve d’une grande flexibilité : «J’essaie de varier les tâches de mes ATP (accueil des clients, préparation des ordonnances, etc.) pour que ça ne soit pas trop routinier; les pharmaciens, eux, se concentrent plutôt sur le contact avec les patients.» L’accent est aussi mis sur la conciliation travail-famille; la pharmacienne propriétaire a ainsi adapté les horaires de ses ATP après un congé de maternité, pour un retour progressif. Bien sûr, les pharmacies doivent composer avec de longues heures d’ouverture, mais cela ne doit pas les empêcher d’être créatives. «On peut allonger l’horaire, mais le concentrer sur trois jours, pour que les employés aient suffisamment d’heures pour avoir un revenu intéressant. Pour les fins de semaine, je fais des intervalles aux trois semaines, pour ne pas que ça revienne trop vite», donne comme exemples Mme Lamarre. Face aux défis de recrutement qui se multiplient, la directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés appelle les employeurs à entamer une réflexion : «Les organisations cherchent toujours le candidat “parfait”, mais elles devraient se questionner sur leurs exigences. Au-delà des compétences non négociables, qu’est-ce qui est important : l’empathie, ou une expérience de x années en gestion d’équipe? On met souvent de côté des profils atypiques, mais je les inviterais à considérer des profils différents», conclut Mme Poirier.

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