Orientation des patients en pharmacie: l’AQPP appelle à préserver l’exception québécoise

Le modèle de la pharmacie québécoise saura-t-il résister à la vague qui semble déferler sur le reste du Canada? Il s’étiole à tout le moins, déplore l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), qui appelle, dans un communiqué transmis à Profession Santé, le gouvernement à protéger le droit de propriété exclusif des pharmaciens de la province, «rempart essentiel contre les pressions commerciales.»Au lendemain de la publication d’un communiqué de l’Association des pharmaciens du Canada (APhC) soulignant la nécessité de réglementer davantage les pratiques des assureurs privés et des gestionnaires de régimes d’assurance médicaments (GRAM), «qui imposent un fardeau inutile aux pharmacies et compromettent la capacité des patients à choisir le lieu où ils pourront recevoir des soins», l’AQPP tire elle aussi la sonnette d’alarme face à un modèle d’affaires qui s’étend au pays et qui érode de manière «progressive et insidieuse» l’indépendance des pharmacies communautaires.Ne manquez pas: Libre choix du patient en pharmacie: un sommet pour «recentrer le débat»D’après les représentants des pharmaciens propriétaires, la loi en vigueur au Québec est unique en son genre et «reconnaît explicitement le droit des patients de choisir leur pharmacien, un principe fondamental pour assurer l’accessibilité et la continuité des soins.»D’un côté, «les assureurs cherchent à orienter leurs assurés vers les options les moins coûteuses, sans égard à la pertinence clinique», explique l’AQPP. De l’autre, «les patients sont dirigés vers des pharmacies désignées, malgré les règlements qui interdisent cette pratique.» Une situation de plus en plus fréquente au Québec selon elle, «dans le cas des médicaments de spécialité, où l’on voit des patients être dirigés par des programmes de soutien aux patients vers une pharmacie désignée.»Mais ces programmes de soutien aux patients (PSP) sont parfois la seule manière pour ces derniers d’avoir un accès rapide et à moindre coût à leur traitement, a souligné Jean-Philippe Adam, chef-adjoint aux soins pharmaceutiques du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et membre du conseil d'administration de l'Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), lors du Sommet interdisciplinaire sur le parcours du patient en pharmacie, qui s’est tenu le 4 septembre dernier. À lire aussi: PSP: JAMP Pharma accuse Johnson & Johnson de pratique anticoncurrentielleOfferts par les compagnies pharmaceutiques et parfois accompagnés d’un support financier ou d’une équipe de soins, «les PSP permettent de combler un besoin de santé en donnant un accès privilégié, généralement gratuit, à un médicament», a-t-il expliqué.D’autant que le délai d’accès aux médicaments approuvés par Santé Canada est extrêmement long au pays, a ajouté l’avocat Me Jean-Raphaël Champagne Gilbert, du cabinet Fasken Martineau DuMoulin, au cours du même événement. «Ces programmes font le pont entre l’approbation par Santé Canada et le remboursement par les provinces. On en a besoin pour fournir un accès rapide aux patients», a-t-il précisé, affirmant que le gouvernement obligeait parfois les compagnies pharmaceutiques à disposer d’un tel programme, et à continuer de l’offrir au-delà de cette période de transition. «C’est gagnant-gagnant, tant que les PSP sont conformes. Mais ils sont de plus en plus attentifs au respect du consentement du patient».Car ces programmes ne viennent pas sans contraintes, a rappelé Jean-Philippe Adam. Transferts d’informations confidentielles à un tiers, gestion par une pharmacie tierce que le patient n’a pas choisie, fragmentation du parcours de soins, voire objectif caché de la compagnie pharmaceutique souhaitant acquérir rapidement un nouveau marché…Des enjeux éthiques et déontologiques majeurs, dénonce le président de l’AQPP Benoit Morin, pour lequel «trop d’intervenants s'immiscent dans la relation entre le pharmacien et son patient». «Le gouvernement doit agir pour protéger notre modèle.»

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