Nouvelles recommandations canadiennes pour la prise en charge de l'insomnie chronique

L'insomnie touche un Canadien sur sept. Il est difficile de prendre en charge l’insomnie de manière optimale car les directives canadiennes à l'intention des prestataires de soins de santé sont insuffisantes. Pour répondre à ce problème, un groupe multidisciplinaire de 16 experts canadiens en médecine du sommeil et en insomnie est parvenu à un consensus et formulé des recommandations actualisées afin d'améliorer le diagnostic et la prise en charge de l'insomnie chronique au Canada. S'appuyant sur des données probantes de haute qualité, le groupe recommande vivement de ne pas sous-estimer le fardeau de l'insomnie chronique, car elle augmente le risque de dépression, d'anxiété, de troubles liés à l'utilisation de substances, de suicidalité, de prise de poids, de problèmes cardiovasculaires, de décès toutes causes confondues et d'accidents liés à la fatigue.À lire aussi: Insomnie : L’expérience d’un spécialiste du sommeilLe diagnostic de l'insomnie doit inclure une anamnèse approfondie pour identifier la nature de l'insomnie et les troubles comorbides du sommeil, de la santé mentale et de la santé physique. Les patients doivent faire l'objet d'un dépistage de l'apnée obstructive du sommeil (AOS), en raison de la forte prévalence des symptômes d'insomnie (40 à 60%) chez les patients souffrant d'AOS. Peu de patients souffrant d'insomnie consultent un médecin. Par conséquent, les prestataires de soins de santé devraient poser de manière proactive des questions simples sur le sommeil, pour connaître les difficultés qu’éprouve la personne pour s'endormir ou rester endormie, et savoir si ces symptômes contribuent à des difficultés de fonctionnement pendant la journée. Les soins fondés sur la mesure avec des échelles courtes évaluées par le patient (par exemple, PHQ-9, GAD-7, STOP-Bang) peuvent aider à définir la nature et la gravité de l'insomnie ainsi que les principales comorbidités. Les données fournies par les appareils de suivi du sommeil doivent être utilisées avec prudence lorsqu'il s'agit d'estimer la quantité et la qualité du sommeil, elles n’ont pas été suffisamment validées chez les personnes souffrant de troubles du sommeil.À lire aussi: Le changement d’heure a des impacts pernicieux sur le sommeil, avertit une experteTraitement de l'insomnieLa thérapie cognitivo-comportementale de l'insomnie (TCC-I) est le traitement de première intention de l'insomnie pour tous les individus, même ceux qui présentent des comorbidités. Différentes modalités (en personne, en virtuel, en auto-assistance ou en groupe) sont disponibles, bien que l'efficacité et l'adhésion puissent varier. La TCC-I permet d'améliorer durablement la latence d'endormissement, l'éveil après l'endormissement, la durée totale du sommeil et l'efficacité du sommeil. Elle peut également atténuer les symptômes psychologiques associés, tels que la dépression et les troubles anxieux. Toutefois, des ressources supplémentaires sont nécessaires pour surmonter les obstacles à l'accessibilité de la TCC-I, tels que la rareté des spécialistes formés. Environ 30 à 35% des personnes ne répondent pas à la TCC-I, ce qui peut être dû à un manque d'assiduité, à une prestation sous-optimale et au fait que la TCC-I prend beaucoup de temps. Quatre à six séances bihebdomadaires de TCC-I pourraient être nécessaires afin d’obtenir des améliorations à long terme. Des versions abrégées de la TCC-I ou des composantes uniques de la thérapie comportementale impliquant le contrôle des stimuli ou la restriction du sommeil peuvent être utiles lorsque la TCC-I à composantes multiples n'est pas disponible ou réalisable. Cependant, l'éducation à l'hygiène du sommeil ne suffit pas, à elle seule, à traiter les troubles de l'insomnie. La TCC-I peut parfois être associée à une pharmacothérapie, bien qu'il faille déterminer les modalités optimales d'association et d'enchaînement, ainsi que les considérations relatives à la déprescription.À lire aussi: Stratégies d'endormissement pour les jeunes agitésDes médicaments dont la sécurité et l'efficacité varient sont utilisés pour traiter les troubles de l'insomnie, notamment les benzodiazépines (flurazépam, témazépam), les médicaments z (eszopiclone, zolpidem, zopiclone), les doubles antagonistes de l'orexine (daridorexant, lemborexant), les antidépresseurs et les médicaments antihistaminiques tels que la doxépine.Les benzodiazépines et les médicaments z améliorent la durée et la qualité du sommeil, mais sont associés à des effets indésirables potentiellement préoccupants comme la somnolence diurne, le risque de chutes et d'accidents de la route, le risque de dépendance et d'abus, et l'insomnie de rebond après l'arrêt du traitement. Antagonistes doubles des récepteurs de l'orexine: de nouvelles données suggèrent qu’ils pourraient avoir des avantages supérieurs aux risques qu'ils présentent. Ils améliorent divers paramètres du sommeil chez les personnes souffrant d'insomnie, notamment le temps d'éveil après le début du sommeil, la latence du sommeil persistant et la durée totale du sommeil. Aucun signe ou symptôme de rebond ou de sevrage marqué n'a été observé à l'arrêt du traitement, ce qui suggère un profil de sécurité amélioré par rapport à d'autres médicaments couramment prescrits contre l'insomnie. L'accès au daridorexant et au lemborexant peut toutefois être limité en raison de problèmes de couverture.Autres médicaments prescrits: la doxépine à faible dose, le seul antidépresseur approuvé pour l'insomnie, s'est révélée efficace pour améliorer le maintien du sommeil et la durée totale du sommeil. D'autres antidépresseurs (par exemple, l'amitriptyline, la mirtazapine, la trazodone), ainsi que des antipsychotiques (par exemple, la quétiapine) et des anticonvulsivants (gabapentine, prégabaline) sont couramment utilisés comme médicaments non homologués pour l'insomnie. Cependant, les preuves de leur efficacité sont incohérentes et leurs profils de sécurité peu clairs ou dangereux (par exemple, risque de chute, somnolence diurne) peuvent l'emporter sur leurs avantages. Les antidépresseurs ou les antipsychotiques ne doivent être envisagés que dans le cadre du traitement de troubles psychiatriques comorbides.Les médicaments en vente libre (par exemple, les antihistaminiques tels que le dimenhydrinate et la diphenhydramine), bien que couramment utilisés au Canada pour le traitement de l'insomnie, ont des profils d'innocuité et d'efficacité peu clairs ou dangereux qui peuvent l'emporter sur leurs avantages.À lire aussi: Pour traiter leur insomnie, 16% des Canadiens s'automédicamentent avec du cannabisProduits de santé naturels: malgré les preuves d'améliorations dans certaines populations traitées avec de la mélatonine exogène (par exemple, les adultes plus âgés, les personnes atteintes de TDAH, les troubles du développement neurologique), aucune preuve solide ne soutient l'utilisation de la mélatonine pour le traitement de l'insomnie. Si la mélatonine ou d'autres produits de santé naturels sont choisis pour traiter l'insomnie, conseillez aux patients de choisir des produits portant un NPN (numéro de produit naturel) à huit chiffres pour s'assurer que l'innocuité et la qualité ont été évaluées par Santé Canada.Cannabis: Certaines données suggèrent que le cannabis peut améliorer le sommeil chez les personnes souffrant de certaines maladies chroniques (p. ex., douleur chronique); toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer ses effets et guider son utilisation dans la prise en charge de l'insomnie.RésuméLa déclaration de consensus comprend 37 recommandations relatives à l'épidémiologie, au diagnostic et au traitement de l'insomnie chronique. Il fournit également un algorithme résumant les principes de diagnostic et de traitement pour la prise en charge de l'insomnie chronique au Canada.Dans l'ensemble, les recommandations du consensus soulignent la nécessité d'accroître la sensibilisation, la capacité et l'accès à la TCC-I, d'intégrer la pharmacothérapie récemment approuvée, comme le daridorexant et le lemborexant, et de réduire le recours à l'automédication pour l'insomnie et aux médicaments dont les données probantes sont limitées ou dont le rapport risque/bénéfice est faible.Référence: Morin CM, Khullar A, Robillard R, et coll. Delphi consensus recommendations for the management of chronic insomnia in Canada. Sleep Medicine 2024;124:598-605. DOI: https://doi.org/10.1016/j.sleep.2024.09.038 (consulté le 7 novembre 2024).

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