Nos écrans - Les risques pour les adultes (Troisième et dernière partie)

On voudrait parfois croire que nos habitudes de vie n’influent pas sur la santé, que nos petits caprices n’ont pas de conséquences regrettables pour notre entourage ou pour nous-mêmes. Certaines évidences s’affichent pourtant désormais de manière incontournable.On le sait depuis longtemps pour ce qui est de la conduite automobile et de la cigarette. Vu la place accordée à certaines émissions insistant sur la nécessité de mieux s’alimenter et de faire un peu plus d’activité physique, d’une certaine façon, on est obligé de se discipliner pour éviter les maladies dégénératives. Pourtant, l’air de rien, il y a un « cancer » que peu de gens osent nommer : c’est l’usage des écrans.UtilitéIl est certain que nos écrans ont des avantages et qu’ils améliorent sans cesse notre travail. Les téléphones sans fil et pseudo-intelligents permettent de répondre à un appel urgent, celui de son enfant qui tombe malade ou d’un patient qui a besoin de la présence du médecin à l’hôpital. On peut également consulter ses courriels et répondre aux urgences dans les transports en commun. Certains chefs de service peuvent consulter les résultats de tests télépartagés par un résident et réduire ainsi le nombre de déplacements à l’hôpital lors des gardes de fin de semaine. Si l’urgence se confirme, le médecin se rend au chevet du malade. Sinon, il peut profiter des activités familiales ou amicales prévues, tout en comptant sur la compétence du résident pour faire le suivi nécessaire.Les encyclopédies multimédias et autres portails d’information permettent aussi de faire une recherche ou une réservation très rapidement, ou encore d’obtenir un renseignement potentiellement pertinent. On peut ainsi sélectionner un trajet en voiture – et risquer de se perdre plus facilement qu’en utilisant son bon sens géographique, mais bon, vive les GPS ! Grâce à un conditionnement subtil, on contribue à nous faire consommer des produits pas toujours utiles...Enfin, regarder un documentaire, une activité sportive, un match ou un film à la télévision fait aussi partie du quotidien pour se détendre, se changer les idées, mais aussi pour réfléchir (parfois !).Maladies dégénérativesDans mes deux dernières chroniques, j’évoquais les effets tristes et indésirables des écrans sur nos jeunes et la nécessité de faire attention à la manière dont nous utilisons ces outils. Certes, ce n’est pas uniquement le contenu qui pose problème, c’est aussi la quantité d’heures passées.Dans La Belle Verte, film utopique de Coline Serreau, un médecin rentre du service d’obstétrique où la rencontre de Mia l’a amené à porter un regard différent sur le sens de la vie. Il se rend compte à quel point sa vie de famille part en lambeaux, notamment à cause de l’usage de la télévision. Il se débarrasse d’ailleurs de son téléviseur, le déposant sur le trottoir, au grand dam de son fils...C’est la même décision que, plus récemment, le neuroscientifique Michel Desmurget a prise lorsqu’il a compilé les études expliquant les effets des écrans sur le développement de l’enfant, sur l’anxiété sans cesse croissante dans la société, ainsi que sur la santé. Sans oublier les statistiques, que je mentionnais dans les textes précédents, Desmurget illustre les effets des écrans sur les risques de maladies dégénératives, établissant, entre autres, que :entre 40 et 60 ans, regarder une heure de télévision par jour augmente de 33 % les risques de développer la maladie d'Alzheimer;un homme de 60 ans qui regarde la télévision quatre heures par jour a deux fois plus de risques de mourir d'un infarctus que s’il ne la regardait que deux heures par jour.Et que dire de tous ces accidents dus à la négligence de celui qui consulte ses textos ou même visionne un film tout en conduisant !À force de lire des articles scientifiques, on a tout lieu de croire que les écrans sont aussi toxiques que l’alcool, avec 30 années de compréhension en retard... Quoi qu’il en soit, l’effet de la quantité et de la qualité est cumulatif et toxique pour notre cerveau et notre système cardiovasculaire.Dissociation et instabilitéLe multitâche permet d’optimiser le temps de travail, certes. Mais ce mode de fonctionnement peut aussi affecter la personne de telle manière qu’elle devient hypervigilante, car elle a peur de rater un message, de ne pas répondre assez vite, vite, vite... À terme, il peut y avoir addiction aux médias sociaux, troubles du sommeil (se coucher tard ou en conservant son téléphone près de soi), dissociation (on existe virtuellement, mais pas dans la vraie vie), de la distraction continue (l’attention est-elle vraiment partagée ?), une anxiété de fond qui devient de plus en plus tenace, etc. Et que dire de la qualité de vie de famille si on passe trop de temps à « chatter », à consulter ses courriels ou à jouer sur ses tablettes ?Folies scolairesIl y a quelques mois, la mère d’une de mes patientes était en voyage d’affaires aux États-Unis. Sa fille, anxieuse de nature depuis la mort de son père, avait été confiée à sa grand-mère. Vivant une première séparation d’avec sa mère pendant plusieurs jours, l’enfant a manifesté ses inquiétudes par différents comportements surréactifs et opposants. L’école, pourtant avertie que la mère était au Colorado, a téléphoné pas moins de 14 fois en trois jours pour « informer la maman du comportement inadéquat de la fillette de sept ans », tout en rappelant que si elle avait “accepté la médication”, l’enfant ne poserait pas de problème ! » Ah, tous ces enseignants qui se croient experts en psychiatrie grâce à l’accessibilité des descriptions diagnostiques sur Internet !Et combien de mères ne sont-elles pas rappelées de leur travail parce que leur enfant fait un peu de fièvre ou a mal au ventre ! Quand vous étiez enfant, vos parents étaient-ils si inconscients que cela parce qu’ils n’arrivaient pas dans la demi-heure pour donner un comprimé de Tylenol ? Ce qui change, c’est l’usage des téléphones cellulaires qui rendent beaucoup de services, mais qui causent un profond désarroi chez le personnel scolaire dès qu’un problème survient et que les parents ne s’occupent pas de leur enfant rapidement. Un mieux, la technologie ?Clarifier nos usagesNe craignez rien, je dois moi-même faire attention à l’usage que je fais des écrans. Parfois, c’est mon refuge quand j’ai besoin d’être dans ma bulle. Est-ce aussi réparateur qu’une marche ? Quelle est la réelle pertinence de mon choix en regard d’une discussion avec ma conjointe ou d’un moment passé à jouer avec mes enfants ? Quelque part, les directions thérapeutiques présentées dans le précédent texte pourraient être des pistes à considérer pour que les écrans soient des outils de communication, et non pas l’expression d’une fuite de nos réalités parfois bien stressantes.Lien vers la première partieLien vers la deuxième partie

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