Médicaments de spécialité: les membres du RPMSQ rejoignent l’Association canadienne des pharmacies de quartier

Les membres du décrié Regroupement des pharmacies de médicaments de spécialité du Québec (RPMSQ) ont annoncé rejoindre l’Association canadienne des pharmacies de quartier (NPAC) dans un communiqué publié le 3 décembre dernier. Cette collaboration «à l’échelle nationale» devrait prendre effet au début de l’année 2025, alors que le regroupement reste on ne peut plus isolé sur la scène provinciale. En effet, six de ses membres font l’objet d’une action collective lancée au mois de juin par l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) pour pratiques anticoncurrentielles et ententes avec des programmes de soutien aux patients. En outre, l’Ordre des pharmaciens (OPQ) s’est questionné, dans une lettre ouverte publiée sur le site de Profession Santé, «sur le modèle voulant qu’on scinde les soins en fonction des médicaments, et dans lequel le ou la patient(e) semble intégré(e) dans un système». «Dans une perspective de prise en charge du patient ou de la patiente dans sa globalité, il est préférable qu’il ou elle obtienne ses soins et services pharmaceutiques à un seul endroit», écrivait ainsi son président, Jean-François Desgagné, le 24 juillet dernier. Rappelons que plusieurs membres du regroupement ont été sanctionnés par l’Ordre pour manquement déontologiques. L’écosystème complémentaire de la pharmacieC’est donc au sein d’une association très portée sur les médicaments de spécialité que les membres du RPMSQ semblent avoir trouvé des alliés. Sur son site internet, la NPAC – une association commerciale à but non lucratif qui regroupe plus de 12 000 pharmacies au pays – se définit comme «la voix du secteur pharmaceutique au Canada». «Les pharmacies de quartier représentent les principales organisations pharmaceutiques du Canada, notamment des chaînes, des bannières, des pharmacies de soins de longue durée et spécialisées, des chaînes d'épicerie et des magasins de masse comprenant des pharmacies», indique par ailleurs le communiqué du RPMSQ. À lire aussi: Statut autoproclamé des pharmacies dites «de spécialité»: donnons l’heure juste aux patientsParmi ses membres en effet figurent de nombreuses chaînes et bannières – Brunet, Jean Coutu, Costco Pharmacy, McKesson Canada, Uniprix, Rexall –, mais aussi plusieurs fournisseurs de services aux patients et distributeurs de médicaments de spécialité comme Sentrex, Bayshore Specialty Rx, BioScript Solutions ou Cencora Innomar Strategies. C’est d’ailleurs dans le cadre du Sommet de la pharmacie de spécialité, qui s’est tenu les 28 et 29 novembre derniers à Toronto, et auquel les membres du RPMSQ ont participé, que cette collaboration se serait concrétisée. Si la directrice générale du regroupement, Brigitte Viel, salue la vision «très inclusive» de la pratique en pharmacie de la NPAC, elle considère les membres de l’association comme faisant partie de «l’écosystème de la pharmacie». «La pratique de la pharmacie a évolué au fil des années et va continuer à évoluer, poursuit-elle auprès de Profession Santé. La pharmacie en ligne, dans les grandes surfaces, la pharmacie de quartier, les pharmacies à pratique dédiée… Tous ces services sont complémentaires et doivent bénéficier aux patients. D’où cette idée de travailler ensemble, de façon collégiale, pour améliorer l’offre.»À lire aussi: «Les pharmacies de spécialité sont une offre complémentaire»Une vision collaborative également soutenue par la NPAC, qui nuance toutefois l’annonce du regroupement. «Les membres du RPMSQ ont rejoint notre association en tant que membres. Il ne s’agit pas d’une collaboration unique avec le RPMSQ ou ses membres», indique en effet sa directrice générale Sandra Hanna, sollicitée par Profession Santé. Elle assure néanmoins vouloir «représenter les intérêts de l'ensemble du secteur de la pharmacie pour fournir des soins à leurs communautés».Un discours qui n’a pas de bon sens pour l’AQPP: «la décision de l’Association canadienne des pharmacies de quartier d’inclure parmi ses membres un Regroupement comprenant des pharmacies qui agissent au détriment de l’ensemble du réseau des pharmacies communautaires du Québec démontre à nouveau que cette association est totalement déconnectée de la réalité de la pharmacie au Québec, tant sur le plan de ses lois et règlements que sur celui de ses enjeux», écrit l’association à Profession Santé, dénonçant à nouveau des «pratiques illégales» menant à «une concentration outrageuse des médicaments de spécialité au Québec» et brimant «le droit des patients de choisir leur pharmacien».Sur ces accusations, la NPAC botte en touche. «Nous sommes au courant, mais ne ferons pas de commentaires. Nous respectons et nous nous en remettons au rôle du régulateur pour protéger le public. Notre rôle en tant qu'association est de représenter les intérêts commerciaux des pharmacies de tous les modèles», précise Sandra Hanna. «Les critères d'adhésion sont clairement définis - dans notre manuel de politique et sur notre site web - et il s'agit d'un processus objectif, à condition que le candidat réponde aux critères.» Ces derniers mentionnent notamment le respect des lois fédérales, provinciales et locales, ainsi qu'une exigence de «transparence» et de «confiance avec les clients et les autres parties prenantes afin de maintenir une réputation positive et durable dans le secteur de la pharmacie».La pharmacie de médicaments de spécialité «est née d'un besoin»Les pharmacies de médicaments de spécialité sont-elles finalement les pharmacies de quartier comme les autres? Hors de question pour l’AQPP. «Le modèle d'affaires que nous prônons en pharmacie communautaire est le contraire de celui proposé dans ces pharmacies dites de spécialité: c’est la prise en charge complète des patients», soulignait il y a quelques mois Benoit Morin auprès de Profession Santé. «Nos pharmaciens ne se sont pas réveillés un jour en décidant de développer cette offre», riposte Brigitte Viel. La directrice générale du RPMSQ assure que les pharmacies de médicaments de spécialité découlent d’un besoin de la part d’un public requérant une prise en charge plus complexe. «Cette offre n’est pas adaptée à tout le monde, si les patients préfèrent continuer de se rendre dans leur pharmacie communautaire, c’est bien correct. Mais pour l’instant, on ne constate pas de recul dans la demande, au contraire.» Le RPMSQ affirme représenter aujourd’hui 60 000 patients. À lire aussi: Quelles sont les principales tendances en matière de médicaments prescrits?Ce discours se vérifie dans les chiffres, à en croire les données partagées par la NPAC. «Les médicaments spécialisés sont le moteur de la croissance des produits pharmaceutiques, avec une croissance de plus de 12% d'une année sur l'autre, révèle Sandra Hanna. Notre travail dans ce domaine vise à assurer la viabilité de toutes les pharmacies en continuant à fournir des soins aux patients qui ont besoin de médicaments spécialisés, selon un modèle inclusif et axé sur les besoins des patients.»Si ce début de relation apporte un soutien extra-provincial au RPMSQ, Brigitte Viel se veut ouverte au dialogue – sans toutefois nommer d’interlocuteurs précis. «Tout le monde a un rôle à jouer, en fonction des besoins de chaque patient», conclut-elle. «Nous sommes prêts à collaborer avec tout le monde. Nous avons cet esprit d’ouverture, et on aime que les autres parties prenantes l’aient aussi.»

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