Loi 52: Le Collège des médecins encadre les soins en fin de vie avec trois nouveaux guides de pratique

Adopté le 5 juin 2014 et sanctionné le 10 juin suivant, le projet de loi 52 doit entrer en vigueur au plus tard le 10 décembre 2015. À l’origine du grand débat de société qui a mené à cette loi, le Collège des médecins du Québec (CMQ) continue de s’impliquer de près dans ce dossier.Pour Yves Robert, secrétaire du CMQ, « la prudence s’impose. On est en train de mettre le pied sur un nouveau continent, qu’il faut apprendre à découvrir avec esprit de curiosité, mais aussi en tenant compte qu’on ne le connaît pas ».Depuis le 6 février dernier, les derniers doutes concernant le risque que les médecins québécois se fassent poursuivre en justice pour avoir administré l’aide médicale à mourir sont en voie de s’envoler. Les neuf juges de la Cour suprême du Canada ont unanimement adopté un arrêt demandant sa légalisation au Canada et ils ont donné un an à Ottawa pour changer le Code criminel à ce sujet.De son côté, le CMQ planche depuis des mois sur les guides destinés à encadrer les soins de fin de vie. Deux d’entre eux, consacrés aux soins médicaux dans les derniers jours de la vie et à la sédation palliative en fin de vie, sont déjà en ligne sur le site du CMQ et le troisième, qui portera sur l’aide médicale à mourir, sera prêt au cours de l’été.Des guides nécessaires en raison de la nouvelle loi, mais aussi pour démystifier un certain nombre de choses auprès de la population… et des médecins. « Pendant la commission spéciale sur les soins en fin de vie, on entendait des médecins dirent que pour tuer le patient il y avait juste à augmenter la dose de morphine. De quoi nous faire tiquer », explique le Dr Robert. C’est donc pour réajuster « le point de vue pharmacologique » sur les grands syndromes en fin de vie que le CMQ a produit le guide Les soins médicaux dans les derniers jours de la vie.Les deux autres guides sont le fruit de collaborations. Le guide sur l’aide médicale à mourir est une réalisation conjointe du CMQ, de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec ainsi que de l’Ordre des pharmaciens du Québec. Celui sur la sédation palliative a été conçu avec la Société québécoise des médecins de soins palliatifs, ce qui a conduit à des discussions intéressantes sur la notion de pronostic vital.Mieux encadrer l’utilisation de la sédation palliativeDans une première version, la Société québécoise des médecins de soins palliatifs proposait que la sédation palliative soit réservée aux patients dont le pronostic de vie ne dépasserait pas 15 jours. « Mais je ne connais aucune façon précise de mesurer le temps qu’il reste à vivre à une personne », mentionne le Dr Robert.Le CMQ a plutôt proposé de prendre le problème sous un autre angle, sans restreindre la sédation palliative dans le cas de pronostic vital. L’état général de certains patients, notamment ceux qui sont atteints d’un cancer, peut se dégrader pendant la sédation palliative, tandis que pour d’autres patients, il s’améliorera. « Cette sédation devient ainsi, dans certains cas, et particulièrement dans les pathologies non cancéreuses, un test diagnostique », explique le Dr Robert.Le consensus auquel sont arrivés la Société québécoise des médecins de soins palliatifs et le CMQ est qu’il convient d’utiliser la sédation palliative lorsqu’elle est indiquée ,et sans la qualifier au départ de continue ou d’intermittente. Si l’état d’un patient se dégrade, ce dernier ira vers la mort, inconscient, mais sans souffrir. S’il va mieux, le médecin peut décider d’interrompre la sédation palliative puisque son pronostic vital est prolongé. « Cette approche plus clinique et basée sur l’observation du patient permet d’ajouter un autre outil thérapeutique dans le contrôle de la douleur, parce qu’à toutes fins utiles c’est ça, la philosophie », souligne le Dr Robert.Au-delà des informations pratiques fournies aux équipes traitantes et soignantes sur la sédation palliative, le guide La sédation palliative en fin de vie permettra aussi une normalisation des pratiques en la matière. Car, pendant la commission spéciale sur les soins en fin de vie (menée à travers le Québec en 2010-2011), il était apparu « une grande disparité dans la compréhension et l’utilisation de la sédation palliative d’une région à l’autre », précise le secrétaire du CMQ.Enfin, il s’agit aussi de répondre à une obligation légale, puisque dès décembre 2015 il faudra obtenir le consentement écrit du patient pour commencer une sédation palliative, ce qui implique qu’il « sache dans quoi il s’embarque, ainsi que sa famille ».Exigences particulièresLa Loi propose des modalités spécifiques pour encadrer la sédation palliative continue, c’est-à-dire l’administration de médicaments ou de substances à une personne en fin de vie dans le but de soulager ses souffrances en la rendant inconsciente, de façon continue, jusqu’à son décès. Ainsi, le consentement à ce soin devra désormais être donné par écrit, et le médecin devra suivre un protocole respectant les normes cliniques élaborées par les ordres professionnels, et adopté par chaque conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Le médecin devra aussi aviser ce conseil lorsqu’il aura administré un tel soin. Quant au médecin qui exerce en cabinet privé, il devra aviser le Collège des médecins du Québec.Source : http://www.soinsdefindevie.gouv.qc.caUn guide multidisciplinaire pour l’aide médicale à mourirLe troisième guide porte sur l’aide médicale à mourir. Il a été rédigé pour aider les équipes de soins qui seront confrontées à ce nouveau paradigme thérapeutique. « On a conçu ce guide comme un guide multidisciplinaire, même si on a assumé le leadership de la publication, explique le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins du Québec (CMQ). C’est un guide conjoint dont tous les éléments pharmacologiques ont été revus par des pharmaciens, alors que les éléments de soins et de préparation de l’accès veineux ont été revus par des infirmières et infirmiers. Quant au Collège, c’est davantage sur l’aspect de la prescription pharmacologique, du contexte de soins et de la recherche des conditions imposées par la loi que nous nous sommes penchés. »Pour rédiger ce guide, les trois ordres professionnels se sont inspirés des guides publiés dans les pays du Benelux [Belgique, Pays-Bas et Luxembourg], où l’euthanasie a été légalisée dans les années 2000. En revanche, il a fallu procéder à une « traduction pharmacologique des produits utilisés pour que cela soit applicable avec la pharmacopée de l’Amérique du Nord ». Il fallait aussi expliquer aux équipes soignantes comment « aborder la chose », que ce soit en établissement de santé ou hors établissement de santé, puisque la loi prévoit qu’un patient pourrait demander d’avoir accès à l’aide médicale à mourir à domicile.Au moment où Profession Santé s’est entretenu avec le Dr Robert, certains détails faisaient encore l’objet de discussions, notamment la façon de remplir le constat de décès. Comment le coroner peut-il être informé, par exemple, de l’existence d’une demande d’aide à mourir, sans que la transmission de cette information ne nuise aux familles, qui pourraient peut-être se voir refuser le versement d’une assurance-vie ? « C’est complexe », résume le Dr Robert.Les CISSS et les CIUSSS se préparent aussi à mettre en place, dans chacun des établissements, des groupes de soutien pour l’application de l’aide médicale à mourir destinés aux équipes multidisciplinaires qui s’en chargeront, car les médecins n’iront pas seuls au front. De plus, estime le Dr Robert, il faudra avancer un pas à la fois. « Il y aura des objections de conscience, et c’est légitime, compréhensif et respecté. » Il fait remarquer qu’à l’Assemblée nationale, au moment du vote sur la question, l’unanimité n’a pas été atteinte. Le projet de loi 52 a été voté par 94 députés, mais 22 se sont prononcés contre. « L’avantage majeur de cette loi est d’avoir forcé le débat public autour de cette question et d’avoir permis d’en arriver à ce qui me paraît être un consensus social », mentionne le Dr Robert.De toute façon, voici un domaine pour lequel le CMQ ne s’attend pas à des listes d’attente. « Les gens s’imaginent que demain matin on va commencer à tuer des centaines de personnes par jour ! Au contraire, si on a une centaine de personnes par année, ce sera un maximum, assure le Dr Robert. En raison des conditions imposées par la loi, cela restera exceptionnel. » Et de fait, non seulement faudra-t-il se trouver dans la dernière phase d’une maladie terminale, mais il faudra aussi qu’il y ait une douleur qui ne soit pas traitable par les moyens usuels, ce qui est rare.Pour lui, au-delà de l’introduction d’un outil thérapeutique, qui sera somme toute peu utilisé, et d’un cadre légal qui permet de contrôler les dérives, le projet de loi 52 a l’avantage de créer une « certaine obligation » à parler de l’aide médicale à mourir et à demander l’opinion des patients à ce sujet. C’est d’ailleurs le principal impact qu’on a pu noter dans les pays qui ont légalisé cette pratique. Les intervenants constatent en effet qu’on en parle beaucoup plus qu’on ne l’utilise. Liberté de conscienceUn médecin peut refuser d’administrer l’aide médicale à mourir en raison de ses convictions personnelles. Il doit alors s’assurer de la continuité des soins offerts à la personne concernée, conformément à ce qui est prévu à son code de déontologie et à la volonté de cette dernière. Il doit aussi aviser le plus tôt possible le directeur général de l’établissement de santé, qui fera les démarches afin de trouver un autre médecin pour traiter la demande d’aide médicale à mourir.Source : http://www.soinsdefindevie.gouv.qc.ca

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