L’INESSS actualise son outil clinique sur l’allergie présumée aux pénicillines

Le surdiagnostic de l’allergie à la pénicilline a des conséquences non négligeables et demeure un enjeu crucial: près de 10% des Québécoises et Québécois portent cette étiquette, alors que moins de 10% d’entre eux sont réellement allergiques. Ces patients se voient ainsi prescrire des antibiotiques de substitution plus coûteux, moins efficaces et souvent à large spectre, ce qui contribue au développement de résistances bactériennes et à l’augmentation des effets indésirables, notamment les infections à Clostridioides difficile. Comme le soulignait déjà une équipe du CHU de Québec – Université Laval en 2024, «des milliers de Québécois reçoivent des antibiotiques alternatifs alors qu’un simple test de provocation orale suffirait à démontrer qu’ils tolèrent bien la pénicilline».La première mouture de l’outil clinique de l’INESSS remontait à 2017. Or, les données scientifiques publiées depuis ont transformé les pratiques. On sait désormais que la majorité des réactions attribuées aux pénicillines sont bénignes, de nature para-infectieuse plutôt qu’allergique, et disparaissent souvent spontanément avec le temps. L'Institut a donc révisé son outil pour l’adapter aux connaissances actuelles et harmoniser la pratique québécoise avec les principes d’antibiogouvernance.La mise à jour de l’outil, publiée en août 2025 (et téléchargeable en bas de page au format PDF), propose une démarche en huit étapes pour guider l’évaluation d’une allergie soupçonnée aux pénicillines. Trois axes structurent la stratification du risque.Véritable allergie: déterminée par l’anamnèse et des règles cliniques comme PEN-FAST ou le nouveau critère 1-1-1, utile pour repérer les réactions immédiates possiblement allergiques. À savoir: réaction apparue en moins d’une (1) heure suivant l'administration de la première (1) dose d’un traitement de pénicilline et disparue en moins d’une (1) journée.Risque de récidive: classé en faible, modéré ou élevé selon la sévérité et le délai écoulé depuis la réaction. Le seuil de référence est passé de 10 à 5 ans, reflétant une compréhension plus fine de l’évolution du risque.Réactions croisées: confirmées comme rares avec les céphalosporines différentes et les carbapénèmes (moins de 1% des cas), mais plus fréquentes avec des molécules partageant une structure similaire (10 à 15%).Autre changement important: le test de provocation orale, sans test cutané préalable, devient l’approche privilégiée chez les patients à faible risque. Cette orientation reflète les résultats de l’étude québécoise publiée en 2024, qui démontrait que les tests cutanés avaient une valeur prédictive très faible (3,6%) et identifiaient à tort de nombreux patients comme allergiques.À lire aussi: Les allergies à la pénicilline sont surdiagnostiquées au QuébecDes conséquences concrètes pour la pratiqueAvec cette mise à jour, les médecins de famille, les pharmaciens et autres cliniciens disposent d’un outil simplifié et validé pour ajuster leurs décisions. L’étiquette d’allergie peut être retirée dans de nombreux cas après réévaluation, ouvrant la voie à l’utilisation sécuritaire des bêta-lactamines. Les modalités de réadministration d’une pénicilline sont précisées selon le profil de risque, et les situations nécessitant une référence en allergologie sont clarifiées.Mais des défis persistent. Le rapport de l’INESSS en soutien à son outil clinique souligne l’absence d’intégration des données allergiques dans le Dossier santé Québec, ce qui complique le partage d’information entre professionnels. Le recours limité aux formulaires de déclaration normalisés contribue aussi à maintenir des dossiers incomplets. Enfin, l’accès restreint aux services d’allergologie dans plusieurs régions demeure un frein à la prise en charge optimale.Lire aussi: Antibiotiques: ces allergies chez les enfants qui n'en sont pas réellementQuoi qu’il en soit, pour les patients, une réévaluation peut faire toute la différence: moins d’effets indésirables, de meilleurs résultats cliniques et une réduction de la mortalité en cas d’hospitalisation. Pour le système de santé, c’est un gain en efficacité et en sécurité. Comme le rappelait le Dr Jean-Philippe Drolet, allergologue au CHU de Québec, «des nouvelles allergies à la pénicilline, on n’en voit presque plus depuis 20 ans». L’actualisation de l’outil de l’INESSS vise précisément à aider les cliniciens à transformer cette réalité en pratiques courantes.

L’INESSS actualise son outil clinique sur l’allergie présumée aux pénicillines

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes