Les va-et-vient entre réseau public et secteur privé se poursuivent

Quelque 74 médecins ont été autorisés par Santé Québec à se désaffilier de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) depuis l’adoption de la loi 83, dont l’un des objectifs était justement de mettre un frein aux allers-retours effectués par des cliniciens entre le réseau public et le secteur privé. La plupart de ces autorisations ont été données «pour de courtes périodes, par exemple une semaine», indique la société d’État en précisant qu’à ce jour, «aucune demande de désaffiliation permanente n’a été acceptée».Dans le détail, Santé Québec rapporte avoir reçu, en date du 27 mai, un total de 157 demandes de désaffiliation, soit «le volume anticipé»: 129 provenaient de médecins spécialistes et 28 d’omnipraticiens. Après analyse, 72 spécialistes ont été autorisés à rejoindre le privé pour une durée temporaire, les dossiers des 57 autres étant en cours d’examen. Parmi les médecins de famille demandeurs, seuls deux ont été autorisés à quitter momentanément le réseau public; six ont reçu un préavis de refus; les 20 demandes restantes étant encore à l’étude.La loi 83 visait à favoriser «l’exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux». Lors de son adoption, le 24 avril dernier, le ministre de la Santé Christian Dubé indiquait que ladite loi mettait en place des barrières dans le but de «freiner l’exode vers le privé et (de) baliser les allers-retours des médecins entre le public et le privé». Pour ce faire, il précisait qu’un régime d’autorisation serait géré par Santé Québec à qui reviendrait la responsabilité d’évaluer les demandes des médecins désirant travailler au privé, notamment celles des «150 médecins, dont 145 spécialistes, qui ont alterné dans la dernière année entre le réseau privé et public».Chez Santé Québec, on explique que la loi 83 n’interdit pas les allers-retours entre le public et le privé. Elle fixe cependant des critères précis auxquels doivent satisfaire les demandes de désaffiliation de la RAMQ formulées par les médecins.Par courriel, la Société d’État explique ainsi que ses «actions sont guidées par quatre grands critères». À savoir: «l’impact que pourrait avoir l’autorisation sur la qualité et l’accessibilité des soins dans cette région; la capacité du médecin à contribuer à l’amélioration des services médicaux dans le réseau public; nous pouvons aussi considérer le nombre de médecins non participants dans la région sociosanitaire concernée, et l’impact potentiel sur l’uniformité des services médicaux assurés; le fait que le médecin n’était pas le seul médecin à dispenser un service assuré dans la région.»Lire aussi: Le CMQ estime que le projet de loi 83 ne va pas assez loinDes bris de couverture en orthopédieSelon des informations colligées par Profession Santé auprès de la RAMQ et de la Fédération des médecins de pratique privée du Québec (FMPPQ), pas moins de huit chirurgiens orthopédiques figurent parmi les 72 spécialistes autorisés par Santé Québec à exercer temporairement au privé. À ces huit-là s’ajoutent treize autres orthopédistes de la région de Montréal «qui sont restés au privé en raison de l’adoption de la loi 83. Ils hésitent à retourner dans le réseau public, car ils craignent de ne plus pouvoir en repartir», indique le président de la FMPPQ, le Dr Pascal-André Vendittoli. Lui-même orthopédiste, il ajoute que «la loi 83 les a forcés à quitter le système public alors que l’offre de service est déficiente. Cela a eu pour effet de causer des bris de couverture de garde dans des hôpitaux majeurs de Montréal».Cette situation en orthopédie a été bel et bien évaluée par Santé Québec qui explique que «l’impact sur la qualité et l’accessibilité des soins assurables dans les régions concernées est pris en considération dans nos décisions». Du côté du ministre de la Santé, on ne semble pas craindre que les autorisations délivrées par Santé Québec engendrent des conséquences négatives pour les patients en attente d’une chirurgie orthopédique dans le réseau public. Dans un courriel transmis à Profession Santé, le cabinet de Christian Dubé rappelle en préambule que «nous devions agir pour freiner l’exode des médecins vers le réseau privé aux dépens des patients» et que «jusqu’à très récemment, les médecins devaient simplement informer la RAMQ, sans devoir obtenir aucune autorisation au préalable. C’est pourquoi nous avons mis en place des critères précis pour nous assurer que ceux qui désirent travailler au privé obtiennent une autorisation seulement si cela n’a pas d’impacts négatifs sur les patients au public. C’est ce que Santé Québec a appliqué en autorisant seulement certaines demandes, et ce, pour une période très limitée.»Lire aussi: Loi 83: l’heure de la contestation n’a pas (encore) sonnéBesoin de prévisibilitéMalgré les autorisations temporaires accordées jusqu’ici par Santé Québec, le Dr Vendittoli reste dubitatif. «Qu’en sera-t-il quand ces médecins présenteront dans quelque temps une deuxième demande? Il y a un doute qu’ils obtiennent de nouveau l’autorisation de Santé Québec. Donc ils ne peuvent rien planifier.» Le président de la FMPPQ appelle ainsi à une clarification des critères considérés par la société d’État. Selon lui, elle dispose d’un «pouvoir discrétionnaire excessif qui ouvre la porte à des décisions arbitraires et à une imprévisibilité inédite dans la planification professionnelle des médecins.» L’orthopédiste rapporte que la FMPPQ a écrit en ce sens à Santé Québec. Pour lui demander de préciser davantage les critères d’application de la loi 83, mais aussi pour lui «proposer des modalités de fonctionnement qui simplifieraient les entrées et les sorties en tant que médecins participants à la RAMQ». Affaire à suivre. En attendant, Santé Québec indique à Profession Santé que des travaux sont en cours afin d’«identifier les indicateurs qui nous permettent de prendre les décisions, en fonction des critères établis dans la loi.»

Les va-et-vient entre réseau public et secteur privé se poursuivent

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes