Les tempêtes de neige sont plus dangereuses pour la santé cardiaque des hommes

Après de fortes tempêtes de neige, l’incidence d’infarctus du myocarde (IM) et de mort subite d’origine cardiaque (MSC) augmente, notamment chez les hommes1. Si la littérature scientifique attribue souvent cette incidence accrue à la baisse des températures2, de nouvelles recherches suggèrent qu’une activité spécifique à cette période pourrait représenter un facteur de décès encore plus important: le pelletage de la neige. Le pelletage a en effet été associé à des symptômes angineux chez les personnes atteintes de maladie cardiovasculaire (MCV), qui se manifestent par une diminution de la fréquence cardiaque ou de la pression artérielle systolique (PAS). Des arythmies ventriculaires, une rupture de la plaque coronaire et un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST ont également été signalés lors de la pratique de cette activité. L'American Heart Association a même répertorié le pelletage parmi les activités couramment associées à des accidents cardiaques aigus et a lancé des campagnes de sensibilisation afin d'informer le public des risques associés.Près d’une tonne de neige soulevée en 10 minutes de pelletageL’équipe du Dr Barry A. Franklin, directeur de la Cardiologie préventive et de la Réadaptation cardiaque au Corewell Health William Beaumont University Hospital de Royal Oak (Michigan), rappelle ainsi, dans un article publié récemment3 dans la revue Perspectives and Controversies de la Mayo Clinic Proceedings, les conclusions de leurs précédentes recherches sur le sujet. À travers deux études, les chercheurs ont cherché à savoir quelles étaient les exigences aérobiques et cardiaques du déneigement chez des hommes apparemment en bonne santé, ainsi que les risques liés au sexe chez les adultes d'âge moyen et plus âgés. À lire aussi: Des combinaisons spécifiques de maladies chroniques associées à une hausse des hospitalisations et des décès en hiverPour la première étude4, de petite envergure, ils ont surveillé la fréquence cardiaque (FC), la PAS et produit vitesse-pression (mm Hg x battements/min x 10) et mesuré directement la consommation d'oxygène, exprimée en équivalents métaboliques (METs; 1 MET = 3,5 mL d'oxygène par kilogramme par minute) pendant 10 minutes de déneigement manuel (pelletage) et automatisé (souffleuse électrique) chez 10 hommes apparemment en bonne santé âgés de 32,4 ± 2,1 ans. L’équipe du Dr Franklin a observé cinq résultats majeurs:La consommation moyenne d'oxygène pendant le pelletage de la neige était de 5,7±0,8 MET. Ce coût aérobie était inférieur de 39% à la consommation d'oxygène mesurée pendant le test maximal sur tapis roulant (9,3±1,8 MET). En revanche, le coût énergétique du déneigement automatisé était en moyenne de 2,4±0,7 MET.Pendant le pelletage, les valeurs moyennes les plus élevées de la FC, de la PAS et du produit taux-pression des participants étaient respectivement de 175±15 battements/min, 198±17 mm Hg, et 342±34 mm Hg x battements/min x 10. Des valeurs comparables ou supérieures aux valeurs maximales atteintes par les mêmes participants au cours d'un test progressif sur tapis roulant jusqu'à la fatigue volontaire. Les réponses hémodynamiques moyennes SD étaient considérablement plus faibles pendant le déneigement automatisé: 124±18 battements/min; 161±14 mm Hg; et 200±32 mm Hg x battements/min x 10.Après seulement deux minutes de pelletage, la FC dépassait généralement la limite supérieure (85% de la FCmax) couramment prescrite pour l'entraînement d'endurance. Après 10 minutes de pelletage, la FC était en moyenne de 97%±9% de la FC maximale atteinte pendant le test d'exercice sur tapis roulant.Le pourcentage de la réponse maximale de la FC pendant le pelletage était inversement lié au pic de MET directement mesuré pendant le test sur tapis roulant (r=0,65; P=,05). Deux participants ayant la condition physique la plus faible, 7,1 et 8,1 MET, ont atteint 107% et 112% de la FCmax pendant le pelletage. En revanche, l'un des participants les plus en forme (11,9 MET) n'a atteint que 84% de la FCmax pendant le déneigement manuel.Enfin, pendant les 10 minutes de pelletage, le participant moyen a soulevé et jeté près d'une tonne de neige (12 levées/minute x 16 livres/levée x 10 minutes = 1920 livres).L’inactivité physique et le surpoids, deux facteurs de risque importantsPour sa deuxième étude5, l’équipe de recherche a examiné rétrospectivement 158 dossiers d’admission de patients reçus au service de traitement des douleurs thoraciques des urgences du Corewell Health William Beaumont University Hospital, à partir du 2 janvier 1999 – date à laquelle la ville de Détroit a connu une importante chute de neige – et pendant les 12 jours suivants, période pendant laquelle une quantité inhabituellement élevée de neige lourde et humide a été observée. Pendant cette période, l’équipe a identifié 20 cas d’infarctus aigus, dont cinq avaient subi un infarctus pendant ou peu après le déneigement (tous des hommes, âgés de 55 à 77 ans). Parmi ces cinq hommes, deux utilisaient une souffleuse automatique, et les trois autres pelletaient. «Quatre des cinq patients ont eu un accident cardiaque entre 6 et 8 heures du matin, un moment de la journée associé à un risque déjà élevé d'infarctus aigu. Les cinq patients ont subi une revascularisation coronarienne percutanée avec pose de stent et sont sortis de l'hôpital dans les cinq jours suivants», notent les auteurs. Le principal facteur de risque coronarien de la cohorte était l’inactivité physique (chez les cinq hommes), suivi de l’obésité (chez quatre patients, le dernier étant en surpoids). Les chercheurs soulignent aussi les antécédents médicaux des patients parmi lesquels un infarctus du myocarde antérieur, une angioplastie coronaire transluminale percutanée antérieure, des antécédents familiaux de MCV, une hypertension systémique, une hypercholestérolémie et le tabagisme. À lire aussi: Travailler en position assise: comment réduire les risques sur la santé?Le Dr Franklin et son équipe ont par ailleurs examiné les dossiers des médecins légistes de trois comtés avant, pendant et après deux chutes de neige importantes survenues dans la région de Détroit. Parmi les 271 personnes ayant subi des MSC en raison d'une MCV athérosclérotique, 36 personnes (33 hommes, 3 femmes) travaillaient au déneigement manuel (n=32) ou automatisé (n=4), ce qui représente le plus grand nombre de décès liés à l'effort après des chutes de neige importantes rapporté à ce jour. «Le plus grand nombre de décès est survenu chez les hommes, mais cela peut refléter une plus grande participation des hommes au déneigement que des femmes ou des différences entre les sexes en termes d'âge, de profils de facteurs de risque, de prévalence de MCV sous-jacentes ou de combinaisons de ces facteurs», précisent les auteurs. «La tempête parfaite»Selon les chercheurs, cinq facteurs peuvent contribuer au déséquilibre potentiel entre l’apport et la demande en oxygène du myocarde pendant le pelletage de la neige: la fréquence cardiaque et de la pression artérielle systolique plus élevées pendant l'effort au niveau des bras que pendant l'effort au niveau des jambes, ce qui augmente la demande en oxygène du cœur;le fait de travailler en position verticale alors que les jambes sont pratiquement immobiles, ce qui entraîne une accumulation de sang dans les extrémités inférieures et une diminution du retour veineux;la superposition d'un effort isométrique (statique);l'effort expiratoire (manœuvre de Valsalva);l'inhalation et l'exposition à l'air froid, qui peuvent augmenter la résistance vasculaire périphérique et exacerber la réponse de la pression artérielle à l'effort tout en provoquant une vasoconstriction coronarienne, en particulier dans les artères athérosclérotiques.«Ces facteurs peuvent augmenter de manière disproportionnée la demande en oxygène du myocarde et diminuer simultanément le flux coronaire, ce qui entraîne une ischémie myocardique, des arythmies ventriculaires, un infarctus aigu du myocarde et un décès par hémorragie cérébrale – en substance, la “tempête parfaite”», expliquent les auteurs.L’intensité ressentie de cette activité est trompeuse, poursuivent les chercheurs, et les signaux d’alerte du surmenage, comme la transpiration et l’essoufflement, souvent absents. De plus, un effort physique vigoureux, en particulier lorsqu'il n'est pas habituel, augmente le risque d'IM ou de MSC chez les adultes d'âge moyen ou plus âgés souffrant d'une cardiopathie connue ou non.L’équipe du Dr Franklin recommande ainsi aux praticiens d’avertir leurs patients présentant un risque de MCV ou leurs patients sédentaires présentant des MCV connues des risques cardiaques associés au pelletage. Les patients sont aussi encouragés à apposer une étiquette sur leur pelle à neige, mentionnant ce message :AVERTISSEMENTL'utilisation de cet instrument pour le déneigement peut déclencher des événements cardiaques aigus.Références:Auger N, Potter BJ, et coll. Association between quantity and duration of snowfall and risk of myocardial infarction. CMAJ Feb 2017, 189 (6) E235-E242; DOI: 10.1503/cmaj.161064Gan WQ, Henderson SB, Mckee G, et coll. Snowfall, Temperature, and the Risk of Death From Myocardial Infarction: A Case-Crossover Study. Am Journ of Epid, Aug 2020, 189 (8) Pages 832–840; https://doi.org/10.1093/aje/kwaa029Franklin, BA. et coll. Major Snowstorms: An Underappreciated Trigger of Acute Cardiac Events in Men. Persp and Controv, Mayo Clinic Proceedings. Feb 2025. DOI: 10.1016/j.mayocp.2025.01.005Franklin BA, Hogan P, Bonzheim K, et coll. Cardiac Demands of Heavy Snow Shoveling. JAMA. 1995;273(11):880–882. doi:10.1001/jama.1995.03520350062030Franklin BA, et coll. Acute myocardial infarction after manual or automated snow removal. Am Journ of Cardio, Jan 2001, 87, (11), 1282-1283; DOI: 10.1016/S0002-9149(01)01520-X

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