Les Jeux mondiaux de la médecine, ou la santé par l’exemple

Imaginez une église abbatiale du 13e siècle convertie en musée archéologique. Bienvenue au monastère de Minoriten, à Wels, en Autriche, qui abrite, sous le regard des anges, le quartier général des 35es Jeux mondiaux de la médecine et de la santé (21-28 juin 2014).Les Jeux, qui existent depuis 1978, ont leurs rituels. En ouverture, l’hymne officiel du pays d’accueil, celui d’Autriche reprenant la mélodie, processionnelle, de la musique maçonnique de Mozart. À la cérémonie de clôture, quelque 1500 médailles plus tard, celui de l’Irlande convoquera les sportifs à Limerick, pour les 36es Jeux mondiaux de juillet 2015.La famille élargie des professions de la santé s’est retrouvée à Wels pour des compétitions d’amateurs dans 22 sports, individuels et d’équipe (35 pays représentés).Les Jeux mondiaux, qui allient plaisir, sport et tourisme, se veulent exemplaires à triple titre.Comme antidote aux fièvres nationalistes. « Nous avons repris l’esprit des Jeux olympiques, mais avec l’idée de les épurer de tout sentiment nationaliste », précise à L’actualité médicale Liliane Laplaine-Monthéart, présidente fondatrice des Jeux mondiaux, qu’elle a créés lorsqu’elle était rédactrice en chef du journal Le Quotidien du médecin. Les sports se suivent par ordre alphabétique dans le défilé d’ouverture, rassemblant leurs adeptes par affinité, non par pays.Comme valeur d’exemplarité et de crédibilité. La manifestation sportive est un exemple probant de mise en forme, de santé et de bien-être affiché à la face du monde par ceux-là mêmes qui ont pour mission de garder les gens en bonne santé.Comme modèle d’interdisciplinarité. Appartenir à une profession de la santé constitue le dénominateur commun. L’ouverture progressive aux professionnels autres que médecins a cependant suscité bien des débats, raconte la fondatrice. « On avait le choix de mourir entre médecins ou de s’ouvrir aux autres », m’a dit sans ambages un vétéran des Jeux. Recrutement oblige, on s’est ouvert aux autres.« L’esprit médical est d’habitude plutôt fermé, segmenté, hiérarchique. Mais sur la ligne de départ, tout le monde est à égalité, quelle que soit sa profession », dit à L’actualité médicale Pierre Chicco, directeur des sports aux Jeux mondiaux.Médecins québécoisC'est dans ce contexte de compétition plutôt amicale que nous avons rencontré les quatre médecins québécois présents aux 35es Jeux (p. 18). Parmi eux, le Dr Andras Korpassy, psychiatre à Montréal. « À mes patients, je conseille l’activité physique, quelle qu’elle soit, pour la prévention, pour contribuer à éviter une rechute, etc. Ils m’écoutent, parce qu’ils savent que je suis moi-même un sportif acharné », dit celui qui a remporté sept médailles en natation.Le sport est aussi un excellent outil de connaissance de soi et de ses limites, poursuit-il. « Le sport solitaire, individuel, est bon pour qui cherche le high et la detox. Mais pratiquer un sport d’équipe offre un degré supplémentaire de protection psychologique. L’équipe te félicite dans la victoire, te soutient dans la défaite, te conseille, t’encourage. »Lors d’un symposium, on a indiqué que l’accoutumance positive et modérée à un sport combat la dépression, améliore l’humeur et stimule la fonction cognitive (mémoire, apprentissage). La course à pied, par exemple, est euphorisante, anxiolytique, antalgique.On a aussi abordé la dépression chez les sportifs de haut niveau, une dépression parfois sans objet, qui s’accompagne d’un travail de deuil à faire, du genre « Je ne serai plus champion ». Mais ce deuil vaut aussi pour tous, a-t-on ajouté : « Je n’aurai plus jamais 20 ans ! » C’est là une préoccupation de gens vieillissants (46 ans, âge moyen des sportifs aux Jeux) qui cherchent à conserver leur énergie tout en composant avec le déclin du corps. Maintenir un fonctionnement corporel équilibré contribue à l’équilibre émotionnel et nourrit la performance.Un consensus s’est par ailleurs fait jour autour de l’ennemi commun, la sédentarité. La position assise prolongée raccourcit l’espérance de vie; bouger contribue à un meilleur moral, accroît la résistance au stress, permet une meilleure récupération et assure une grande stabilité émotionnelle, énonçaient ces mêmes conférenciers que je croisais peu après dans les diverses épreuves sportives.Montréal a accueilli les Jeux mondiaux en 1989. Reviendront-ils au Québec ? « D’ici cinq ans, on oublie ça. Le prix du billet d’avion pour traverser l’Atlantique, c’est le principal frein; mais ça peut changer », répond Pierre Lusinchi, président de Corporate Sport Organisation, promoteur des Jeux. Les Européens, qui forment le gros des troupes aux Jeux, se ressentent encore de la crise économique de 2008, selon lui. « En Europe, les professions libérales (médecins, dentistes, kinés, pharmaciens d’officine) se sont paupérisées. L’impôt est lourd pour elles. »Certains des médecins québécois rencontrés à Wels se préparent pour 2015. Les jeux continueront d’attirer, selon Pierre Chicco, « les accros au sport et à la médaille » et ceux qui, tout en aimant leur discipline, y voient aussi une occasion d’échanges, alliant sport et plaisir.

Les Jeux mondiaux de la médecine, ou la santé par l’exemple

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