Les fameuses sorties d'hôpital...

Les sorties de l'hôpital sont une source constante de frustration pour les pharmaciens. Le collègue Denis Roy le soulignait encore dans le deuxième billet de sa série «D’abord, ne pas nuire».Le manque de fluidité de l'information est certainement l’une des causes les plus importantes à ce problème de continuité des soins.Une petite mise en perspective peut aider à comprendre... sans toutefois permettre de résoudre le problème.Tout d'abord, les sorties d'hôpital sont une source de frustration pour tous les pharmaciens, incluant les pharmaciens d'établissement. Les congés donnés aux patients le sont souvent après la tournée médicale ou au retour d'un examen. Bien souvent, le dossier papier (eh oui, il y a encore des dossiers physiques dans nos hôpitaux) de chaque patient fait la tournée avec l'équipe médicale, et ce n'est qu'à la fin de cette tournée que le dossier est retourné au poste des infirmières. Souvent en fin d'avant-midi, ou même plus tard. Parfois, le médecin ou l'équipe médicale avise qu'il y a un congé, parfois pas.Tous les dossiers s'empilent au poste des infirmière en attendant leur tour, que l'infirmière révise les nouvelles ordonnances de médicaments, traitements, examens et... congés! Ça aussi, ça prend du temps, et c’est pire si cela survient sur l'heure du dîner, lorsque les effectifs sont un peu réduits.Si le congé est autorisé, l'infirmière va réunir les documents, tenter d'organiser les soins à domicile si requis, et le transport du patient qui, bien souvent, dépend de sa famille ou d’un transport adapté. Très souvent, la famille ne répond pas immédiatement, ou n'est pas immédiatement disponible.Dans certains établissements, les ordonnances seront faxées/transmises à la pharmacie communautaire... dans l'état où elle a été rédigée. Parfois, elle n'a pas été rédigée et quelqu'un court après...Inutile de préciser que nous sommes alors rendus en fin d'après-midi. Aucune surprise donc à ce que les départs de l'hôpital arrivent tardivement en pharmacie.Lire aussi: D'abord, ne pas nuire (1 de ...)Il faut aussi savoir que dans certains hôpitaux, un gestionnaire réévalue les patients qui peuvent quitter lorsque l'hôpital déborde de partout. Ce gestionnaire met de la pression sur tout le monde pour libérer un patient. Quelquefois ça va vite.. très (trop) vite. Lorsque cela survient, personne n'est de bonne humeur.Pendant longtemps, les pharmaciens d'établissement ont tenté de voir les patients afin de prodiguer des conseils de départ. Plus souvent qu'autrement, les pharmaciens se présentaient pour constater que le patient avait déjà quitté. De toute façon, le moment du départ n'est pas un moment optimal pour prodiguer des conseils.Avec le déploiement de plus en plus de services cliniques en pharmacie dans nos hôpitaux, et une absence de croissance des effectifs, les conseils à la sortie d’hôpital ont été de plus en plus abandonnés. Certains départements de pharmacie hospitaliers s'impliquent dans la préparation des ordonnances de départ pour réduire les erreurs, les omissions et les délais. Sur le total des patients hospitalisés au Québec, c'est vraisemblablement une minorité qui bénéficie de cette expertise. Ce serait souhaitable que toutes les ordonnances de départ soient rédigées par un pharmacien, mais les effectifs pour ce faire ne sont simplement pas là.Bref, la planification des départs n'est pas la force du réseau hospitalier pour plein de bonnes et de mauvaises raisons.Pourquoi l'hôpital ne fournit pas les médicaments au départ pour faciliter le retour à la maison? Ça serait génial, non? Encore ici, toute bonne idée frappe le mur de la réalité. A priori, les grands établissements ont des systèmes de distribution unidose et les médicaments sont servis pour une période de 24 heures. Alors, la quantité de médicaments du patient disponible à l'étage est donc insuffisante pour son départ. Il faudrait alors réapprovisionner via la pharmacie, ce qui nécessiterait de la planification et ajouterait des délais. Pire, un système unidose s'adresse au personnel infirmier et l'étiquetage est peu adapté pour assurer l'usage approprié par un patient. Sans compter que, malheureusement, encore en 2025, il y a encore des médicaments qui sont au commun et qui ne sont pas servis par la pharmacie. Oubliez l'étiquetage et la vérification par un pharmacien. On pourrait même jaser s'il ne s'agit pas d'une forme d'exercice illégal de la pharmacie par d'autres membres du personnel…Pour les plus petits établissements, il est possible que les médicaments soient servis en vials pour quelques jours. Déjà, ça semble plus facile! Il faut voir les étiquettes générées par le logiciel de pharmacie d'hôpital! Encore ici, elles s’adressent au personnel infirmier et me semblent beaucoup moins adaptées pour être compréhensibles pour la majorité des patients. Le simple changement de police d’impression et de disposition de l’information est suffisant pour en mélanger plusieurs. Il faudrait valider leur compréhension, ce qui constitue une étape de plus. Et n'oublions pas que les médicaments au commun demeurent une réalité dans ces cas aussi.Lire aussi: Arrêtez tout ce ciné...Toute cette réalité n'a de sens que s'il n'y a aucun changement dans les ordonnances au départ. Ça semble illogique de changer des médicaments à la sortie d’hôpital d'un patient, mais, croyez-moi, ça arrive...Enfin, et personne ne sera surpris, lorsqu’un patient quitte l’hôpital, il n’est plus sous la responsabilité de l’hôpital ni… de son budget. Lors de l’instauration de l’assurance-médicaments, le gouvernement a souhaité que les médicaments utilisés en milieu ambulatoire soient couverts par la RAMQ ou par un assureur privé. Il n’y a aucun budget pour cela dans nos établissements. Et vous voyez les nouvelles comme moi: les hôpitaux ne nagent pas dans des surplus budgétaires. Ils souffrent de profonds déficits. Dans les faits, le budget de la pharmacie progresse plus rapidement que les autres coûts des établissements. Cela fait en sorte que le budget médicaments est parmi les plus déficitaires. Bref, pas facile sur ce front non plus.Après ce tour d’horizon somme toute peu glorieux de notre réseau hospitalier, nous sommes à même de constater que la gestion des sorties d’hôpital est complexe et lourde, et encore plus en ce qui concerne les médicaments. Tout le monde, surtout les patients, sont pris en otage à ce moment charnière.Comme pharmaciens, nous faisons tous ensemble ce constat. La solution n'est pas simple.Heureusement, certains départs sont planifiés à l’avance et tout est prêt le moment venu. Un modèle à suivre et pour lequel on peut continuer de rêver qu'il soit un jour la norme.