Le scrolling à la toilette, une mauvaise habitude aux conséquences anorectales

Avez-vous déjà sorti machinalement votre téléphone intelligent en vous asseyant sur la toilette? Si oui, vous êtes loin d’être seul. Et pourtant, ce geste banal pourrait suffire à transformer un passage de quelques minutes en une séance prolongée à la salle de bains, lourde de conséquences pour la santé anorectale. C’est ce que montre une étude publiée dans la revue PLOS One par une équipe du Beth Israel Deaconess Medical Center (BIDMC), à Boston, et de la Harvard Medical School.Les hémorroïdes constituent la troisième cause de consultation gastro-intestinale aux États-Unis, générant près de 4 millions de consultations par an et plus de 800 millions de dollars de dépenses de santé. Plus fréquentes que le cancer colorectal ou le syndrome de l’intestin irritable, elles demeurent pourtant mal comprises. La constipation, le faible apport en fibres, la grossesse et l’obésité figurent parmi les facteurs connus, mais l’impact du temps passé assis aux toilettes n’avait jamais été mesuré scientifiquement. «Malgré l’observation anecdotique, aucune analyse multivariée n’avait établi de lien entre l’utilisation du téléphone intelligent et les hémorroïdes», indiquent les auteurs.À lire aussi: L'utilisation problématique du téléphone intelligent ressemble à une dépendanceEntre août et décembre 2024, 125 adultes de 45 ans et plus, recrutés lors d’une coloscopie de dépistage, ont rempli un questionnaire sur leurs habitudes aux toilettes, leur alimentation, leur activité physique et leurs symptômes gastro-intestinaux. La présence d’hémorroïdes a été confirmée par coloscopie, avec relecture indépendante d’images pour valider le diagnostic. Les chercheurs ont ensuite mené une analyse multivariée, ajustant les résultats pour l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle (IMC), l’activité physique, l’apport en fibres et les poussées à la défécation.Deux chiffres retiennent l’attention. Quelque 66% des participants déclaraient utiliser leur téléphone intelligent aux toilettes et 43% présentaient des hémorroïdes à la coloscopie. Les écarts de comportement sont frappants: 37,3% des usagers du téléphone restaient plus de cinq minutes par visite sur la cuvette, contre seulement 7,1% des non-usagers (p=0,006). Dans le détail, 24,1% des usagers restaient entre 6 et 10 minutes, 9,6% entre 11 et 15 minutes, et 3,6% plus de 15 minutes. Chez les non-usagers, ces durées prolongées étaient quasi inexistantes. «Nos données suggèrent que le temps passé sur la cuvette est un meilleur prédicteur d’hémorroïdes que les poussées à la défécation», soulignent les auteurs.À lire aussi: L'utilisation problématique du téléphone intelligent ressemble à une dépendanceL’analyse multivariée confirme en effet cette association. L'usage du téléphone aux toilettes accroît de 46% le risque d’hémorroïdes, soit un rapport des chances ajusté de 1,46 (IC à 95% 1,01–2,13; p=0,044). Les auteurs notent par ailleurs que l’âge joue un rôle. Les habitués du scrolling à la toilette sont plus jeunes (55,4 ans en moyenne contre 62,1 ans, p=0,001), ce qui illustre un changement générationnel dans les comportements.Cinq minutes maximumL’auteure principale de l’étude, la Dre Trisha Pasricha, observe que «le téléphone peut transformer un passage de routine en une séance prolongée qui met en péril la santé anorectale. Nos résultats fournissent une donnée objective pour appuyer un conseil de prévention simple: limiter le temps passé aux toilettes à moins de cinq minutes», recommande la gastro-entérologue au BIDMC.L’étude ouvre plusieurs avenues concrètes. D’abord, intégrer les habitudes technologiques dans l’anamnèse des patients: l’usage du téléphone pourrait devenir une question aussi pertinente que la consommation de fibres. Ensuite, promouvoir des stratégies pratiques: minuter le temps passé aux toilettes, éviter les sessions prolongées de lecture ou de navigation en ligne, privilégier l’évacuation rapide.Les auteurs rappellent aussi que «le téléphone intelligent s’inscrit dans un mode de vie plus sédentaire, potentiellement délétère à long terme». Dans leur étude, les usagers réguliers faisaient significativement moins d’exercice hebdomadaire que les non-usagers (p=0,017). De quoi renforcer l’hypothèse d’un profil plus inactif, cumulant les risques.Certes, cette recherche comporte des limites; design transversal, biais de rappel et échantillon restreint à des adultes de plus de 45 ans. Mais elle fournit une première preuve objective d’un lien souvent pressenti par les cliniciens. «Alors qu’il est généralement conseillé d’éviter de rester trop longtemps assis sur la toilette, nos résultats ajoutent une donnée concrète sur l’association avec les téléphones intelligents», concluent les auteurs.Référence:Ramprasad C, Wu C, Chang J, Rangan V, Iturrino J, et coll. Smartphone use on the toilet and the risk of hemorrhoids. PLOS One 20(9): e0329983. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0329983

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