Le CMQ et l’OIIQ lancent une action conjointe contre la clinique virtuelle Eden

Article mis à jour le 24/01/2025 avec les détails du rapport de la coroner.La clinique virtuelle privée Eden Telemed est-elle responsable du décès, le 8 février 2024, de Harish Chandra Bahuguna, un résident indien en visite au Québec, des complications d’une maladie cardiovasculaire? Sa prise en charge a en tout cas suffisamment inquiété la coroner Denise Fréchette, le Collège des médecins du Québec et l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour que ces derniers lancent une action conjointe «pour assurer la protection du public» et faire la lumière sur «la qualité de l’exercice et par le respect des normes professionnelles prévalant au sein de la clinique virtuelle Eden Telemed», a appris Profession Santé. La veille de son décès, l’homme âgé de 79 ans, assisté d'un membre de sa famille agissant comme interprète, a rencontré virtuellement un professionnel de santé de la clinique privée, en l'occurrence un infirmier praticien spécialisé (IPS). Motif de la consultation: une toux, une congestion nasale, des difficultés respiratoires et une sensation de pression thoracique. «Des explications ont été transmises à l'interprète au sujet des limites de la téléconsultation dont l'impossibilité d'effectuer un examen physique», précise le rapport de la coroner en date du 24 octobre 2024.L'homme souffrait par ailleurs de diabète et d’hypertension artérielle sous médication et il était bien contrôlé selon son médecin.À lire aussi: Ce que nous pouvons apprendre des rares cas où les soins virtuels aboutissent à un décès ou à un préjudice graveAprès avoir diagnostiqué une «bronchite exacerbée», l’IPS lui prescrit un antibiotique, des pompes à base de cortisone pour inhalation nasale et buccale, ainsi que des comprimés de cortisone. La veille de son décès, Mr Bahuguna a donc pris une dose d'antibiotique et une dose de chaque pompe. Il devait débuter la cortisone orale le lendemain matin. Or, la coroner souligne que, selon le responsable de la clinique virtuelle, «il revient à chaque professionnel visé par la demande de statuer si la téléconsultation est acceptable ou si le malade devrait consulter en présentiel dans une clinique.» En d'autres termes, «il n'y a donc pas d’évaluation de l’acte formelle faite par un tiers ou par un comité». Or, selon les principes généraux de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, une téléconsultation ne devrait pas être utilisée dans le cas de douleurs thoraciques et de difficultés respiratoires. Des principes pourtant reconnus par la clinique Eden elle-même. Dans les «Conditions d'utilisation» du site que Profession Santé a pu consulter, on peut lire: «Les symptômes suivants NE SONT PAS éligibles pour être traités par les Services de santé: douleurs thoraciques; difficulté à respirer».Publicité trompeuse et actes facturés illégalementOutre ce manquement, le journal La Presse a révélé que, dans ses publicités, la clinique laissait croire aux patients qu’ils allaient consulter un médecin, alors qu’ils étaient en réalité mis en relation avec une IPS. C’était le cas du proche de M. Bahuguna, qui tenait le rôle d'interprète lors de la consultation, note la coroner dans son rapport. «Le seul choix lorsqu'on clique pour obtenir une consultation est "parler au médecin" alors que la moitié des professionnels sont des IPS.»De plus, les médecins de la clinique, dont quatre sont toujours affiliés au régime public selon nos confrères (une information confirmée par la RAMQ), auraient illégalement facturé certains actes aux patients, contrevenant ainsi aux règles de la régie d’assurance maladie. Enfin, la clinique virtuelle Eden Telemed proposerait des téléconsultations pour des services non compatibles avec la télémédecine, comme la prise en charge des otites. À lire aussi: Réflexion sur la médecine générale privéeUn élément confirmé par le président de l’OIIQ, Luc Mathieu, dans un courriel adressé à Profession Santé: «en contexte de téléconsultation, certaines interventions ne peuvent être faites qu'en personne avec le patient, par exemple lorsqu’il est question de problèmes respiratoires, d’otites ou de douleurs thoraciques.»De son côté, le Dr Mauril Gaudreault, président du CMQ, estime que « les éléments soulevés par la coroner et La Presse sont très préoccupants» et rappelle que le Collège a «récemment réclamé que les soins privés existants et les entités tierces auxquelles les médecins peuvent s’associer soient plus rigoureusement régulés et encadrés par le gouvernement» – c'était notamment le cas à l'automne dernier, lors des auditions pour le projet de loi 67. Le président d’Eden Telemed sanctionné par l’OPQInterrogé par La Presse, le président et copropriétaire de la clinique virtuelle Eden Telemed, le pharmacien Jeremy Bitton, assure quant à lui que la mort de Harish Chandra Bahuguna est «un décès naturel», et que tous les médecins pratiquant au sein de la clinique sont «des médecins privés ou qui sont désaffiliés de la RAMQ». Également principal actionnaire de la pharmacie en ligne Online Pharma, le pharmacien a plaidé coupable, le 26 novembre 2024, de sept chefs d’accusation devant le comité de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ). Jeremy Bitton a notamment reconnu avoir gardé des produits périmés en stock, et avoir délivré de nombreuses ordonnances de médicaments sans avoir au préalable consulté les dossiers médicaux individuels et sans en connaître les utilisateurs finaux. Malgré ses excuses et les éléments de contexte fournis, le pharmacien risque une radiation temporaire, une limitation d’exercice en tant que propriétaire et 13 000$ d’amende, rapporte La Presse. Référence: Blais-Poulin C.-É. Eden Telemed, Une clinique virtuelle aux nombreux manquements. La Presse [en ligne] 14 janvier 2024 [cité le 23 janvier 2025]: [env. 8 p]. Disponible: https://www.lapresse.ca/actualites/sante/eden-telemed/une-clinique-virtuelle-aux-nombreux-manquements/2025-01-14/eden-telemed/des-inquietudes-face-a-la-prise-en-charge.php

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