L’APES annule son Grand Forum: «cette ère d’austérité ne va pas s’arrêter»

C’est un changement de ton pour le moins surprenant: jeudi 30 janvier, le ministre de la Santé Christian Dubé a rétropédalé sur les coupes nécessaires pour maintenir l’équilibre budgétaire dans le réseau de la santé. Au lieu de l’objectif «non négociable» d’éliminer le déficit annoncé en santé avec 1,5 milliard de dollars de coupes d’ici le 31 mars 2025 comme annoncé fin novembre, le ministre allège désormais la pression sur Santé Québec. L’agence doit ainsi «faire le meilleur travail possible» pour s’approcher de l’objectif de 1,5 milliard de dollars de coupes, et ce d’ici la fin de l’année. «On n’a pas demandé de couper 1,5 milliard en quatre mois», s’est défendu Christian Dubé face aux journalistes, selon La Presse Canadienne. Restrictions sur les formations éloignéesMalgré ces nouvelles déclarations, certaines conséquences de la rigueur budgétaire se font déjà sentir dans le réseau. L’Association des pharmaciens des établissements de santé (APES) se voit ainsi contrainte d’annuler son Grand Forum 2025, prévu les 20 et 21 mars prochains dans les Laurentides, au grand regret de sa directrice générale, Linda Vaillant. «Ça nous a vraiment déchiré le cœur.» Certains établissements ont, selon elle, décidé de ne plus autoriser les formations exigeant un déplacement et un hébergement jusqu’au 31 mars 2025. «Plusieurs équipes de pharmaciens se sont vues refuser l’inscription par leur établissement, et ont donc dû évaluer le coût financier que ce déplacement représentait pour elles.» Au lieu d’organiser un Grand Forum amputé d’une bonne partie de ses participants, l’APES a donc décidé d'y renoncer. «Nous aurions pu reporter l’événement au mois d’avril, mais cela impliquait que nos membres soient de nouveau disponibles. Les dates sont généralement fixées un an, un an et demi à l’avance pour qu’ils aient le temps de s’organiser», observe Linda Vaillant. «Ce qu’on entend aussi sur le terrain, c’est que cette ère d’austérité ne va pas s’arrêter au 31 mars.»L’association donne donc rendez-vous à ses membres au printemps 2026, pour un Grand Forum qui reprendra certaines des thématiques et des événements de l’édition annulée, intitulée «Sortir des sentiers battus». «C’était l’une des premières fois où nous avions bouclé tout le programme dès le début du mois de novembre, déplore la directrice générale de l’APES. On va essayer de voir si on peut offrir certaines des conférences prévues sous une autre forme.» Mais l’association ne compte pas baisser les bras sur ce dossier et évalue ses recours. «Techniquement, notre entente de travail prévoit que la formation doit être accordée aux pharmaciens d’établissement. Ça fait partie de nos droits, tout comme les frais qui y sont associés», rappelle Linda Vaillant. À lire aussi: La crise du dépannage en pharmacie d’établissementSilence radio au MSSS, reconnaissance chez Santé QuébecEt justement, l’association est en plein bras de fer avec le MSSS pour renégocier son entente, échue depuis bientôt deux ans. «Il faut qu’on se mette rapidement à table, car les pharmaciens en ont ras-le-bol, prévient la directrice générale. Nous avons de gros enjeux de pénurie, de manque d’attraction des jeunes dans le programme de maîtrise. C’est urgent.» Dans un communiqué diffusé le 16 janvier dernier, l’APES dénonçait un «manque de respect» de la part du ministre envers les 2000 pharmaciens d’établissement, et menaçait le gouvernement de recourir à «des moyens de pression» au cours des prochaines semaines. «Nous ne souhaitons pas en arriver là, mais s’il le faut, nous mettrons du sable dans l’engrenage pour être entendus. Nos membres ne se sentent pas considérés, et je les comprends», affirme Linda Vaillant. Seule éclaircie au tableau de l’APES, la création d’un poste de directeur ou directrice des médicaments, des soins et services pharmaceutiques au sein de Santé Québec. Une demande de longue date enfin entendue, se réjouit Linda Vaillant. «C’est une victoire pour la pharmacie dans son ensemble. Nous y voyons une reconnaissance, une écoute des demandes de toutes les organisations professionnelles.» À lire aussi: Montréal accueillera le 84e congrès mondial de la FIP«Nous étions persuadés qu’il fallait une personne pour coordonner les activités pharmaceutiques, car nos chefs de service gérer d’importantes problématiques opérationnelles dans un bateau sans gouvernail, souligne Linda Vaillant. Quand ils alertent le Ministère, on les oriente vers Santé Québec. Mais il n’y a personne pour leur répondre!» La collaboration avec les pharmaciens du secteur privé était notamment une demande des pharmaciens d’établissement. L’APES espère désormais compter le ou la nouvelle directrice parmi ses membres. «Santé Québec recherche un profil d’établissement qui connaisse aussi la pharmacie communautaire. Certains de nos pharmaciens gestionnaires pourraient être des choix stratégiques, avance la pharmacienne. On voudrait inciter nos membres à postuler. Mais est-ce que les conditions vont les intéresser? C’est une autre question.»

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