La saison des tiques bat son plein: êtes-vous prêts à conseiller vos patients en toute confiance?

Une femme s'approche du comptoir de la pharmacie, l'air fatigué et légèrement rouge. «Je crois que je fais une réaction allergique», dit-elle en soulevant légèrement sa manche pour révéler une large tache rougeâtre sous son bras. «Elle n'était pas là il y a quelques jours, et maintenant elle grossit. Je n'arrive pas à me débarrasser de cette grippe non plus; j'ai des maux de tête et des douleurs musculaires depuis trois jours, depuis mon retour de notre voyage sur l'île de Vancouver.»En vous penchant pour regarder de plus près, la forme de l'éruption attire votre attention: un cercle rond qui s'agrandit, avec une légère éclaircie au milieu.«Avez-vous passé du temps à l'extérieur récemment?», demandez-vous.La femme marque une pause. «Nous avons fait une randonnée près d'un lac pendant notre voyage, mais j'ai vérifié si j'avais des tiques après et je n'ai rien trouvé. Pourquoi cette question?»À lire aussi: Comment se protéger contre les tiques?Ce bref échange peut paraître banal, mais il est essentiel pour détecter de manière précoce quelque chose de bien plus grave: la maladie de Lyme. Dans bien des cas, le pharmacien est le premier professionnel de santé consulté par un patient, et savoir reconnaître des signes subtils comme ceux-ci pourrait faire toute la différence.La maladie de Lyme est endémique dans de nombreuses régions du Canada et des États-Unis, et des cas sont également apparus en Europe et en Asie. Depuis que la maladie de Lyme est devenue une zoonose à déclaration obligatoire en 2009, le nombre de cas a considérablement augmenté et on suppose que les chiffres réels sont bien plus élevés que ce que l'on pense, car de nombreux cas ne sont toujours pas déclarés.Dans cet article, nous aborderons le mécanisme de transmission de la maladie de Lyme, les différentes manifestations cliniques de la maladie, des conseils clés pour la prévenir et le moment opportun pour recommander un traitement.Habitats des tiques: identifier les zones à haut risque d’expositionLes tiques sont fréquemment présentes dans les forêts, les tas de bois, les hautes herbes, les broussailles ou sous les feuilles. Elles ne sautent pas et ne volent pas, mais se fixent aux personnes ou aux animaux qui frôlent la végétation. Les tiques elles-mêmes contractent Borrelia burgdorferi, la bactérie responsable de la maladie de Lyme, en se nourrissant de petits mammifères infectés, comme les souris et les tamias, au stade larvaire ou nymphal. Une fois infectées, les tiques peuvent transmettre B. burgdorferi en se nourrissant, le plus souvent au stade nymphal, lorsqu’elles sont incroyablement petites et difficiles à détecter.Au Canada, les tiques à pattes noires (Ixodes scapularis) sont le principal vecteur de Borrelia burgdorferi, la bactérie responsable de la maladie de Lyme. En Amérique du Nord, la transmission se fait principalement par Ixodes scapularis à l’est et Ixodes pacificus à l’ouest. En Europe, le principal vecteur est Ixodes ricinus.Les tiques nymphales ont environ la taille d'une graine de pavot (1 à 2 mm) et sont les plus susceptibles de transmettre la maladie de Lyme à l'homme. Cela explique pourquoi même des contrôles minutieux, comme celui de notre patient après une randonnée, peuvent les manquer.Lorsqu'une tique se fixe à un hôte humain, elle rampe souvent vers des zones chaudes et cachées du corps avant de se nourrir. Parmi les zones du corps les plus courantes, on trouve des endroits où elle rencontre une certaine résistance, comme les plis cutanés, un élastique, l'aine, une ceinture ou même la racine des cheveux. La bactérie réside initialement dans l'intestin moyen de la tique et migre vers les glandes salivaires pendant le repas, un processus qui prend entre 36 et 72 heures. Lorsque la tique commence à se nourrir sur l'hôte humain, elle finit par sécréter les spirochètes dans celui-ci. Une fois transmise à la peau humaine, la bactérie se réplique localement, déclenchant une réponse immunitaire et peut se propager dans tout l'organisme en quelques jours, voire plusieurs mois, en l'absence de traitement.Présentation cliniqueLa maladie de Lyme présente une grande variété de manifestations cliniques, évoluant vers des stades précoces localisés, précoces et disséminés, puis tardifs en l'absence de traitement. Le diagnostic est principalement clinique, sachant que de nombreux patients (30 à 50%) ignorent la présence d'une tique ou d'une morsure de tique, car les morsures sont généralement indolores et, encore une fois, les morsures ont tendance à se produire à un stade nymphal très précoce.Le signe précoce d'infection le plus courant est souvent l'érythème migrant (EM) isolé, une lésion cutanée rouge et étendue observée dans 70 à 80% des cas, souvent accompagnée de symptômes pseudo-grippaux. Il est toutefois important de noter que cela signifie que jusqu'à 30% des cas ne présenteront pas l'éruption cutanée typique en forme de cible. À lire aussi: Maladie de Lyme: pourquoi le diagnostic est-il si difficile à établir?À mesure que l'infection se propage, les patients peuvent développer des symptômes pseudo-grippaux, de la fièvre, de multiples lésions EM, des symptômes neurologiques (par exemple, paralysie faciale, méningite), des problèmes cardiaques tels qu'un bloc auriculo-ventriculaire ou, plus rarement, une inflammation oculaire. Les enfants peuvent notamment présenter des symptômes atypiques tels que fatigue, anorexie, voire sautes d'humeur.Le stade avancé de la maladie de Lyme peut apparaître des mois après l'infection initiale et peut inclure une arthrite de Lyme, affectant généralement les grosses articulations comme les genoux, voire des complications neurologiques comme une polyneuropathie chronique. La plupart de ces symptômes disparaissent avec un traitement rapide, bien que certains patients présentent encore des problèmes persistants comme de la fatigue ou des douleurs articulaires longtemps après un traitement antibiotique. Ces symptômes sont considérés comme des symptômes post-traitement de la maladie de Lyme, et des données probantes ont démontré que, malgré la persistance possible des symptômes, l'utilisation prolongée d'antibiotiques n'est pas recommandée et ne s'est pas avérée efficace pour les soulager. Dans certains cas, une co-infection par d'autres agents pathogènes transmis par les tiques peut être envisagée, et les patients présentant des symptômes articulaires persistants (2 mois ou plus) malgré un traitement antibiotique peuvent justifier une consultation chez un rhumatologue.Prophylaxie post-expositionPour la prophylaxie post-exposition de la maladie de Lyme, une dose unique de 200 mg de doxycycline (ou 4 mg/kg pour les personnes de moins de 45 kg) peut être proposée dans les 72 heures suivant le retrait de la tique si trois critères sont remplis: 1) la tique est identifiée comme une tique à pattes noires2) elle est restée fixée pendant au moins 36 heures3) le taux d’infection locale est supérieur à 20% (sous réserve de données disponibles). Cette stratégie réduit significativement le risque d’infection, surtout si la tique est visiblement engorgée. Chez les enfants de moins de 8 ans vivant en zone d’endémie, la doxycycline peut toujours être envisagée, l’amoxicilline n’étant pas efficace en prophylaxie à dose unique.Bien que la doxycycline ait été jusqu’à présent évitée pendant la grossesse et l’allaitement en raison de préoccupations concernant la décoloration des dents et ses effets sur le développement osseux du fœtus, les données actuelles ne confirment pas ces risques. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) appuie son utilisation en prophylaxie post-exposition chez ces populations, lorsque cela est approprié, après une discussion approfondie des risques et des avantages1. Cependant, en cas de maladie de Lyme active pendant la grossesse, la doxycycline n'est pas recommandée en raison de la disponibilité d'alternatives plus sûres comme l'amoxicilline ou le céfuroxime axétil et, en cas de maladie grave, la ceftriaxone.Il convient d'informer les patients que la prophylaxie ne prévient pas toujours la maladie, surtout si elle est retardée. Il est donc conseillé à tous, qu'ils bénéficient ou non d'une prophylaxie, de surveiller l'apparition des symptômes pendant un mois maximum. Ceci dit, un traitement précoce reste très efficace et les échecs thérapeutiques sont rares.Conseils essentiels de prévention pour les patientsEn l'absence de vaccin contre la maladie de Lyme, la prévention des piqûres de tiques reste la stratégie de protection la plus efficace.Vêtements et stratégies comportementalesPortez des chemises et des pantalons clairs à manches longues pour faciliter le repérage des tiques.Rentrez vos pantalons dans vos chaussettes et restez sur les sentiers fréquentés pour éviter de vous frotter à la végétation.Prenez une douche ou un bain dans les deux heures suivant votre sortie à l'extérieur pour déloger les tiques non fixées.Inspectez quotidiennement l'ensemble du corps pour détecter la présence de tiques, en particulier les zones suivantes: cuir chevelu et racine des cheveux, aisselles, aine, arrière des genoux, ceintureUtilisation d'insectifugesLe DEET et l'icaridine sont les deux principaux insectifuges homologués au Canada pour la prévention des tiques et sont sans danger pour les enfants de plus de 6 mois et les adultes. Pour les enfants de moins de 6 mois, les insectifuges ne sont pas recommandés, même s'ils sont censés contenir des ingrédients «naturels». Il est préférable que les enfants de moins de 6 mois portent des vêtements longs et l'utilisation d'une moustiquaire au-dessus d'une poussette peut également être utile. L'icaridine et le DEET sont généralement considérés comme sans danger pendant la grossesse et l'allaitement, avec une prudence de deux applications par jour maximum. Il est conseillé aux patients d'appliquer un écran solaire avant l'insectifuge et de ne l'appliquer que sur les zones exposées, en évitant le contact avec les yeux, la bouche ou les mains. Ils doivent également éviter d'appliquer l'insectifuge sur une peau ou des muqueuses abîmées. Pour en savoir plus sur les répulsifs contre les tiques, cliquez ici.Conseils pour le retrait des tiquesLe retrait rapide et approprié des tiques est essentiel pour réduire le risque de maladie de Lyme et d'autres infections transmises par les tiques. Vous trouverez plus d'informations sur le retrait des tiques en cliquant sur ce lien.Le rôle du pharmacien dans l'identification et la prévention de la maladie de LymeLes pharmaciens jouent un rôle essentiel dans l'identification précoce et la prévention de la maladie de Lyme. Ils doivent connaître les zones d'endémie locales et informer les patients en conséquence, en particulier pendant les mois de pic de transmission, de la fin du printemps à l'automne, en passant par l'été.En cas de suspicion de maladie de Lyme, encourager une évaluation médicale et un traitement rapides dès les premiers symptômes, ainsi que renforcer la vigilance après une exposition aux tiques, peuvent contribuer à un diagnostic rapide et à réduire le risque de progression de la maladie.À lire aussi: Explosion du nombre de municipalités dans des zones endémiques de la maladie de LymeLorsqu'ils conseillent des tests aux patients susceptibles de voyager, les pharmaciens peuvent rappeler aux cliniciens et aux patients que le lieu présumé d'exposition doit être clairement spécifié, car la maladie de Lyme européenne (causée par Borrelia afzelii ou B. garinii) nécessite des tests sérologiques différents de ceux de la maladie de Lyme nord-américaine2.Les pharmaciens doivent souligner qu'une lésion typique d'érythème migrant (EM), associée à des antécédents d'exposition pertinents, suffit à poser un diagnostic clinique précoce de la maladie de Lyme, même si le test sérologique initial est négatif, car la sensibilité du test est faible aux premiers stades de l'infection.La saison des vacances est la saison des tiques: parlez-en!La maladie de Lyme est évitable, traitable et souvent négligée, surtout aux premiers stades. Les pharmaciens jouent un rôle essentiel en aidant les patients à comprendre leur risque, à choisir les répulsifs appropriés et à savoir quand consulter.En encourageant les patients à rester vigilants face aux tiques lors d'activités de plein air, notamment dans les régions d'endémie et pendant les hautes saisons, et en intégrant la prévention des tiques dans les discussions sur la santé saisonnière et en voyage, les pharmaciens peuvent permettre aux patients d'agir rapidement, de rester informés et d'éviter les complications grâce à une intervention rapide et un suivi adapté.Avec les bonnes connaissances et des conseils avisés, les pharmaciens peuvent aider les patients à anticiper la maladie de Lyme à la maison, sur les sentiers ou partout où leurs aventures les mènent.Lindsay Dixon est pharmacienne, communicatrice scientifique et créatrice de contenu santé. Ambassadrice de santé publique pour Heart Pharmacy Group, elle est également fondatrice du podcast Friendly Pharmacy 5. Pour toute collaboration ou consultation : friendlypharmacy5@gmail.com Références: Smith GN, Moore KM, Hatchette TF, Nicholson J, Bowie W, Langley JM. Committee Opinion No. 399: Management of Tick Bites and Lyme Disease During Pregnancy. J Obstet Gynaecol Can. 2020 May;42(5):644-653. doi: 10.1016/j.jogc.2020.01.001. PMID: 32414479.Shapiro ED. Clinical practice. Lyme disease. N Engl J Med. 2014 May 1;370(18):1724-31. doi: 10.1056/NEJMcp1314325. PMID: 24785207; PMCID: PMC4487875.

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