La maladie des étudiants en médecine évolue avec l'âge, mais ne disparaît pas

Au cours de mon long et sinueux parcours en médecine, quelques livres et articles ont véritablement éclairé ou changé ma façon d'interagir avec les patients.Patient Centered Medicine, de Stewart et coll., est l'un de ces ouvrages. Le premier chapitre de l'ouvrage de Balint, The Doctor, the Patient and his Illness, dans lequel il explique qu'une véritable guérison ne peut se produire que lorsque le médecin et le patient s'accordent sur le diagnostic, en est un autre. Aujourd'hui, au mûr âge de 70 ans, j'ai ajouté un nouveau livre indispensable à ma liste: A Body Made of Glass, A cultural history of hypochondria (Un corps de verre: une histoire culturelle de l'hypocondrie) de Caroline Crampton. Ce livre - qui allie à la fois mémoire, historique de la médecine et analyse littéraire - explore la question de l'hypocondrie à travers les âges. Il explore la façon dont les patients et les médecins naviguent dans les eaux troubles de la prise en charge des patients dont les conditions ne se prêtent pas à nos outils cliniques et qui semblent manifester une détresse mentale à travers des symptômes corporels. Dans d'autres billets (notamment Numérateurs et dénominateurs), j'ai abordé ce que je crois être les formes les plus courantes de symptômes médicalement inexpliqués: la manifestation subtile ou précoce d'un diagnostic physique, l'interaction compliquée de diagnostics multiples et de leurs traitements avec le contexte psychosocial du patient, et enfin l'émergence d'un tout nouveau diagnostic.Dans ce livre, l’auteure explore ces idées avec une profondeur fascinante. Elle examine l'attrait durable du charlatanisme, l'utilisation éthique des placebos et, plus important encore, les êtres humains en tant que créatures productrices de sens. Ce livre a changé ma pratique. Le fait d'être médecin est en soi un facteur de risque pour développer une anxiété liée à la santé. Nous souffrons ce que l'on appelle «la déformation médicale», l'anxiété qui résulte de notre perspective médicale. Il s'agit d'un jeu de mots sur la «formation médicale», car c'est le résultat direct d'en savoir trop et de s'inquiéter pour tout. Mme Crampton explique comment son expérience du lymphome et de ses traitements a été à l'origine de son problème persistant d'hypocondrie. Avant d'entamer mes études de médecine, j'avais une certaine indifférence à l'égard de la santé en général. Au début de ma première année, j'ai été confrontée pour la première fois à ce que l'on appelle «la maladie des étudiants en médecine», et j'ai été atteint d'une forme virulente. À lire aussi: Le Saint-Graal des soins aux patientsMon nouveau mari est venu me voir en me disant qu'il avait été piqué par une guêpe. Il avait quelques lésions très douloureuses sur le front, se sentait fiévreux et avait des ganglions lymphatiques enflés et durs comme la pierre. J'en ai immédiatement conclu qu'il avait un lymphome. J'ai été saisie de peur et j'ai commencé à imaginer sa maladie et sa mort. J'ai paniqué à l'idée de devenir veuve à l'âge de 22 ans. Je l'ai envoyé aux urgences. J'ai découvert que j'avais eu raison d'avoir peur, mais que je n'avais pas eu peur de la bonne raison! Il souffrait plutôt d'un zona trigéminal V1. Après l'autorisation de l'ophtalmologiste et avoir reçu une ordonnance d'analgésiques (les antiviraux n'existaient pas à l'époque), on nous a rassurés en nous disant qu'il n'avait pas besoin d'être hospitalisé et qu'il n'était pas en train de mourir.Plus tard, alors que j'étais interne et enceinte de mon premier enfant, j'ai effectué un stage en néonatologie. Le fait de m'occuper de minuscules bébés prématurés était déconcertant, me donnant l'impression d'avoir une «vue du ventre» lorsque je m'occupais d'un bébé de 26 semaines qui avait exactement l'âge gestationnel de mon propre fœtus. Un soir, on m'a demandé d'assister à la césarienne d'un bébé dont l'échographie avait révélé des déformations massives, notamment une anencéphalie, et une éventration abdominale complète. On m'a demandé de prélever le sang du cœur pour examiner la génétique du bébé après sa mort. Une fois cette tâche macabre accomplie, l'image de ce bébé a hanté mes cauchemars tout au long de ma grossesse. Aucune échographie n'a pu effacer cette image de mon cerveau ou apaiser ma peur. Avec l'âge, ces moments de panique sont devenus plus rares, mais plus intenses. À partir d'un certain âge, craindre d'être atteint d'un cancer ou d'une maladie cardiaque n'est plus un sujet de plaisanterie, mais une peur réaliste, et des symptômes qui auraient été ignorés jadis prennent une signification toute particulière. Parfois, cependant, la logique et l'observation peuvent l'emporter sur la paranoïa de notre «déformation médicale». Je ne peux pas résister à l'envie de vous raconter une anecdote sordide. Au cours des derniers mois, j'ai remarqué que des mouchetures noires flottaient dans la cuvette de mes toilettes. On m'a également diagnostiqué une anémie. Ayant subi un pontage gastrique, j'ai des raisons d'avoir une petite perte de sang gastro-intestinal et une carence en fer. J'ai commencé à broyer du noir. Peut-être que quelque chose d'inquiétant se préparait. Mon anxiété s'est accrue malgré une coloscopie et une gastroscopie bénignes il y a deux ans. J'ai inquiété mon médecin, de nature minimaliste, ce que j'apprécie généralement. Elle a obligeamment renvoyé une consultation à mon gastro-entérologue. Puis je suis partie en vacances. Je suis restée une semaine dans notre gîte touristique et j'ai remarqué que ces inquiétantes taches noires ne sont jamais réapparues. «Je me suis demandée comment c'était possible. À notre retour, les mouchetures de couleur café étaient toujours là. En fait, elles semblaient s'être accumulées pendant mon absence. Soudain, mon anxiété et ma peur grandissantes ont été soulagées. En bonne diagnosticienne que je suis, j'ai versé un peu de CLR (n.d.l.r.: CLR est un nettoyant pour calcium, calcaire et rouille) dans le bol de toilette. Comme par magie, les taches de rouille de nos vieilles canalisations ont disparu! La toilette et moi-même étions guéries.

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