La FPQ appelle les pharmaciens à «faire davantage côté clinique»

Mis à jour le 22 mars 2024«Dans cinq ans, notre profession aura beaucoup changé», assure Nicolas Bergeron en ouverture du Congrès 2024 de la Fédération des pharmaciens du Québec (FPQ). Et hors de question pour le président de la FPQ de regarder le train passer. «Nous devons trouver un moyen de faire davantage côté clinique afin de répondre au mieux aux besoins toujours plus importants de la population, explique-t-il. Aujourd’hui, notre modèle n’est plus pertinent. Nous n’avons plus le temps d’analyser les dossiers, de recevoir les patients, de contrôler leurs prescriptions…» Une ambition à la hauteur des enjeux, puisqu'il s'agit ni plus ni moins selon lui de «réinventer la pharmacie». Si la FPQ veut frapper fort avec ce congrès au message très optimiste, c’est parce qu’elle a fait un constat inquiétant l’an dernier. Un sondage mené auprès de ses membres et dévoilé en avril 2023 a en effet montré que 42% des participants pensaient quitter ou avaient déjà quitté la profession à cause d’un épuisement professionnel – souvent lié aux nouveaux actes et à la lourdeur du quotidien –, et 50% déclaraient qu’ils ne reviendraient jamais à la pharmacie. «Les pharmaciens peinent à soutenir une large charge de responsabilités», et «n'ont ni les ressources nécessaires ni le personnel formé requis afin de supporter un système de santé défaillant», concluait alors la FPQ, préconisant un plan de sauvegarde de la pharmacie. «Ce sondage montrait une détresse bien plus prégnante que pendant la pandémie», analyse aujourd’hui Thina Nguyen, directrice générale de la FPQ. Des modes de gestion plus modernesMais comment se réinventer face aux enjeux actuels de pénuries et de manque d’attractivité de la pharmacie au Québec? En ajoutant de nouveaux services, alors que les attributions des pharmaciens et pharmaciennes viennent déjà d’être étendues? En misant sur les innovations technologiques? À lire aussi: «8000 techniciens le plus tôt possible»: face à la pénurie de main d’oeuvre, l’AQPP riposteUn peu tout cela à la fois, en commençant par le plus important: travailler sur ce qui existe déjà, à savoir les équipes. Pour les retenir, le président de la FPQ propose bien sûr d'augmenter les salaires – une mesure à considérer selon le contexte –, mais surtout d'améliorer les conditions de travail et d'accorder d'autres avantages sociaux comme des congés flottants supplémentaires par exemple. «Nos équipes techniques font toute la différence, il faut les préserver», appuie Thina Nguyen, pharmacienne propriétaire affiliée à Familiprix.Les actes cliniques, une opportunité financière non négligeableEt qui dit un personnel qualifié et épanoui, dit plus d'actes effectués, et donc plus de rendement. Si cela nécessite une réelle réorganisation et un dégagement de temps pour proposer mieux que les actuelles «interventions à la va-vite, entre deux patients sur un coin de comptoir», glisse Nicolas Bergeron, c'est une opportunité à ne pas rater, selon lui. «C’était une demande de la population comme des pharmaciens, les cursus universitaires sont beaucoup plus cliniques qu'avant, et les gouvernements s’y sont mis lentement mais sûrement. Les budgets alloués aux interventions cliniques sont corrects, mais il faut optimiser nos processus pour en faire plus.» Loin de lui l’idée de transformer les pharmacies en machines à services cliniques, assure-t-il toutefois. «Il faut regarder qui peut les réaliser, les infirmières, les futurs techniciens en pharmacie… Pour l’instant, la quantité d’actes effectués ne représente pas 1% du plein potentiel. Et les pharmaciens font à peine le coût de ces services.» À lire aussi: De plus en plus de services cliniques rendus en pharmacieCar le nerf de la guerre est bien là: aujourd'hui, ces services ne sont pas rentables. Plusieurs pistes de réflexion sont lancées pendant le Congrès pour pallier cette situation: encourager la facturation de tous les actes, encourager les équipes à faire davantage d'actes cliniques en promouvant le partage d'honoraires à chaque acte prodigué par le pharmacien, dégager du temps aux équipes pour le faire, et pourquoi pas s'orienter vers des cliniques de suivi, notamment destinées aux patients orphelins, ce qui permettrait de replacer la pharmacie comme le service de santé de proximité par excellence. «La robotisation va pouvoir remplacer une partie du travail technique»Enfin, la FPQ mise sur l’innovation pour mettre en branle cette révolution de la pharmacie québécoise. Si la pandémie a profondément affecté les professionnels de la santé, elle a aussi permis à certains et certaines de rebondir pour faire vivre leur activité et proposer d'autres services à leurs patients. À lire aussi: Les notices électroniques pourraient représenter l'avenir, selon un rapport de la FIPPêle-mêle, une plateforme de tutorat lancée par une pharmacienne, qui lui a permis d’augmenter son chiffre d’affaires; une autre de recrutement sans frais de gestion, lancée il y a seulement un mois par la pharmacienne propriétaire Isabelle Dang et baptisée Staffee, qui a permis à de nombreux pharmaciens de se détacher des agences de recrutement; ou encore la société Biopoq et ses piluliers écoresponsables. Des opportunités nées de la difficulté (toutes ces idées ont été lancées post-pandémie), pour aider les équipes à mieux travailler et se concentrer sur les tâches essentielles.Nicolas Bergeron parie aussi sur les nouveaux outils cliniques pour faire revivre la pharmacie: «La robotisation de certains processus pourrait remplacer une partie du travail technique en pharmacie. Aujourd’hui, on passe 30 à 40% de notre temps à vérifier les médicaments, ce n'est plus possible.»

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