La FMRQ juge discriminatoire le nouveau projet de loi de Dubé

Malgré la précaution d’usage, selon laquelle «il nous faudra voir le détail des mesures avant de pouvoir commenter davantage», la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) se dit néanmoins étonnée que l’«on semble encore vouloir cibler les jeunes médecins avec ces mesures contraignantes». D’autant plus que celles-ci ne visent qu’un tout petit nombre de jeunes médecins et qu’elles «comporteraient par ailleurs des effets discriminatoires».Dimanche soir, le cabinet du ministre de la Santé a annoncé par voie de communiqué que ce dernier compte déposer un projet de loi visant à «obliger les nouveaux médecins de famille et les médecins spécialistes formés au Québec à pratiquer dans le réseau public québécois pendant les premières années suivant la fin de leurs études.» Il justifie cette mesure en mettant de l’avant la tendance à la hausse des médecins formés par le réseau public qui optent pour le privé tout en soulignant que «cette tendance est particulièrement importante chez les nouveaux médecins» alors que leur formation «coûte, en incluant la résidence, entre 435 000 $ et 790 000 $ aux contribuables québécois».Le président de la FMRQ, le Dr Ghassen Soufi, est «complètement tombé des nues. Une sortie comme ça, un dimanche soir, le timing a de quoi surprendre», poursuit le résident R5 en psychiatrie. Par delà son étonnement, il ne comprend pas la rhétorique du ministre de la Santé, ni son objectif. «Le gouvernement de la CAQ a contribué au transfert du public vers le privé [en santé], alors pourquoi cibler les jeunes médecins. S’il s’agit de revitaliser notre système de santé public, il est irresponsable de faire porter ce fardeau uniquement sur leur dos.»Selon le Dr Soufi, les résidents partagent les préoccupations de Christian Dubé et sont très concernés par l’importance d’un réseau public fort et efficace. «Ils y travaillent de deux à cinq ans dans le cadre de leur résidence et l’écrasante majorité y continue leur pratique et veut y rester.» En entrevue lundi matin à l’antenne de Radio-Canada, le ministre de la Santé a précisé qu’«à peu près 50 médecins qui viennent d’être formés quittent pour le privé, à chaque année, dans leurs premières années de carrière. C’est beaucoup», selon Christian Dubé, qui a ajouté que des médias ont rapporté qu’il y a 2300 médecins formés au Québec qui exercent actuellement en Ontario. «Cette mesure va nous aider à avoir plus de médecins qui travaillent dans notre réseau public.»Une cinquantaine de jeunes médecins sur un millier de finissants chaque année, «c’est une toute petite proportion», souligne le président de la FMRQ. «Il serait plus intéressant d’explorer pourquoi ces médecins-là ont choisi de partir au privé. Est-ce qu’ils n’ont pas trouvé de poste dans une région particulière? Est-ce que les tâches qu’on leur proposait ne les intéressaient pas? Est-ce que les ressources pour exercer étaient insuffisantes? Etc. Ça permettrait de trouver des solutions pour lever ces obstacles plutôt que d’imposer de nouvelles contraintes aux jeunes médecins.»Lire aussi: Le CMQ veut mettre un frein à la croissance du privé en santéPour le moment, le ministre ne précise pas pendant combien de temps s’appliquera cette obligation, mais il indique qu’elle concernera tous les médecins formés au Québec, qu’ils soient Québécois, Canadiens ou étrangers. Sur les ondes du 98.5, Christian Dubé a affirmé que ceux qui voudront malgré tout aller pratiquer au privé, dans une autre province ou ailleurs dans le monde dès la fin de leurs études au Québec s’exposeront à des «conséquences», sans détailler lesquelles.Le Dr Ghassen Soufi demeure perplexe. «Pourquoi cette obligation de pratiquer au public ne concernerait que les jeunes médecins et pas ceux qui ont plus d’expérience ? Et pourquoi elle ne s’appliquerait pas aux autres professionnels de santé formés au Québec, dont les études sont elles aussi financées par les impôts par des Québécois ? Viser uniquement les jeunes médecins est une forme de discrimination», considère le président de la FMRQ.Le CMQ favorable, la FMSQ sur la réserveDu côté du Collège des médecins du Québec (CMQ), qui a pris position lundi sur la place du privé en santé en appelant à suspendre sur le champ son expansion, l’annonce de ce nouveau projet de loi est vue d’un bon œil. «Nous sommes favorables à l’intention du ministre Dubé. Il s’agit pour nous d’une question de responsabilité sociale», observe par courriel la porte-parole du CMQ, Leslie Labranche.Si le Collège attend de connaître les modalités de ce projet de loi, il trouve d’ores et déjà logique de contraindre les jeunes médecins à pratiquer un minimum dans le réseau public étant donné que leurs études sont financées par les contribuables québécois. «C’est un principe de contrat social entre le citoyen, l’État et les médecins», souligne Leslie Labranche.La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) déclare pour sa part prendre acte de l’intention du ministre de la Santé. «Nous allons attendre de voir le projet de loi et nous consulterons nos instances avant de commenter davantage», indique par courriel le porte-parole de la Fédération, Pâris Psychogyios, en ajoutant néanmoins que «si ce type d’obligations devait s’appliquer aux médecins, il devrait s’appliquer aussi à d’autres professionnels de la santé dont plusieurs quittent aussi du public vers le privé».Cela dit, la FMSQ rappelle au gouvernement que la meilleure façon de retenir les médecins spécialistes dans le réseau public de santé, «c’est de leur donner les moyens de soigner. Présentement, le manque de plateaux techniques et de personnel, entre autres, empêche trop souvent les médecins spécialistes de pratiquer convenablement.»Sollicitée par Profession Santé, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) n’avait pas répondu à notre demande au moment d’écrire ces lignes.

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