J'ai un problème avec les nouvelles lignes directrices sur la douleur vertébrale chronique non cancéreuse

Je voudrais parler de cette publication récente, «Procédures interventionnelles couramment utilisées pour les douleurs rachidiennes chroniques non cancéreuses: guide de pratique clinique», par Jason W. Busse et ses collègues1. Le groupe d'experts était composé de quatre personnes souffrant de douleurs rachidiennes chroniques, de dix cliniciens expérimentés dans la prise en charge des douleurs rachidiennes chroniques (il n'est pas clair, à la lecture des qualifications des auteurs, combien d'entre eux pratiquaient réellement ces procédures) et de huit méthodologistes.Le groupe a examiné les preuves des avantages et des inconvénients des 13 procédures interventionnelles ou des combinaisons de procédures sélectionnées pour les douleurs chroniques de la colonne vertébrale.Les recommandations ont été formulées par les chercheurs au moyen d'une revue systématique et d'une méta-analyse en réseau d'essais randomisés, et d'une revue systématique d'études d'observation. Ces méthodes avancées de synthèse des preuves sont utilisées dans la recherche médicale pour comparer les interventions.À lire aussi: Les fondamentaux de la douleur chronique: mécanismes et mesures Ces lignes directrices résultent du fait que les injections dans la colonne vertébrale sont très couramment utilisées, principalement par les cliniques interventionnelles de traitement de la douleur, mais que leur efficacité est remise en question.Le groupe d'experts a émis de fortes recommandations contre toutes les formes d'injections dans les articulations vertébrales, les tissus mous, les épidurales, l'ablation des articulations par radiofréquence, etc.Les médecins qui prennent en charge des patients souffrant de douleurs chroniques sont donc dans l'incertitude quant à savoir si, oui ou non, ils doivent orienter leurs patients souffrant de douleurs rachidiennes vers des injections.Pour les besoins de ce billet, j'ai demandé au Dr Nimish Mittal, spécialiste en médecine physique et interventionniste formé à l'University Health Network de Toronto, de me faire part de ses réflexions sur les lignes directrices (et nous sommes tout à fait d'accord).Je vais d'abord expliquer mes propres problèmes avec ces lignes directrices. Ma clinique de Vaughan est l'une des rares cliniques de traitement de la douleur NON INTERVENTIONNELLE faisant partie du Réseau ontarien de la douleur chronique dans la province. Notre équipe multiprofessionnelle offre des consultations sur la douleur dans tout le sud et le centre de l'Ontario, mais aussi des traitements (pharmacologiques, psychologiques, basés sur le mode de vie, etc. ainsi que des programmes multidisciplinaires ou interdisciplinaires de gestion de la douleur) en mettant l'accent sur la réadaptation active par des thérapeutes manuels qualifiés. Dans notre centre, la rééducation active (basée sur l'exercice) est la pierre angulaire de notre approche (et non les modalités passives telles que le TENS, les ultrasons, le laser ou la chaleur qui, le plus souvent, sont proposées aux patients comme seule approche de traitement). Il y a une GRANDE différence entre les modalités actives et passives.Consultez: La terminologie contradictoire et confuse de la douleurEn tant que centre de soins tertiaires, notre clinique reçoit des patients tout aussi complexes que nos homologues des hôpitaux universitaires de Toronto. Comme nous ne proposons pas d'interventions (telles que celles mentionnées dans les lignes directrices publiées dans le BMJ), nous référons un certain nombre de patients que nous estimons être des candidats appropriés pour certaines injections à des établissements interventionnels de confiance, a) afin de faciliter la rééducation ou b) lorsqu'aucune autre option conservatrice n'est efficace ou adaptée à un patient donné. Il en résulte qu'un faible pourcentage (5 à 8%) de nos patients a besoin d'injections. Ce très faible nombre de patients nécessitant des injections est très différent du nombre de patients en souffrance vus et traités dans les cliniques interventionnelles de la douleur (où les injections sont proposées à l'écrasante majorité des patients référés). Il y a des raisons à cela, que j'expliquerai ci-dessous. Elles sont toutes liées a) à l'argent et b) à la disponibilité d'autres options que les injections.À en juger par notre expérience de dix ans dans la région du Grand Toronto, la grande majorité des médecins de famille orientent leurs patients vers les cliniques de gestion de la douleur en sachant que les interventions sont la solution la plus facile ou la seule possible. Le coût des thérapies autres que les injections constitue un obstacle majeur pour nos patients. Il est de notoriété publique que toutes les thérapies non médicales (y compris les thérapies manuelles et les exercices appropriés, les interventions psychologiques) ne sont PAS couvertes par l'Assurance maladie de l'Ontario. Par conséquent, les questions d'argent sont prohibitives pour la plupart des patients qui n'ont pas d'avantages complémentaires ou des avantages limités.Les procédures interventionnelles sont lucratives pour ceux qui les pratiquent. Au Canada, les coûts sont essentiellement supportés par notre système de santé publique, et non par les patients (alors qu'aux États-Unis, les coûts sont supportés par l'assurance des patients ou par les patients eux-mêmes). Rien qu'en Ontario, les injections sont facturées à l'Assurance maladie de l'Ontario et finissent par coûter très cher (au système et aux contribuables). Par exemple, en 2017-18, la facturation moyenne de 106 médecins travaillant dans des cliniques de la douleur et fournissant des blocs nerveux en Ontario (Canada) s'élevait à 724 183 dollars canadiens par an.Par ailleurs, une enquête2 menée en 2016/2017 auprès de 777 médecins canadiens pratiquant des interventions pour des douleurs chroniques de la colonne vertébrale a révélé que seuls 37% d'entre eux estimaient que leurs collègues pratiquaient conformément aux meilleures données probantes actuelles.Cependant, c'est exactement ce que font ces lignes directrices: jeter le bébé avec l'eau du bain. Pour illustrer ce qui se passe lorsque les interventions sont proposées à des patients bien sélectionnés avec des indications spécifiques, permettez-moi de partager avec vous l'un de nos cas qui a bien réagi aux interventions. Un homme de 75 ans s'est présenté à notre clinique avec des douleurs au dos et aux jambes. L'imagerie a montré des changements dégénératifs multi-niveaux étendus et sévères au niveau lombaire avec des changements hypertrophiques au niveau des facettes, une sténose spinale (sévère au niveau L4 et en dessous avec un regroupement des racines nerveuses de l'équin caudal) ainsi qu'une sténose foraminale modérée à sévère. L'EMG/étude de conduction nerveuse a montré une dénervation dans le dermatome S1 et était également suspecte de polyradiculopathie à plusieurs niveaux. Ne manquez pas: Les nouvelles directives redonnent du «bon sens» à la prescription d’opioïdesUne rééducation active et des médicaments contre les neuropathies ont amélioré la douleur et la fonctionnalité dans une certaine mesure pendant un an. Lorsque la douleur est devenue insurmontable, je l'ai envoyé chez un interventionniste de confiance qui a pratiqué une injection épidurale transforaminale de stéroïdes (TFESI) au niveau L4 et L5 avec un soulagement de 80%. Ce résultat a été confirmé une semaine plus tard par son thérapeute, un chiropracteur de notre centre, qui a signalé que la douleur avait considérablement diminué (de 10/10 à 5/10) et que le patient avait une bien meilleure amplitude de mouvement et pouvait se tenir debout et marcher sur de plus longues distances pendant un certain nombre de semaines. Le patient et sa famille étaient très heureux et reconnaissants et m'ont demandé de le renvoyer pour une nouvelle TFESI deux mois plus tard. Des injections répétées tous les trois ou quatre mois ont permis à ce patient de survivre jusqu'à ce qu'il soit perdu de vue deux ans plus tard.MON POINT FINAL: Les lignes directrices actuelles, si elles sont appliquées à la lettre, jettent le bébé avec l'eau du bain. Personnellement, je refuse de renoncer aux injections pour des patients très bien sélectionnés, car nous perdons un «outil» de mon «coffre à outils» qui sert des indications très spécifiques. Le cas que j'ai présenté ici montre que certaines injections sont utiles pour un nombre limité de patients très bien sélectionnés (la bonne procédure, pour le bon patient, au bon moment).Pour être juste envers le groupe d'experts, les auteurs de l’étude ont reconnu que le groupe n'avait pas été en mesure de déterminer si certaines procédures avaient des effets différents selon les sous-types de présentations cliniques (exactement comme le cas que j'ai rapporté), et quelle est l'efficacité des procédures ou quels sont les résultats, alors que la littérature disponible est plutôt pauvre (l'absence de preuve d'efficacité n'est PAS la même chose que l'absence d'efficacité, simplement que les études n'existent pas ou ont été mal menées).Il s'agit là de POINTS ABSOLUMENT CRUCIAUX et très pertinents si l'on envisage des interventions, des points qui restent malheureusement sans réponse.En outre, le panel a conclu que les interventions étaient coûteuses pour les patients. De toute évidence, cela ne reflète que la réalité américaine, avec des soins privatisés, et non la réalité canadienne, où toutes les interventions sont couvertes par notre système de santé public.De son côté, le Dr Mittal souligne que les lignes directrices constituent peut-être un pas dans la bonne direction, mais qu'elles adoptent une approche trop rigide qui ne reflète pas entièrement les défis du monde réel. Pour améliorer la prise en charge de la douleur, nous devons renforcer notre système de santé en a) créant des centres interdisciplinaires de prise en charge de la douleur qui donnent accès à une gamme de traitements allant au-delà des simples injections; b) fournissant un financement de santé publique pour les traitements alternatifs (avec une responsabilité appropriée pour s'assurer que nous ne créons pas un autre "trou" dans les finances publiques); et c) exigeant de la même manière une plus grande responsabilité des prestataires de soins de santé pour s'assurer que les incitations financières ne conduisent pas à des procédures d'injection inutiles plutôt qu'à des soins plus complets. Enfin, il est essentiel d'augmenter le financement de la recherche de qualité sur la douleur afin de mieux comprendre les conditions de la douleur et de développer des traitements plus efficaces.Références: Busse JW, Genevay S, Agarwal A, Standaert C J, Carneiro K, Friedrich J et coll. Commonly used interventional procedures for non-cancer chronic spine pain: a clinical practice guideline. BMJ 2025;388:e079970. doi:10.1136/bmj-2024-079970Shanthanna H, Bhatia A, Radhakrishna M et coll. La prise en charge interventionnelle de la douleur chronique: sondage auprès des médecins au Canada. Can J Anaesth 2019;67:-52. doi: 10.1007/s12630-019-01547-w pmid: 31802414

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