Irritants en pharmacie: l’APPSQ dévoile son enquête

Trop d’ordonnances à traiter et de consultations à réaliser, de mauvaises conditions de travail, une communication insuffisante avec leurs supérieurs… Les irritants sont nombreux dans les pharmacies du Québec, rapporte l’Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec (APPSQ) dans sa nouvelle enquête, dont ProfessionSanté.ca a pu consulter la version membre. Ce sondage a été mené entre le 14 avril et le 15 juin 2024 auprès de 502 de ses membres, dont 457 pharmaciens travaillant en milieu communautaire (à temps plein, partiel ou pharmaciens-chefs) et 187 pharmaciens remplaçants. Trop d’ordonnances et de consultations chaque jourLa surcharge de travail en pharmacie est l’un des principaux enseignements de cette enquête. En effet, près de la moitié des pharmaciens répondants ont une charge de travail qui dépasse les 30 ordonnances servies par heure en moyenne chaque semaine, une limite à ne pourtant pas dépasser afin d’assurer la qualité et la sécurité des services offerts aux patients selon l’APPSQ. Au total, 68% d’entre eux ont indiqué servir entre 400 et 1500 ordonnances par jour en moyenne, incluant entre autres les nouvelles ordonnances, les renouvellements, les piluliers et les services cliniques. Ce grand nombre de Rx à servir implique une charge de travail trop importante pour 2 pharmaciens sur 3. Mais ce sont surtout le nombre de consultations ou de conseils qui leur pèse au quotidien – 75% des répondants se disent surchargés sur ce point.Plus inquiétant, certains pharmaciens salariés font état de pressions de la part de leurs employeurs pour effectuer un service rapide au client (30%) et des services cliniques rémunérés (40%), une pratique déjà dénoncée dans certaines autres provinces comme l’Ontario, mais dont le Québec semblait jusqu’à présent protégé, puisque les pharmaciens y restent propriétaires même sous bannière. «Il est impératif que le message véhiculé par tous soit que le pharmacien est un professionnel de la santé de première ligne accessible, mais que les services rendus peuvent demander du temps et nécessiter un rendez-vous», observe l’APPSQ. À lire aussi: Quelles nouvelles activités cliniques n’avez-vous pas encore intégrées à votre pratique?Des milieux de travail toujours pas adaptésLes nouvelles activités cliniques qui s’ajoutent au fur et à mesure n’arrangent pas les choses, d’autant que seuls 10% des pharmaciens salariés affirment que les politiques et procédures sont comprises et appliquées par tout le personnel de leur pharmacie – «une statistique préoccupante», observe l’APPSQ – et que plus de 60% des pharmaciens salariés se disent d’ores et déjà surchargés par les nouvelles activités prévues par la loi 31 et mettent notamment en cause des milieux de travail non adaptés à leur réalisation. La grande majorité des pharmaciens dit en effet subir des interruptions constantes de la part des patients (70%) mais surtout du personnel technique (85%) pendant leur travail, ainsi que des urgences récurrentes à gérer, ce qui augmente le risque d’erreurs et détourne leur attention selon eux. «Alors que les autres professionnels pratiquent dans des bureaux de consultation leur permettant une concentration optimale, il est important de repenser la disposition de nos milieux et la chaîne de travail traditionnelle en pharmacie», souligne l’APPSQ. À lire aussi: Les clés pour optimiser les activités cliniques en pharmacieQuand ils existent, ces espaces de confidentialité ne sont pas optimaux pour réaliser les conseils aux patients, ce qui signifie que la transformation des espaces de travail est à la traîne par rapport au développement accru du rôle clinique des pharmaciens selon l’association. «En termes de confidentialité, on ne peut pas continuer de faire des consultations au comptoir en prévision du PL67, observe le président de l’APPSQ Patrick Hémery. Si on nous demande de faire de la clinique, il faut qu’on ait une VRAIE clinique.» Selon lui, «l’impulsion doit venir des chaînes et bannières. Le modèle Pharmaprix pourrait par exemple être dupliqué ou inspirer d’autres propriétaires.»En plus de l’organisation des espaces de travail, l’organisation même du système de santé est mise en cause par les pharmaciens répondants, qui évoquent de nombreux irritants à leur pratique, comme la gestion des sorties d’hôpital tardives, des programmes de soutien aux patients ou encore le manque de communication entre les GAP et les pharmacies communautaires. Des salaires bonifiés, une motivation à en faire plusDe manière générale, les pharmaciens salariés sont nombreux à déplorer un manque d’écoute et de collaboration, à la fois de la part du gouvernement via les CRSP, mais surtout de la part de leurs pharmaciens propriétaires et/ou gestionnaires. Seul un pharmacien salarié sur trois dit se sentir en adéquation avec la vision de son employeur, et la même proportion affirme être toujours ou souvent consulté pour discuter des changements à mettre en place au sein de la pharmacie. Reste qu’au total, moins de la moitié des pharmaciens salariés sont informés des changements mis en place avant leur implantation, alors que ces derniers affectent leurs conditions de travail et la sécurité du circuit du médicament, note l’APPSQ. Cette mauvaise communication serait-elle dûe à un manque de formation chez les pharmaciens propriétaires et les gestionnaires? C’est en tout cas ce qui semble ressortir de l’enquête: 44% des pharmaciens affirment que leur(s) pharmaciens propriétaires ont reçu une formation en gestion et les ⅔ disent qu’ils ont de bonnes compétences en communication. Des chiffres qui devraient plutôt avoisiner les 100% selon l’APPSQ. À lire aussi: Remplacements en pharmacie, des besoins toujours difficiles à combler«Il faut développer la collaboration entre les pharmaciens propriétaires et leurs salariés, parce que les pharmaciens salariés ont de bonnes idées!», assure Patrick Hémery. «Et on pourrait trouver des solutions qui conviennent aux deux parties.» Mais aussi favoriser la rétention des équipes, puisque plus de 40% des pharmaciens remplaçants à temps complet ont préféré quitter le salariat car leur opinion n’était pas prise en compte sur leur lieu de travail.«Les pharmaciens propriétaires doivent aussi prendre conscience que leurs pharmaciens salariés sont prêts à en faire davantage si leurs salaires sont revalorisés pour les soirs et les fins de semaine», ajoute Patrick Hémery. En effet, l’enquête révèle que plus de 40% des pharmaciens salariés seraient prêts à faire un soir supplémentaire si le salaire était bonifié de 50 à 100%, et presque ce même pourcentage serait prêt à faire une fin de semaine supplémentaire. Plus de 6 pharmaciens salariés sur 10 accepterait de faire plus d’heures dans la semaine si leur pharmacie ouvrait moins tard le soir (fermeture à 19h par exemple). D’excellentes pistes de solution à prendre en considération pour lutter contre la pénurie de personnel, note l’APPSQ dans son document aux membres. «On voit que les choses changent, mais pas assez vite», conclut l’association.

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