D'une page à l'autre - Impact d’une alerte électronique sur la capacité de réaliser et de documenter des interventions cliniques en pharmacie communautaire

Objectif Évaluer l’effet d’une alerte électronique intégrée à un logiciel de dispensation des médicaments sur la fréquence des interventions cliniques réalisées par les pharmaciens en milieu communautaire.Plan de l’étude Il s’agit d’une étude prospective contrôlée avec répartition aléatoire, d’une durée de six semaines, comparant des pharmacies désignées ou non pour implanter une alerte électronique. Les interventions réalisées par les pharmaciens ont toutefois été colligées durant une période totale de huit semaines. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche plus global (PROMISe – Pharmacy Recording of Medication Incidents and Services) évaluant la mise au point d’un outil informatisé de documentation des interventions cliniques.Lieu de l’étude L’étude a été menée en pharmacie communautaire dans la région de Melbourne, en Australie.Participants Au total, 52 des 260 pharmacies contactées (taux de participation de 20 %) ont été recrutées; 31 d’entre elles ont été aléatoirement désignées pour implanter l’alerte électronique spécifique à l’intervention, alors que les 21 autres ne disposaient pas de cette alerte spécifique.Interventions Bien que les systèmes informatiques disponibles en Australie comportent des outils d’aide à la décision intégrant des alertes pour la détection d’interactions médicamenteuses, d’allergies, de duplications thérapeutiques ou de vérification de dose, il existe peu d’outils d’aide à la décision en ce qui concerne l’ajout de nouveaux traitements. Pour chaque ordonnance d’hypoglycémiant par voie orale à exécuter (acarbose, glimépiride, glipizide, gliclazide, glibenclamide, metformine, pioglitazone, rosiglitazone, repaglinide et combinaisons), le système affiche une alerte au pharmacien du groupe intervention avant la dispensation des médicaments afin de vérifier son intention. L’alerte précise l’indication (soit l’utilisation d’acide acétylsalicylique [AAS] en prévention primaire de maladies cardiovasculaires), la dose (70 à 150 mg po die en l’absence de contre-indications) et l’âge (> 50 ans systématiquement ou chez les 30 à 50 ans en présence d’au moins un facteur de risque, tel que mentionné). Le pharmacien doit choisir l’une des trois options suivantes : poursuivre la dispensation de médicaments sans ajouter l’AAS, imprimer le feuillet pour le patient ou ajouter l’AAS selon le protocole. Au total, 150 pharmaciens ont été ciblés comme ayant au moins un quart de travail à l’une des 52 pharmacies recrutées durant la période étudiée. De plus, sept pharmaciens familiarisés avec ce logiciel ont été recrutés en tant qu’observateurs. Leur rôle se limitait à aider les pharmaciens communautaires dans l’utilisation du module de documentation. De fait, 15 des 31 pharmacies du groupe intervention et 7 des 21 pharmacies du groupe témoin ont été visitées par un observateur. À la fin de l’étude, un questionnaire a été envoyé aux 150 pharmaciens participants afin d’évaluer leur perception de l’utilité de l’alerte.Résultats En ce qui concerne les interventions cliniques liées à l’utilisation de l’alerte, les pharmaciens ont effectué au total 201 interventions ciblées visant l’ajout d’AAS, correspondant à un taux de 2,55 interventions par 100 patients diabétiques. Dans le groupe intervention, au moins une intervention découlant de l’alerte a été documentée dans 21 des 31 pharmacies. En ne considérant que ces 21 pharmacies, le taux d’intervention calculé est de 10 par 100 ordonnances d’hypoglycémiants oraux exécutées. Aucune intervention ciblée n’a été documentée dans le groupe témoin. En ce qui concerne les interventions cliniques globales, 2396 interventions cliniques ont été documentées au cours de la période de 8 semaines dans les 52 pharmacies (taux d’intervention de 0,92 par 100 patients). Ces interventions ont été classifiées selon trois catégories : les problèmes liés au choix du médicament (23 %), les problèmes liés à la posologie (19 %) et la nécessité de prodiguer de l’information ou un enseignement au patient (17 %). Le taux global des interventions cliniques documentées était de 1,74 par 100 patients dans le groupe intervention, comparativement à 0,91 pour 100 patients dans le groupe témoin (p < 0,001). En ce qui concerne l’impact des observateurs, le taux d’interventions par 100 patients diabétiques pour l’ajout d’AAS était près de quatre fois plus élevé pour les pharmacies qui ont reçu la visite d’observateurs au sein du groupe intervention (7,52) que pour celles qui n’ont pas été visitées (2,00). En ce qui concerne le questionnaire (taux de réponse de 31 %), les pharmaciens ont signalé que cette alerte était pertinente et qu’elle a contribué à accroître leurs connaissances au sujet de la prévention des risques cardiovasculaires chez les diabétiques.Conclusion Le recours à une alerte électronique accroît significativement le nombre d’interventions cliniques ciblées visant l’ajout d’AAS chez les patients diabétiques.Discussion En 2005, Garg et coll. ont publié une revue systématique identifiant 62 études sur 97 ayant démontré un impact favorable d’outils électroniques d’aide à la décision sur la performance des cliniciens. L’étude de Reeve et coll. montre à nouveau que le recours à une alerte électronique chez des patients diabétiques permet de générer plus de 200 interventions spécifiques dans le groupe intervention et jusqu’à 4 fois plus d’interventions cliniques diverses que dans le groupe témoin. Les auteurs sont d’avis que l’obligation donnée au pharmacien de choisir parmi trois actions a contribué à la prise de position et favorisé la réalisation d’interventions. L’étude révèle une réduction du taux d’interventions pharmaceutiques à mesure que l’étude progresse, ce qui pourrait traduire une désensibilisation des pharmaciens. Il est possible aussi que les patients nécessitant l’ajout d’AAS aient été pour la plupart ciblés au début de l’étude. De plus, on note que le biais d’observation causé par la présence d’observateurs a sans doute contribué à l’activité clinique des pharmaciens et suscité une plus grande documentation. Les auteurs n’ont pas évalué l’impact de l’intervention (et précisément l’ajout d’AAS) sur les résultats de santé. D’autres études seront nécessaires afin de vérifier l’application de l’intervention et son impact à moyen terme sur les patients. Cette étude présente une évaluation structurée et valide de l’impact d’une alerte électronique. Bien que cet outil d’aide à la décision comporte des limites, il doit être envisagé en pratique pharmaceutique afin d’intégrer davantage de données probantes. nRéférence 1. Reeve JF, Tenni PC, Peterson M. An electronic promptin dispensing software to promote clinical interventions by community pharmacists : A randomized controlled trial. Br J Clin Pharmacol 2007;65:377-875.*Texte rédigé par Camille d’Humières, étudiante en cinquième année hospitalo-universitaire, Université Paris V, France; Mariève Simoncelli, B. Pharm., candidate à la maîtrise en sciences pharmaceutiques,et Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., FCSHP, chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine.Texte original soumis le 2 octobre 2008.Texte final remis le 19 janvier 2009.Révision : Nicolas Paquette-Lamontagne, B. Pharm., M.Sc., M.B.A.

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