Hausse de popularité des sachets de nicotine chez les ados du Québec

Dans le cadre du projet COMPASS, des chercheurs de l'Université Laval et de l'Université de Waterloo ont sondé plus de 11 000 élèves de 33 écoles du Québec au printemps 2024. Leur analyse révèle que 2,6% des jeunes avaient fait usage de sachets de nicotine dans le mois précédant l’enquête — presque autant que la cigarette (3,0%). Les sachets de nicotine se classaient ainsi comme le troisième produit le plus consommé, juste derrière la cigarette électronique et la cigarette.«Ce pourcentage peut paraître limité, mais il a déjà été similaire pour la cigarette électronique,» observe Dr Richard Bélanger, médecin clinicien enseignant agrégé au département de pédiatrie de la Faculté de médecine de l’Université Laval et auteur de l’étude. «Cette étude provient d’une préoccupation. Des articles scientifiques démontraient qu’en Europe et aux États-Unis, c’était arrivé dans ces milieux-là [chez les jeunes]. Avec la facilité d’usage de ce produit, l’usage de saveurs et des concentrations de nicotine qui sont disponibles dans les produits illicites, on va suivre de près cette situation avec nos partenaires, les établissements scolaires, les directions régionales de santé publique.»Plusieurs facteurs de risqueSelon l’étude, qui a été publiée dans le Canadian Journal of Public Health, les personnes de la diversité du genre étaient près de deux fois plus susceptibles (aRR 1,99) de consommer des sachets de nicotine que les filles cisgenres. Les garçons cisgenres avaient, quant à eux, un risque supérieur de 74% (aRR 1,74) à celui des filles.Les jeunes de secondaire 5 étaient trois fois plus susceptibles d'en utiliser que les jeunes du premier cycle. Les adolescents en difficulté scolaire étaient près de trois fois plus susceptibles d'être des consommateurs actuels de sachets de nicotine que ceux qui ne l'étaient pas. Le risque de consommation augmentait aussi avec le nombre d’heures travaillées. Les adolescents qui jugeaient leur santé mentale ou physique mauvaise étaient environ 90% plus susceptibles d'être des consommateurs de sachets de nicotine que ceux qui jugeaient leur santé excellente. Les vapoteurs étaient 14 fois plus à risque d’utiliser des sachets; les fumeurs, 5,6 fois plus.L’enquête a révélé une certaine méconnaissance des risques associés à ce produit. Près du quart des jeunes étaient se disaient incertains des risques des sachets pour la santé, tandis que 16% disaient ignorer que les sachets pouvaient engendrer une dépendance.À lire aussi: Vapotage de cannabis ou de nicotine: guide pratique des risques pour la santé des jeunes‎Une tendance répandueLe phénomène n'est pas propre au Québec. De l’autre côté de la frontière, la vente de sachets de nicotine a explosé au cours des dernières années, passant de 126 à 808 millions d’unités vendues entre 2019 et 2022, selon une étude publiée en 2024 dans JAMA. Cette dernière notait les adultes étaient de rares utilisateurs, les sachets de nicotine étant surtout populaires auprès des jeunes hommes, souvent issus des milieux ruraux. Dans les écoles secondaires, l’usage aurait doublé entre 2023 et 2024, passant de 3,0% à 5,4%.Aux États-Unis, cette popularité semble nourrie par les réseaux sociaux, où de jeunes influenceurs associent leur utilisation à la confiance en soi, la masculinité et la vivacité d’esprit. Face à cette tendance, des organisations comme l'American Heart Association et la Campaign for Tobacco-Free Kids ont appelé à une réglementation des sachets de nicotine, invoquant des inquiétudes quant à leur utilisation chez les adolescents.Un marché à la fois légal et clandestinAu Canada, les seuls sachets homologués sont ceux de ZONNIC (Imperial Tobacco Canada), qui contiennent 4 mg de nicotine par dose, comparativement à environ 1 mg par cigarette. À l’arrivée des pochettes de nicotine dans les pharmacies, l’Ordre des pharmaciens du Québec avait fortement recommandé aux pharmaciens de conserver ces produits derrière le comptoir du laboratoire, avant que Santé Canada ne publie un règlement en ce sens en août 2024. Les sachets doivent dorénavant être vendus par des pharmaciens, ou sous leur supervision, à des adultes en sevrage du tabac.«On a une préoccupation générale qui n'a pas changé et qui, au contraire, s'est renforcée,» commente Jean-François Desgagné, président de l’Ordre des pharmaciens du Québec. «On a été quand même assez courageux et très proactifs dans ce dossier-là. On a été la première province canadienne à demander à nos membres cette consigne, qui a été suivie très largement. C’est un outil pour la cessation tabagique, et le risque d’une mauvaise utilisation ou d’un usage récréatif demeure.»Les sachets de nicotine non homologués peuvent toutefois être importés illicitement au pays. En 2024, des reportages réalisés par La Presse révélaient qu’il était possible de se procurer des sachets non homologués de 6, 10 et 15 mg dans des tabagies de Montréal et contenant même jusqu’à 50mg sur le web. Si cette substance très addictive peut avoir des effets néfastes sur le développement du cerveau pendant l'adolescence, la consommation d’une quantité excessive peut mener, selon Santé Canada, à une intoxication aiguë, entraînant des problèmes respiratoires graves, et dans les cas les plus graves, la mort.

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