GMF: renforcer la collaboration en amont de la consultation médicale pour améliorer l’accès

Mettre davantage à contribution les pharmaciens qui exercent en milieu communautaire et en GMF, et renforcer les interventions d’équipe en amont de la consultation médicale pour améliorer l’accès, c’est le pari du projet OSCAR, porté depuis 2021 par le département de pharmacie au CIUSSS de la Capitale-Nationale (CIUSSSCN). Tout a commencé pendant la pandémie, se souvient Dominique Chrétien, cheffe du département de pharmacie au CIUSSSCN: «les infirmières de nos GMF, très impliquées dans les ajustements médicamenteux des maladies chroniques comme le diabète, le cholestérol et l’hypertension, ont été réquisitionnées dans les sites COVID.» Les équipes du département de pharmacie réalisent alors l’avantage de mettre à contribution les pharmaciens communautaires et GMF afin de gérer un maximum de situations en lien avec la pharmacothérapie, dont les besoins d’ajustement. «Ce qui permettrait aux infirmières de se concentrer sur d’autres tâches.» Une volonté d’ailleurs partagée par la direction des soins infirmiers du CIUSSS. L’idée est lancée, avec pour objectif de revoir les responsabilités de chacun afin de mettre à profit leur expertise, dans la lignée du Programme d'évaluation de la personnalisation des soins (PEPS) en soins de longue durée, amorcé par le département de pharmacie du CIUSSSCN en 2017. Dominique Chrétien explique avoir également voulu «sensibiliser le Ministère sur le faible nombre d’heures prévues au cadre GMF, qui ne permet pas aux pharmaciens de contribuer à répondre aux besoins de manière optimale.» Pharmaciens, IPS, infirmières cliniciennes et médecins, tous les professionnels et les directions sont mis à contribution pour réviser leurs rôles et leurs responsabilités, et les intégrer dans une nouvelle trajectoire de soins.Une nouvelle porte d’accès au réseau de la santéLe projet OSCAR – pour Optimisation de la trajectoire de Soins par la Collaboration interprofessionnelle afin d’améliorer l’Accès aux soins dans le Réseau de première ligne – vise ainsi à évaluer l’impact de la création de nouvelles portes d’accès dans le système de soins, plus seulement via le médecin mais aussi et surtout via les infirmières et les pharmaciens GMF, explique Georges-Émile Bourgault, chef-adjoint des soins pharmaceutiques, chargé de piloter le projet. «En parallèle, nous voulions permettre aux pharmaciens communautaires, lorsqu’ils atteignent leurs limites en pharmacie, de se référer au pharmacien GMF pour gérer un maximum de situations en amont de la consultation médicale.» Certains médecins et infirmières déploraient en effet que leurs rendez-vous médicaux soient parfois entièrement dédiés à l’ajustement ou à l’optimisation de la médication selon lui.À lire aussi: L'entente de pratique avancée en partenariat avec les pharmaciens, un outil précieux pour les GMFLes premiers résultats de l’implantation dans deux GMF – l’un en milieu urbain et l’autre, multisite, en milieu rural – sont très encourageants, se félicitent les deux pharmaciens. Première observation: une meilleure collaboration et une augmentation des interventions des pharmaciens GMF et communautaires, comme des infirmières. «Après l’implantation de la nouvelle trajectoire de soins, les pharmaciens GMF ont cessé de faire ce qui pouvait être fait en pharmacie et ont davantage collaboré avec les pharmaciens communautaires, précise Dominique Chrétien. Nous avons réduit le travail en silo, et on a pu intervenir davantage sur les situations en lien avec la pharmacothérapie en amont de la consultation médicale.»Les infirmières, elles, ont délaissé l’ajustement médicamenteux et ont vu plus de patients distincts pour des maladies chroniques. «Il a fallu discerner le suivi de la thérapie et le suivi de la maladie pour que les infirmières collaborent avec les pharmaciens pour l’ajustement médicamenteux et se concentrent sur la prévention, l’enseignement, l’accompagnement et la surveillance. Cela a été un grand changement de paradigme», poursuit la cheffe du département de pharmacie. De leur côté, les médecins ont pu espacer les suivis aux 2 ans, au lieu des 12-18 mois, et voir davantage de patients.À lire aussi: Interdisciplinarité: pas assez loin, pas assez vite, selon les praticiensLes équipes du projet ont aussi observé une augmentation de 130% des actes facturés RAMQ concernant des maladies chroniques en pharmacies communautaires. Si elle ne peut être directement reliée à OSCAR, cette donnée interpelle, estime Dominique Chrétien. «Il semble que les pharmaciens communautaires sur le territoire du CIUSSS de la Capitale-Nationale interviennent plus qu’ailleurs, si on observe la tendance des actes facturés à la RAMQ en lien avec les ajustements et la prise en charge des maladies chroniques.»Enfin, les équipes ont fait montre d’une plus grande satisfaction et motivation, sans report sur leur charge de travail.Pour parvenir à tous ces résultats, les équipes ont dû multiplier le nombre d’heures prévues des pharmaciens GMF par 2,5 dans le GMF de niveau 4, et par 1,5 dans le GMF de niveau 9. Plus le niveau de GMF est bas, plus on a besoin de compenser l’insuffisance des heures prévues au cadre, jusqu’à un certain plafond pour les GMF de plus haut niveau, observe la pharmacienne. Un message plus que rassurant pour le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) selon elle. L’appui du Ministère pour la version 2.0Restait l’inconnue du manque de temps et de personnel en pharmacie communautaire, en plus des nouveaux actes cliniques. Comment ces enjeux ont-ils influencé la réponse des pharmaciens communautaires? «Les pharmaciens qui ont participé aux travaux nous ont dit que, si on leur avait demandé de suivre un patient diabétique, on risquait de se buter à un refus par manque de temps, concède Georges-Émile Bourgault. Mais si on leur demandait d’ajuster la thérapie pour atteindre la cible ou en cas d’effets indésirables, et ensuite d’orienter le patient vers l’infirmière pour la surveillance de la maladie, ce serait gagnant.» Les prochaines étapes du projet OSCAR, qui inspire d’ores et déjà d’autres GMF de la région, sont en cours d’élaboration, explique Dominique Chrétien: «Le projet est déjà implanté au pôle santé mentale du Guichet d’accès à la première ligne et dans la clinique d’urgence mineure au Jeffery Hale. Nous sommes actuellement en train d’élaborer un plan de déploiement dans les autres GMF du CIUSSS de la Capitale-Nationale, et nous avons déjà obtenu un financement du Ministère pour un OSCAR 2.0.» Les deux pharmaciens estiment nécessaire d’évaluer la satisfaction des patients atteints de maladies chroniques, mais aussi dans d’autres situations cliniques, et déterminer combien de références en troisième ligne ou de visites à l’urgence peuvent être épargnées grâce à cette nouvelle trajectoire de soins. Lorsqu’on sollicite les pharmaciens GMF pour réviser la thérapie des patients polymédicamentés, on requestionne les cibles thérapeutiques et on désintensifie la médication, tout en réduisant les effets indésirables et leurs conséquences, reprend la cheffe du département de pharmacie. Parfois, ce qu’on voit comme un problème médical est d’abord en lien avec un besoin d’ajustement ou de révision de la cible en amont de la consultation médicale.»

GMF: renforcer la collaboration en amont de la consultation médicale pour améliorer l’accès

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes