Former les patients au bénéfice des spécialistes

D’un côté, «c’est la jungle pour les patients qui veulent s’informer». En plus des pamphlets qu’on leur donne à l’hôpital ou dans les cliniques, il existe plus de 170 000 outils numériques au Canada — applications, sites web, etc. — pour se renseigner sur sa santé ou sur une maladie en particulier, recense Vincent Dumez, codirecteur du Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public (CEPPP) de l’Université de Montréal. «Les gens ne font pas forcément la différence entre un outil normé et validé scientifiquement et un site néo-zélandais qui dit qu’on peut soigner le cancer avec de la vitamine C», illustre-t-il en insistant sur la nécessité de répondre à l’«enjeu de la désinformation sur Internet en santé». De l’autre côté, «les médecins spécialistes passent beaucoup de temps à faire de l’éducation aux patients sur leur pathologie. C’est normal, ça fait partie de leur travail. Mais ils passent aussi un temps certain à démythifier des affaires et à répondre aux questions de patients mal informés et mal renseignés», observe le directeur des projets technologiques et des systèmes d’information de l’Institut de la pertinence des actes médicaux (IPAM), Luc Bouchard. Ce double constat a conduit au lancement, début 2022, d’un projet porté par le CEPPP dans le cadre des travaux de l’IPAM. Il vise à développer, à terme, «une plateforme d’éducation qui va accompagner les patients tout au long de leur trajectoire de soins en leur permettant de développer leurs compétences en santé et de renforcer leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes», résume Vincent Dumez. L’idée est de leur donner accès à la bonne information, au bon moment, ou, autrement dit, à des contenus validés sur le plan médical qui seront adaptés selon que la personne est en phase de diagnostic ou de traitement, par exemple. «L’interface pourrait aider le patient à mieux préparer une rencontre ou un examen, lui délivrer des informations post-visite sur les traitements qu’on lui a prescrits, le renseigner sur l’évolution de sa maladie, comment s’y adapter au quotidien, etc.», énumère le codirecteur du CEPPP, qui imagine un outil conçu «en fonction de la logique du patient et de ses besoins, et non pas selon la logique du système de santé. S’il est adéquatement informé et qu’il peut facilement s’éduquer, on facilite les diagnostics, on renforce l’adhésion et, au final, on améliore la pertinence des consultations». Luc Bouchard en est également convaincu. «Si une partie du travail d’éducation est fait en amont, à l’aide d’outils crédibles, les spécialistes pourront aller plus loin dans la relation thérapeutique et cela va optimiser la collaboration. Les patients recevront un meilleur service et, par effet collatéral, les médecins pourront en voir plus», indique le monsieur techno de l’IPAM. État des lieux Pour l’instant, l’équipe du CEPPP s’est affairée à dresser l’inventaire des ressources et outils dignes de confiance qui sont mis à la disposition des Québécoises et des Québécois par les différents sites web du ministère de la Santé et des Services sociaux, des établissements de santé, des associations de malades ou encore des associations médicales. «On cherche également à identifier les savoirs et les compétences que les patients doivent acquérir durant leur parcours de vie avec la maladie afin de détecter les besoins non comblés», signale Vincent Dumez. En lien avec le déploiement en cours de la télédermatologie, ce travail de recension a été effectué en priorité pour les trajectoires de soins en dermatologie. Il vient de débuter pour les trajectoires en oncologie et en santé mentale, et sera ensuite accompli pour sept autres parcours de soins. Dans un second temps, «il faudra voir comment rassembler toutes ces infos de manière homogène et accessible pour les patients, en évitant les doublons», signale Luc Bouchard, qui évoque une plateforme directement reliée au Carnet santé Québec des patients qui pourrait, éventuellement, être étendue ensuite à la médecine familiale. Vincent Dumez voit encore plus loin et imagine, dans un futur proche, des outils d’auto-diagnostic fiables et accessibles à tous. «Plus les gens connaîtront leur condition et leur situation, mieux ils sauront s’ils doivent solliciter le système et par où y accéder. Si on veut éviter le recours à l’urgence, encore faut-il que les patients puissent déterminer qu’ils n’ont pas besoin d’y aller.»

Former les patients au bénéfice des spécialistes

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes