Équipe du Programme de télésanté en toxicomanie pour Autochtones: Redonner leur voix aux populations autochtones

Équipe interprofessionnelle hospitalière | 2024Rangée du haut, de gauche à droite : Patricia Lalonde, Mélanie Ricard, Johanna Sincère, Sofiane Chougar. Rangée du bas, de gauche à droite : Dr Stéphanie Marsan, Rosaline Dufresne, Barbara KotsorosL’équipe du Programme de télésanté en toxicomanie pour Autochtones a mis au point une approche centrée sur la sécurisation culturelle pour recréer un lien de confiance entre le réseau de la santé et les communautés, et aboutir à des soins plus respectueux.Par Anaïs BouitchaVoilà plus de 10 ans que l’équipe du Service de médecine des toxicomanies (SMT) du CHUM travaille main dans la main avec les communautés autochtones pour réduire les inégalités en santé. «Au fil des ans, nous avons constaté l’immense besoin de faciliter l’accès, en régions éloignées comme dans les centres urbains. Il fallait trouver une autre façon d’offrir des services», explique la Dre Stéphanie Mari-Anka Marsan, cheffe et cogestionnaire médicale du SMT. Un défi de taille, sachant que le CHUM est le seul hôpital de la province à disposer d’un mandat suprarégional et d’un service des toxicomanies.C’est en 2018, lors d’une rencontre avec la communauté de Listuguj, en Gaspésie, que la Dre Marsan et sa collègue Barbara Kotsoros, infirmière clinicienne au SMT, ont l’idée d’avoir recours à la télésanté pour pallier le manque de médecins – l’unique prescriptrice est à une heure de route, et a une liste d’attente de plus de quatre ans. En collaboration avec la communauté et le CISSS de la Gaspésie entre autres, elles envoient les demandes de financement public, et lancent un projet pilote en 2020. La pandémie de COVID-19 donne une nouvelle dimension à la télésanté et propulse le Programme de télésanté en toxicomanie pour Autochtones.Cette rencontre a bouleversé leur pratique, se souvient Barbara Kotsoros. «Nous avons vraiment compris leur manière d’appréhender la santé et la médecine traditionnelle.» C’est pourquoi elles ont opté pour une approche culturellement sécuritaire, explique la Dre Stéphanie Marsan. «Nous voulions nous assurer d’offrir des soins adaptés à leurs besoins, leur culture, leurs valeurs, tout en tenant compte de leurs traumas comme ceux liés au colonialisme par exemple.» Face à la méfiance des populations envers un système discriminant, voire maltraitant, l’équipe a dû opter pour une nouvelle approche. Terminés, les questionnaires diagnostiques et les plans de traitement. «On est davantage dans le récit. Ça prend plus de temps, mais c’est tellement plus riche», souligne la Dre Marsan.Les consultations dépassent parfois les 30 minutes, et se déroulent toujours en présence d’un intervenant – travailleur social, aîné, infirmière – en plus du médecin et de l’infirmière clinicienne. «On voit une évolution positive de l’adhésion au traitement, les gens nous font de plus en plus confiance, ça fonctionne beaucoup par le bouche-à-oreille dans les communautés. Les patients restent longtemps en traitement», observe Barbara Kotsoros. En effet, le taux d’adhésion au traitement par agonistes opioïdes est compris entre 70 % et 80 %, contre 30 % habituellement, précise l’infirmier-chef Sofiane Chougar. Plus de 250 trousses de naloxone ont été distribuées grâce au programme. Une seule surdose de drogue non mortelle et trois intoxications sur 30 patients ont été recensées entre le 4 décembre 2023 et le 29 février 2024.La petite équipe – à laquelle s’ajoutent deux autres infirmières, une agente administrative et une agente de planification – veut inciter d’autres professionnels à exercer auprès des communautés, mais aussi amorcer une prise en charge et un suivi dans les CISSS et les CIUSSS sur place. Le SMT forme actuellement cinq résidents en médecine des toxicomanies par an. Grâce à eux, la culture semble en tout cas évoluer, peu à peu : le CHUM a développé le projet Mieux-être Autochtone et travaille sur un autre projet de sécurisation culturelle. «Je suis très fier de faire partie de cette équipe, sourit Sofiane Chougar. On est parvenus à montrer une autre facette des soins aux Autochtones, des populations plus vulnérables et stigmatisées. Ce prix donne une visibilité à notre action.»

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