Épilepsie: mise à jour des lignes directrices sur la conduite et les rapports médicaux

Pour la première fois depuis 30 ans, les experts de l’American Academy of Neurology (AAN), de l'American Epilepsy Society et de l'Epilepsy Foundation of America ont émis des recommandations conjointes concernant la délivrance du permis de conduire aux personnes souffrant d’épilepsie et le signalement des conducteurs dangereux par les médecins. Ces lignes directrices, publiées dans la revue Neurology1, sont une mise à jour des prises de position antérieures datant de 1994 et 2007.«La plupart des personnes épileptiques peuvent conduire en toute sécurité lorsque leurs crises sont contrôlées par des médicaments, et pour certaines, elles cessent progressivement. Cette prise de position vise à améliorer la gestion de ce problème personnel, médical, gouvernemental et sociétal complexe», explique dans un communiqué le Dr Benjamin Tolchin, professeur à la faculté de médecine de Yale à New Haven (Connecticut), membre de l'AAN et coauteur des lignes directrices. Un intervalle minimum de trois mois sans criseUne nouvelle recommandation clé préconise un intervalle minimum de trois mois sans crise, prolongé sur la base d'un examen individualisé des facteurs favorables et défavorables, évalué par un comité consultatif médical avec la contribution des praticiens traitants.Selon le Dr Tolchin, le risque de crises récurrentes et d'accidents de la route diminue également avec l'allongement des intervalles sans crise, avec une réduction progressive des risques après 6 à 12 mois d'absence de crise. En outre, les exigences légales universelles concernant les intervalles sans crise de plus de trois mois ne réduisent pas nécessairement les accidents de la route ou les décès, comme l'a démontré l'État d’Arizona en ramenant l'intervalle sans crise de 12 à 3 mois.À lire aussi: Migraine: les nouvelles lignes directrices s'écartent des recommandations des expertsL'autre nouveauté est la prise en compte des crises fonctionnelles, ou crises psychogènes non épileptiques, causées par un stress intense, des émotions fortes ou d'autres facteurs psychologiques. Les personnes qui en souffrent pourraient présenter un taux plus élevé d'accidents de la route, mais un taux de blessures plus faibles que les personnes souffrant d'épilepsie selon les données préliminaires disponibles. «Il existe désormais des cas documentés dans lesquels des crises fonctionnelles ont provoqué des accidents de la route et, pour cette raison, la déclaration de position recommande que la même évaluation individualisée avec un minimum de trois mois d'absence de crise, qui peut être prolongée par le conseil médical consultatif, soit valable pour les crises fonctionnelles ainsi que pour les crises d'épilepsie», écrivent les auteurs.Les trois organismes ont formulé neuf autres directives consensuelles: Les critères d'octroi de permis de conduire pour les affections médicales devraient être promulgués par des règlements et des lignes directrices fondés sur la législation habilitante et devraient être élaborés en collaboration avec des comités consultatifs médicauxLes critères d'octroi de permis devraient être équitables, non discriminatoires, objectifs et compatibles avec les risques comparables dans d'autres populationsLes personnes dont les crises sont exclusivement provoquées par des facteurs provocants peu susceptibles de se reproduire à l'avenir peuvent ne pas nécessiter d'intervalle sans crise avant de reprendre la conduiteLes personnes dont l'épilepsie était auparavant bien contrôlée et qui subissent des crises en raison d'interruptions à court terme des médicaments anticonvulsivants dans le cadre d'une hospitalisation ou d'une titration médicamenteuse prescrite par un praticien peuvent ne pas nécessiter d'intervalle sans crise avant de reprendre la conduite une fois que les niveaux précédemment efficaces de médicaments anticonvulsivants ont été reprisLa conduite doit être interrompue pendant la diminution progressive d'un médicament et après son arrêt si aucun autre médicament ne le remplaceLes personnes dont la cognition ou la coordination est altérée en raison de médicaments utilisés pour prévenir les crises devraient s'abstenir de conduireLes professionnels de la santé devraient être autorisés, mais non obligés, à signaler les conducteurs qui présentent un risque élevémais ni la décision de signaler un patient soupçonné d'être à risque élevé ni la décision de refuser de signaler un patient soupçonné d'être à risque élevé ne devraient être soumises à une responsabilité légaleLes nations, les États et les municipalités devraient fournir des moyens de transport et d’hébergement alternatifs aux personnes dont les privilèges de conduite sont restreints en raison de problèmes de santé.La mise à jour recommande par ailleurs que les réglementations relatives à la conduite et à l'épilepsie soient fondées sur des données empiriques plutôt que sur des cas individuels tragiques ou des anecdotes comme par le passé.Parmi les facteurs que le comité consultatif – qui devrait inclure au moins un clinicien ayant de l’expérience dans le traitement de l’épilepsie ou d’autres troubles neurologiques – devrait prendre en considération pour fixer l’intervalle sans crise, les experts indiquent des facteurs favorables:Crises d'épilepsie lors de changements de médicaments prescrits par un praticienCrises focales sans altération de la conscience (par exemple, crises focales conscientes) qui n'interfèrent pas avec le contrôle moteurModèle établi de crises survenant exclusivement pendant le sommeil (parfois appelé « crises nocturnes »)Crises secondaires à des facteurs provoquants qui ne sont pas susceptibles de se reproduire (tels que des affections métaboliques, toxiques ou infectieuses, ou d’autres maladies aiguës)Et des facteurs défavorables:Non-observance sans ambiguïté des médicaments ou des visites médicalesCrises liées à un trouble lié à la consommation de substancesAccidents antérieurs dus à des crises d'épilepsieAntécédents d'accidents de la route ou d'infractions au code de la route (si le dossier de conduite est disponible)Augmentation du nombre de crises dans un passé récent par rapport aux valeurs de référence antérieuresCrises réfractaires à plusieurs traitements antiépileptiquesCrises fréquentes après une période sans criseLa personne a des crises récurrentes dont elle n’est pas conscienteLésion cérébrale structurelle (par exemple, accident vasculaire cérébral, dysplasie corticale ou tumeur) ou maladie cérébrale susceptible de s’aggraver avec le temps (par exemple, maladie d’Alzheimer ou tumeur maligne)Depuis que l'État du Maryland a mis en œuvre cette stratégie en 2003, seuls deux accidents de la route associés à des crises d'épilepsie ont été signalés, note le document de consensus. Plus d’obligation de signalement pour les praticiensConcernant les praticiens, ces derniers sont incités à conseiller aux patients épileptiques de respecter le cadre réglementaire concernant la conduite, mais aussi évaluer leur sécurité routière, optimiser le traitement pour contrôler les crises et les informer des risques pour eux-mêmes et pour les autres lorsqu’ils prennent le volant. Toutes ces conversations doivent être consignées dans le dossier médical, indique le document. Par ailleurs, les auteurs recommandent que le praticien soit légalement autorisé à signaler un patient non auto-déclaré qui pourrait présenter un danger pour soi ou pour les autres, sans y être formellement obligé, ni «exposé à une quelconque responsabilité en cas de manquement», afin de protéger la relation médecin-patient.À lire aussi: Mise à jour des lignes directrices canadiennes pour la prévention de la migraine épisodique et chroniqueSelon les auteurs, «la déclaration obligatoire par les praticiens ne diminue pas le risque d'accident de la route, mais augmente la probabilité de conduite sans permis» et favorise la dissimulation d'informations médicales par les patients à leurs médecins.«Grâce à la collaboration avec de nombreuses organisations, comités et représentants de patients, nous avons élaboré un cadre qui reflète une approche équilibrée de la sécurité et de l'indépendance du patient et privilégie l'évaluation individualisée des risques, tout en garantissant que les décisions d'autorisation d'exercer relèvent des organismes de réglementation, et non des professionnels de santé», précise la Dre Charuta Joshi, neurologue pédiatrique, membre de l'American Epilepsy Society et coauteure des recommandations. Référence: Tolchin B, Krauss GL, Spanaki MV, Joshi C, et coll. Seizures, Driver Licensure, and Medical Reporting Update: An AAN Position Statement. Neurology, mars 2025(104)7. https://doi.org/10.1212/WNL.0000000000213459

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