Enquête nationale sur les médecins canadiens: un besoin urgent de mettre la santé numérique à niveau

La pandémie de COVID-19, qui a amplifié les pénuries de personnel et l'épuisement toujours croissant des cliniciens dans notre système de santé, a créé un besoin urgent de le réimaginer et de l'améliorer.Les cliniciens savent que les outils de santé numériques peuvent faire partie de la solution, mais sans l'écosystème nécessaire pour soutenir l'innovation et le partage des données, la technologie peut aussi amplifier le problème. Nous devons nous moderniser pour permettre aux technologies de la santé de communiquer de manière transparente, de partager efficacement les données et de servir d'outils aux cliniciens plutôt que de les gêner.L'Enquête nationale sur les médecins canadiens 2024, menée par Inforoute Santé du Canada et l'Association médicale canadienne, dévoile les grandes tendances de l'utilisation des outils numériques de santé par les médecins, mettant en lumière les domaines où des progrès ont été réalisés ainsi que ceux où les progrès ont été moindres.À lire aussi: L’IA n’est pas LA solution à la crise des soins de première ligne, mais en fait partieAujourd'hui, 95% des médecins utilisent des dossiers électroniques pour la documentation clinique, contre 87% en 2021. C’est une hausse spectaculaire par rapport à 39% en 2010 (tableau de bord des tendances pancanadiennes). Il s'agit d'une transformation substantielle, en particulier en médecine familiale, où 97% des médecins utilisent désormais les dossiers électroniques. Ce progrès s'est accompagné de l'adoption progressive de fonctions complémentaires telles que l'aide à la décision et l'obtention d'informations sur les patients, comme les résultats d'examens.En revanche, les outils numériques qui facilitent les soins connectés, permettant aux cliniciens de partager des informations sur les patients au sein du cercle de soins, ont mis du temps à être adoptés à grande échelle. Selon les résultats de l'étude 2024, seule une minorité de médecins déclarent envoyer des références ou des résumés cliniques par voie électronique, tandis que 73% d'entre eux citent la fragmentation des systèmes et le manque d'intégration comme étant des obstacles importants. Ces systèmes déconnectés, qui nécessitent souvent des connexions multiples et des contournements fastidieux, limitent les avantages potentiels de la santé numérique.Pourquoi les progrès se sont-ils accélérés dans certains domaines et pas dans d'autres, et quels enseignements peut-on tirer de l'expérience acquise en matière de dossiers médicaux électroniques (DMÉ)? Dans une analyse de 2014 sur les progrès des DMÉ, mon coauteur et moi-même avions conclu:La décision de financer les dossiers médicaux électroniques s'inscrit dans un cadre à long terme pour la santé numérique, établi en consultation avec les parties prenantes de tout le pays, stimulé par une analyse démontrant l'impact économique de tels investissements et par des données sur le faible taux d'utilisation des DMÉ dans les soins primaires au Canada par rapport à d'autres pays. La décision reflète le large consensus du public et des parties prenantes quant à l'importance de ces investissements.Nous avions décrit un environnement dans lequel une proposition de valeur forte et un consensus entre les parties prenantes ont créé une dynamique de changement. Des attentes claires et l'amélioration des produits étaient essentielles, de même que la certification pour l'assurance de la qualité. Les gouvernements ont perçu la valeur à long terme des DMÉ, comprenant que leur impact allait bien au-delà des pratiques individuelles, améliorant la coordination des soins et les résultats pour les patients dans l'ensemble du système de soins de santé.Nous pensons que ces conditions doivent être reproduites et que de nombreux éléments sont déjà en place.Tout d'abord, les raisons sont évidentes. Les données d'enquête révèlent que les médecins consacrent un temps précieux – jusqu'à deux heures par jour – à la collecte d’informations sur les patients qui, autrement, pourraient être facilement accessibles. Cette inefficacité ajoute une pression inutile à un système déjà surchargé. En réduisant ces barrières administratives, nous pourrons consacrer plus de temps aux soins directs aux patients et améliorer les résultats globaux en matière de santé. Le rapport L'interopérabilité sauve des vies (en anglais, voir le résumé en français) met en évidence d'autres effets positifs de l'interopérabilité sur les soins aux patients, tandis que la Stratégie pancanadienne de données sur la santé présente une vision audacieuse de l'exploitation des données de santé au profit des patients et des cliniciens.Ensuite, les principaux cadres réglementaires prennent forme. En mars 2023, la Feuille de route commune de l’interopérabilité pancanadienne a été approuvée lors de la Conférence des sous-ministres, reconnaissant le besoin urgent d'un partage transparent des données dans l'ensemble de l'écosystème des soins de santé au Canada. Cette approbation représente un engagement collectif des dirigeants fédéraux, provinciaux et territoriaux à relever les défis de longue date en matière d'interopérabilité. Les spécifications techniques initiales et les documents d'orientation destinés à rendre la feuille de route opérationnelle sont en cours d'élaboration, en collaboration avec les parties prenantes de l'ensemble du continuum des soins de santé.À lire aussi: Outils d’IA et paperasse: pourquoi leur taux d’utilisation chez les médecins est-il toujours aussi faible?En outre, l'introduction du projet de loi C-72 en juin 2024 a marqué une autre étape cruciale, en proposant des règles claires pour faire respecter l'adoption des normes et promouvoir l'intégration des systèmes de santé. Cette loi, si elle est adoptée, fournira un cadre réglementaire nécessaire pour garantir que les données des patients puissent circuler entre les différents environnements de soins.Enfin, des fonds ont été mobilisés pour lancer cet ambitieux projet. Des investissements ont été effectués au profit d’organisations comme Inforoute et l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), qui mènent des initiatives d'interopérabilité telles que décrites dans la feuille de route. De plus, des accords bilatéraux entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires ont alloué des fonds dédiés aux priorités de la feuille de route. Ces investissements et ces partenariats génèrent déjà des progrès tangibles, comme l'initiative du Nouveau-Brunswick sur les résumés destinés aux patients. Bien que certaines parties prenantes doivent supporter un fardeau plus lourd en matière de mise en œuvre ou d'adoption, les avantages à long terme de données de haute qualité et partageables seront ressentis par tous.Pour garantir des progrès durables, il s’avère essentiel de maintenir une approche équilibrée, en offrant la bonne combinaison d'incitations financières, de soutien technique et d'orientations politiques pour encourager une adoption généralisée dans toutes les régions et tous les secteurs du système de soins de santé. Il ne s'agit pas seulement d'un investissement initial, mais d'un engagement à long terme pour créer un système de soins de santé qui fonctionne vraiment pour les cliniciens et les patients.Les mesures que nous prenons aujourd'hui façonneront l'avenir des soins de santé au Canada. Les progrès que nous avons réalisés ne sont qu'un début.Cet article a été republié sur le site Healthy Debate (en anglais) sous licence Creative Commons.Simon Hagens est vice-président de la performance à Inforoute Santé du Canada.

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