Du cerveau aux intestins: quand l’hormone du stress cause des troubles digestifs

Des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en France, suggèrent pour la première fois un lien entre le cortisol et la plasticité du système nerveux intestinal, notre «deuxième cerveau». Sous l’effet du cortisol, ce réseau composé de 200 à 300 millions de neurones modifie la contractilité des muscles du tube digestif, et du côlon en particulier, responsables du transit. Tout se joue au sein de ces cellules neuronales. Lors d’un événement stressant, le cortisol sécrété par les glandes surrénales se fixe sur un récepteur de l’hormone appelé «GR». Le couple migre ensuite dans le noyau, activant ainsi la transcription et l’expression d’un gène qui, au bout du processus, accélère le transit intestinal. Mieux comprendre comment le cortisol agit sur le système nerveux intestinal pourrait ouvrir la porte à de nouveaux traitements, afin d'améliorer éventuellement la qualité de vie des patients aux prises avec des troubles digestifs. De nombreux espoirs Publiés en février 2023 dans Frontiers in Neuroscience, ces résultats représentent une avancée pour les personnes aux prises avec des pathologies impliquant une variation du taux de cortisol, comme dans le cas de troubles mentaux. «On sait que les patients qui ont des maladies psychiatriques ont des troubles digestifs extrêmement importants, comme par exemple dans l’autisme», explique Michel Neunlist, chercheur à la tête du laboratoire de recherche Système nerveux entérique dans les maladies digestives et du cerveau à l’Inserm. L’utilisation d’un médicament antagoniste empêchant la fixation du cortisol sur les récepteurs GR pourrait constituer une piste intéressante. «Ça ne va pas directement sauver des vies, estime le chercheur, mais les troubles digestifs impactent la qualité de vie, l’anxiété, la dépression, qui eux sont des éléments centraux dans la prise en charge du patient.» Le stress est également un facteur déclencheur et aggravant de certaines maladies chroniques. Michel Neunlist cite notamment l’obésité, la sclérose en plaques, certaines maladies neurodégénératives et inflammatoires intestinales. «Avoir un outil qui bloque à un moment donné, lors d’un événement stressant, la mise en place de ce système délétère peut être tout à fait intéressant pour une utilisation ponctuelle sur une période de temps réduite», souligne-t-il. De la souris à l’humain Cependant, ce médicament antagoniste prometteur appartient encore à un futur incertain. «Les approches pharmacologiques classiques ne s’y prêteraient pas», admet Michel Neunlist. «[Le cortisol] régule beaucoup de fonctions, à la fois métaboliques, immunitaires et neuronales. C’est une sorte de hub moléculaire», précise-t-il, d’où le risque de bloquer certaines fonctions importantes en voulant préserver un transit intestinal sain. «On est très en amont de la recherche», reconnaît le chercheur, qui dit se concentrer pour le moment sur la compréhension des mécanismes communs et spécifiques aux différentes pathologies liées au cortisol. Une approche «plus douce» pour contrer les effets de l’hormone serait d’utiliser des modulateurs du microbiote intestinal, tels que des probiotiques. La prochaine étape majeure de cette étude sur le cortisol consistera à passer d’expérimentations réalisées sur des souris à celles sur des humains. «On a guéri toutes les maladies chez les souris, et pourtant on a toujours des maladies humaines», lance à la blague Michel Neunlist avec une pointe d’ironie. C’est pourquoi l’unité de recherche qu’il dirige travaille à développer des outils permettant de contourner les différences entre les espèces. Elle s’affaire par exemple à reconstruire un intestin humain à partir de cellules souches reprogrammées, afin d’imiter les fonctions complexes de notre «deuxième cerveau».

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